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puis, surtout au nord, dans le bassin de la Time. Là j'ai vécu parmi les Ghiliaks, où j'ai recueilli des notes nombreuses et rassemblé des collections intéressantes au point de vue ethnographique et au point de vue de la faune et de la flore.

J'ai mensuré un certain nombre de Ghiliaks et bon nombre de prisonniers de religion musulmane.

Je vais maintenant jusqu'au 1er décembre vivre chez les Aïnos du sud de l'île.

Ensuite, je visiterai l'ile Yeso et reviendrai en étudiant, en Sibérie, la vie d'hiver des aborigènes de cette contrée.

Vous ne pouvez croire combien les autorités russes m'ont aidé. A chaque voyage, mon cercle d'excellentes relations en Russie s'agrandit.

Je suis très satisfait de mon voyage qui s'accomplit dans les meilleures conditions.

Aujourd'hui 24 octobre nous avons 25 centimètres de neige.
Je serai vers février à Tomsk.

Deux lettres adressées à un de nos confrères par M. Mercuri, second de la mission de Behagle, actuellement à N'Délé dans le Dar Ronna, près du sultan Senoussi, viennent d'arriver à Constantine; elles confirment tous les détails du massacre de la mission Bretonnet, mais disent que notre allié Gaourang n'a pas été massacré.

En ce qui concerne la mort de Behagle, M. Mercuri dit qu'aucun des hommes qui composaient son escorte n'est revenu; le chef de la mission a été conduit, après avoir été fait prisonnier par l'avantgarde de Rabah, à Dikoa, résidence habituelle de Rabah. Depuis, aucune nouvelle n'est parvenue, affirmant ou infirmant le bruit de l'assassinat de notre compatriote.

Quant à Rabah, à la suite du massacre de la mission Bretonnet, il est allé en personne installer son sultan à Kouns, résidence de notre allié le sultan Gaourang.

Les lettres ajoutent que le sultan Senoussi, allié également de la France et résidant à N'Délé, s'attend à une attaque des gens du Ouadaï, qui se mettront très probablement en mouvement dès commencera la saison sèche.

2

LA BAIE DE DELAGOA. — On a beaucoup parlé cette quinzaine de la baie de Delagoa. Les révélations sensationnelles du Lokalanzeiger de Berlin, du 28 décembre, ont provoqué dans la presse des deux mondes une vive émotion. Le journal berlinois assurait que, par suite d'une entente secrète anglo-allemande, l'Allemagne recevrait toutes les possessions asiatiques du Portugal et serait reconnue souveraine des pays au nord de Zanzibar, à l'exception d'une bande de terre de 3 milles de large réservée pour le passage du chemin de fer transafricain de M. Cecil Rhodes. Comme compensation, le gouvernement allemand paierait au Portugal trente et un millions deux cent cinquante mille francs. Quant à l'Angleterre, elle annexerait le reste des possessions portugaises en Afrique, c'est-à-dire un ensemble de territoire de deux millions de kilomètres carrés. La baie de Delagoa avec Lourenço-Marquez deviendrait ainsi anglaise. Le Portugal aurait adhéré, en principe, à cet arrangement.

En Angleterre, on démentit aussitôt la nouvelle, mais de façon si peu précise que la discussion restait libre. Une note semi-officielle de l'Agence Reuter disait, en effet, que les faits rapportés par la Lokalanzeiger étaient grossièrement travestis. Cela pouvait signifier qu'il y avait un fond de vérité dans ces révélations. Ce pseudodémenti ne fit naturellement que multiplier les commentaires. De Berlin alors arriva un nouveau démenti, cette fois catégorique. Le Moniteur de l'Empire, le 30, se déclarait autorisé à affirmer que les assertions du Lokalanzeiger étaient une invention audacieuse et maladroite. Sur ce, le Hamburger Correspondant donna du traité une nouvelle version certainement plus vraisemblable.

1o L'entrée en vigueur de ce traité dépendait entièrement du consentement du Portugal, dans le cas où il voudrait réorganiser ses finances; 2o L'Angleterre, au cas où cette condition primordiale viendrait à échoir, aurait la baie de Delagoa;

3o L'Allemagne gardera sa pleine liberté d'action partout ailleurs que dans l'Afrique du Sud. Elle obtiendrait la colonie du Mozambique jusqu'à Chiré et au Zambèze et, sur la côte ouest, les territoires de Mossamedès, de la baie des Baleines et de la baie des Tigres.

