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en une contenance dévote devant votre Dieu. Combien de courtisans y a-t-il qui vont cent fois l'année en la chambre du Prince, sans espérance de lui parler, mais seulement pour être vus de lui et rendre leur devoir? Ainsi devons-nous venir, ma chère Philothée, à la sainte oraison, purement et simplement pour rendre notre devoir et témoigner notre fidélité. Que s'il plaît à la divine Majesté de nous parler et s'entretenir avec nous par ses saintes inspirations et consolations intérieures, ce nous sera sans doute un grand honneur et un plaisir très-délicieux; mais, s'il ne lui plaît pas de nous faire cette grâce, nous laissant là sans nous parler, non plus que s'il ne nous voyait pas et que nous ne fussions pas en sa présence, nous ne devons pourtant pas sortir, mais, au contraire, nous devons demeurer là devant cette souveraine Bonté, avec un maintien dévotieux et paisible, et lors, infailliblement, il agréera notre patience et remarquera notre assiduité et persévérance; si bien qu'une autre fois, quand nous reviendrons devant lui, il nous favorisera et s'entretiendra avec nous par ses consolations, nous faisant voir l'aménité de la sainte oraison. Mais quand il ne le ferait pas, contentons-nous, Philothée, que ce nous est un honneur trop plus grand d'être auprès de lui et à

sa vue.

CHAPITRE X.

Exercices pour le matin.

UTRE cette oraison mentale entière et formée,

Oet les autres oraisons vocales que vous devez

faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraisons plus courtes, et qui sont comme avancements et surgeons de l'autre grande oraison, entre lesquelles la première est celle qui se fait le matin, comme une préparation générale à toutes les œuvres de la journée; or, vous la ferez en cette sorte.

I. Remerciez et adorez Dieu profondément, pour la grâce qu'il vous a faite de vous avoir conservée la nuit précédente; et, si vous aviez commis en celle-ci quelque péché, vous lui demanderez pardon.

II. Voyez que le jour présent vous est donné, afin qu'en celui-ci vous puissiez gagner le jour à venir de l'éternité; et faites un ferme propos de bien employer la journée à cette intention.

III. Prévoyez quelles affaires, quels commerces et quelles occasions vous pouvez rencontrer cette journée-là pour servir Dieu, et quelles tentations vous pourront survenir de l'offenser, ou par colère, ou par vanité, ou par quelque autre déréglement;

et, par une sainte résolution, préparez-vous à bien employer les moyens qui se doivent offrir à vous de servir Dieu et avancer votre dévotion. Comme au contraire, disposez-vous à bien éviter, combattre et vaincre ce qui peut se présenter contre votre salut et la gloire de Dieu. Et ne suffit pas de faire cette résolution, mais il faut préparer les moyens pour la bien exécuter. Par exemple, si je prévois devoir traiter de quelque affaire avec une personne passionnée et prompte à la colère, nonseulement je me résoudrai de ne point me relâcher à l'offenser, mais je préparerai des paroles de douceur pour la prévenir, ou l'assistance de quelque personne qui la puisse contenir. Si je prévois de pouvoir visiter un malade, je disposerai l'heure, les consolations et secours que j'ai à lui faire; et ainsi des autres.

IV. Cela fait, humiliez-vous devant Dieu, reconnaissant que, de vous-même, vous ne sauriez rien faire de ce que vous avez délibéré, soit pour fuir le mal, soit pour exécuter le bien, Et, comme si vous teniez votre cœur en vos mains, offrez-le avec tous vos bons desseins à la divine Majesté, la suppliant de le prendre en sa protection et le fortifier pour bien réussir en son service, et ce par telles ou semblables paroles intérieures: O Seigneur, voilà ce pauvre et misérable cœur, qui, par votre

bonté, a conçu plusieurs bonnes affections; mais, hélas! il est trop faible et chétif pour effectuer le bien qu'il désire, si vous ne lui départez votre céleste bénédiction, laquelle, à cette intention, je vous requiers, ô Père débonnaire, par le mérite de la passion de votre Fils, à l'honneur duquel je consacre cette journée et le reste de ma vie. Invoquez Notre-Dame, votre bon Ange et les Saints, afin qu'ils vous assistent à cet effet.

Mais toutes ces actions spirituelles se doivent faire brèvement et vivement, devant que l'on sorte de la chambre, s'il est possible; afin que, par le moyen de cet exercice, tout ce que vous ferez le long de la journée soit arrosé de la bénédiction de Dieu; mais je vous prie, Philothée, de n'y manquer jamais.

CHAPITRE XI.

De l'exercice du soir et de l'examen de conscience.

OMME devant votre dîner temporel, vous ferez le

Cdîner spirituel par le moyen de la méditation;

ainsi, avant votre souper, il vous faut faire un petit souper, au moins une collation dévote et

spirituelle. Gagnez donc quelque loisir un peu avant l'heure du souper, et, prosternée devant Dieu, ramassant votre esprit auprès de JésusChrist crucifié, que vous vous représentez par une simple considération et œillade intérieure, rallumez le feu de votre méditation du matin en votre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations et élancements amoureux, que vous ferez sur ce divin Sauveur de votre âme; ou bien en répétant les points que vous aurez plus savourés en la méditation du matin; ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aimerez mieux.

Quant à l'examen de conscience, qui se doit toujours faire avant qu'aller coucher, chacun sait comme il le faut pratiquer.

I. On remercie Dieu de la conservation qu'il a faite de nous en la journée passée.

II. On examine comme on s'est comporté en toutes les heures du jour, et pour faire cela plus aisément, on considérera, où, avec qui, et en quelle occupation on a été.

III. Si l'on trouve d'avoir fait quelque bien, on en fait action de grâces à Dieu; si au contraire l'on a fait quelque mal, en pensées, en paroles, ou en œuvres, on en demande pardon à sa divine Majesté, avec résolution de s'en confesser à la pre

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