La Gazette de Silésie confirmait ces informations en prétendant les rectifier.

L'Allemagne, disait-elle, n'obtiendra pas le Mozambique jusqu'au Zambèze, dont l'embouchure restera anglaise. Dans l'Afrique occidentale, l'Angleterre s'est réservé le territoire de l'embouchure du fleuve Congo.

Cette cession de territoire n'aura pas le caractère de vente, ce sera un contrat à bail, tels ceux conclus avec la Chine. Les colonies resteront officiellement sous la domination portugaise et l'Angleterre et l'Allemagne avanceront les capitaux nécessaires pour réorganiser les finances du Portugal.

Enfin le New-York Herald publiait des renseignements analogues que le Temps déclarait exacts en partie.

Tout cela ne pouvait qu'intriguer davantage la presse européenne. Partout on discutait la question de Lourenço-Marquez et l'éventualité de la prise de possession par l'Angleterre de la baie de Delogoa. Il faut reconnaître, d'ailleurs que, les commentaires n'étaient pas favorables à l'Angleterre et que, si le gouvernement britannique a voulu lancer un ballon d'essai, il doit être édifié maintenant sur l'opinion en Europe.

Enfin le gouvernement portugais se prononça lui-même. Interrogé au Parlement, le 3 janvier, sur les bruits relatifs à la baie de Delogoa et au traité secret anglo-allemand, le ministre des affaires étrangères, M. Veiga-Beiras, répondit que la ligne de conduite du Portugal est de faire qu'aucun des belligérants ne trouve aide et appui à Lourenço-Marquez. Le Portugal ne prend pas part au conflit actuel. Quant au traité anglo-allemand, c'est affaire entre deux nations étrangères. Le Portugal a reçu des deux nations, ajoute M. Veiga-Beiras, les déclarations les plus catégoriques pour sa souveraineté. Le Portugal n'a été pour rien dans le traité anglo-allemand; d'ailleurs le gouvernement ne saurait conclure aucune convenlion sans l'assentiment des Cortès.

Mis ainsi au pied du mur et d'ailleurs convaincu sans doute par la lecture des journaux étrangers, le gouvernement anglais se décida alors à publier, dans un communiqué officieux, les explications suivantes, qu'il aurait pu donner dès le premier jour, et qui mettent fin à l'incident:

1o Les gouvernements anglais et allemand, après s'être préalablement mis d'accord entre eux, informèrent le Portugal que, dans le cas où il voudrait contracter un fort emprunt pour réorganiser ses finances, les deux gouvernements étaient disposés à garantir les bons résultats de l'opération;

2o L'Angleterre et l'Allemagne assurèrent en même temps le Portugal que la base de l'accord conclu entre elles étaient la reconnaissance et l'intégrité des domaines coloniaux portugais, et la légitime souveraineté du Portugal sur ces mêmes domaines;

3o Dans le cas où le Portugal accepterait des propositions pour un emprunt, celui-ci devait être garanti par les recettes des douanes des colonies;

4o Le gouvernement portugais éclara alors n'avoir pas besoin d'un

emprunt semblable, et, d'après ce que nous savons, il n'en a pas davantage besoin maintenant.

EN ANGLETERRE, - il se produit en ce moment un singulier revirement de l'opinion. Jusqu'alors on avait admiré l'esprit de discipline de la presse anglaise qui enregistrait froidement les plus lamentables nouvelles de l'Afrique du Sud sans jamais récriminer et sans un seul mouvement de révolte contre le gouvernement qui a assumé la responsabilité de cette guerre. Toutefois depuis peu quelques symptômes de violent mécontentement commençaient à paraître. Le Star, l'Economist, la Westminster Gazette, publièrent successivement d'importants articles de MM. J. W. Robertson-Scott, J. Bryn Roberts, J. Reginald Statham, etc., qui s'élevaient fortement contre la guerre et produisirent une vive sensation. Quelques paroles maladroites de M. Balfour ont soudain fait éclater l'orage. Dans une série de discours prononcés à Manchester le 9 et le 10 janvier, M. Balfour, en effet, déclara notamment que rien de ce qui était arrivé au Transvaal en devait surprendre les esprits sérieux. L'Angleterre, disait-il, a toujours commencé par être battue dans les grandes guerres qu'elle a livrées et cela ne l'a pas empêchée d'être toujours finalement victorieuse. Historiquement donc, l'Angleterre devait être d'abord battue au Transvaal. Et M. Balfour a ajouté, un peu légèrement sans doute, qu'il jugeait n'avoir rien à se reprocher non plus qu'aucun de ses collègues du cabinet.

Cette fois la presse anglaise a protesté et avec une violence que peut seul expliquer le pénible effort soutenu depuis si longtemps. Tous les journaux ont fait chorus, et cette formidable explosion de colère a dû douloureusement surprendre l'optimisme invraisemblable des ministres de la reine. Les organes les plus autorisés du parti tory, les feuilles les plus foncièrement jingoïstes ont joué leur partie dans le concert, et M. Balfour doit aujourd'hui regretter amèrement son éloquence intempestive. Il faut cependant ajouter, pour être juste, que, si tous les partis s'accordent à blâmer les explications. singulières de M. Balfour, tous adoptent en revanche la péroraison de son premier discours :

Nous irons jusqu'au bout. Le sort de l'Afrique australe sera réglé cette fois. On saura si oui ou non ce doit être un empire anglais. La guerre aura du moins un résultat. C'est qu'après elle aucune autre guerre semblable n'aura lieu dans l'Afrique australe. Eux ou nous, voilà la formule.

Reste à savoir ce qu'un avenir prochain réserve à l'Angleterre et si le souci de leurs intérêts immédiats ne rendra pas plus modestes les marchands de Londres.

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EN ALLEMAGNE, -l'opinion publique est exaspérée contre l'Angleterre. La saisie des navires allemands le Bundesrath, le General, le Herzog, a porté l'indignation à son comble. La presse déclare que la violation du droit des gens est flagrante et invite le gouvernement à agir énergiquement.

A Hambourg, les sympathies pour l'Angleterre ont fait place à une vive irritation, à cause des pertes résultant des entraves de la navigation de l'Afrique et de l'Australie. La chambre de commerce a protesté contre la capture du Bundesrath. Elle a délégué son président à Berlin auprès du chancelier.

A Berlin, la Gazette nationale estime que l'attitude de l'Angleterre est inqualifiable et pense que si l'escadre allemande avait été dans ces parages, les Anglais auraient réfléchi avant la capture du Bundesrath.

Le Lokalanzeiger écrit : « Ces actes de violence, accomplis avec un sans-gêne croissant, ne peuvent avoir qu'une conséquence : empêcher le gouvernement allemand de persévérer dans son attitude plus amicale pour l'Angleterre que pour les Boers.

« Si l'Angleterre tient à conserver de bonnes relations avec l'Allemagne, qu'elle prenne des mesures, et plutôt aujourd'hui que demain, pour mettre fin à cette « violentation » insupportable des intérêts allemands. "

La Post déclare : « Ces confiscations successives prouvent que nous sommes en présence d'instructions précises auxquelles obéissent les commandants anglais. Elles nous sont d'autant plus pénibles que le gouvernement avait pris une attitude bienveillante envers l'Angleterre (cela on ne peut le nier), attitude qui n'avait pas été approuvée dans tous les milieux. »

Le Berliner Tageblatt lance l'idée d'une coalition des neutres, comme en 1780 et 1800 :

<«<La patience du peuple allemand a des bornes que l'Angleterre pourrait bien un jour dépasser. Veut-elle nous forcer à nous jeter dans les bras d'une coalition franco-russe, qui est prête à nous recevoir ? >>

La Compagnie coloniale allemande publie un appel au peuple, pour l'exhorter à augmenter la flotte.

Enfin l'empereur lui-même a tenu à joindre sa voix aux protestations de son peuple. Il l'a fait d'une façon détournée, mais qui n'en a pas moins produit une vive sensation. Dans la réponse qu'il adressait le 10 janvier à un télégramme du roi de Wurtemberg concernant c'association de la flotte, l'empereur Guillaume a, en effet, manifesté l'espoir que les événements de ces derniers jours feront encore mieux comprendre au peuple allemand qu'il faut protéger non seu

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