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ricordes du Seigneur. Sa conduite nous montre que l'on peut, après avoir été long-temps vertueux, faire de déplorables chutes, et que l'on peut aussi, par une sincère pénitence, non-seulement effacer ses fautes, mais parvenir encore à une haute perfection. Sa vie nous a paru si intéressante, que nous avons cru devoir la donner avec des détails qui satisferont la pieuse curiosité du lecteur, au moment surtout où l'Eglise s'occupe de décerner à ce saint prêtre les honneurs des autels.

César de Bus naquit à Cavaillon, ville autrefois épiscopale du Comtat Venaissin, et maintenant du diocèse d'Avignon. It vint au monde le 3 février de l'année 1544. Ses parens furent JeanBaptiste de Bus et Anne de la Marck, tous deux de familles très-distinguées. Jean-Baptiste, originaire de Côme, en Milanais, étoit descendant de sainte Françoise, illustre dame romaine, du xv.o siècle, et Anne appartenoit à une maison dans laquelle la valeur militaire avoit plusieurs fois brillé avec éclat. Ils eurent treize enfans de leur mariage; César fut le septième.

Dieu, qui le destinoit à de grandes choses, le prévint de ses grâces dès sa plus tendre jeunesse. Dans son bas âge, on remarqua en lui une dévotion particulière envers la sainte Vierge, un ardent désir de mortifier son corps par des abstinences, une charité admirable pour les pauvres et une pureté vraiment angélique. De si heureuses dispositions méritoient d'être cultivées avec soin. Les parens de César le comprirent et s'appliquèrent à remplir exactement cette obligation

taté juridiquement leur sainteté et les miracles qu'ils opèrent. Benoît XIV, de Canonizatione servorum Dei, liv. 1, chap. 37, n. 4.

importante. On lui donna d'abord un précepteur particulier, et, comme il annonçoit de la vocation pour l'état ecclésiastique, il fut envoyé au collége d'Avignon, pour y continuer ses études. Ce temps, qui si souvent est dangereux pour un grand nombre de jeunes gens, ne le fut point pour César, par les précautions qu'il prit, afin de conserver son innocence. Son goût particulier l'entraînoit vers les objets qui appartiennent à la religion; il se plaisoit à orner les églises et à parer les autels dans les momens de loisir que lui laissoient ses études. S'étant enrôlé dans la confrérie des Pénitens noirs, qui faisoient profession d'apaiser la colère de Dieu par plusieurs exercices de dévotion et de pénitence, il y donna des preuves éclatantes de sa piété et de sa ferveur; il étoit le plus ardent à pratiquer les austérités qui y étoient prescrites. A l'âge de quatorze ans, il jeûna le carême entier ; il jeûnoit également tous les vendredis de l'année, et pour joindre l'humilité et la miséricorde à cet acte de mortification, il prenoit son déjeûner comme ses compagnons, et l'alloit donner secrètement aux pauvres. Le soin de la chapelle où les Pénitens s'assembloient, lui ayant été confié, il s'appliqua avec zèle à l'embellir, et il y réussit avec une merveilleuse adresse.

Pendant que César étoit au collège à Avignon, deux étudians qui, sous le masque de la piété, cachoient le venin de l'hérésie, furent arrêtés dans cette ville, et convaincus d'avoir dogmatisé en secret. L'autorité les condamna à faire une rétractation publique de leurs erreurs devant le portail de l'église cathédrale; ils y furent contraints, et parurent, revêtus d'un sac de pénitence, sur un échafaud qu'on avoit dressé. Cette triste

cérémonie fit une telle impression sur l'esprit de César, qu'à l'instant même il mit sa foi sous la protection de la sainte Vierge, à laquelle la cathédrale d'Avignon est dédiée, et qu'il promit à la face des autels de vivre et de mourir en suivant la doctrine de l'église romaine.

Les années ne faisoient que développer les vertus et le mérite de César. On remarquoit en lui un air de modestie admirable, qui n'étoit que l'expression sincère des sentimens de son ame; car il étoit si honnête et si jaloux de sa pureté, qu'il fuyoit comme un grand mal tout ce qui étoit capable d'en ternir l'éclat et la blancheur. Joignant à un esprit vif un jugement solide et une humeur aussi agréable que complaisante, il se faisoit aimer et respecter de tout le monde. On recherchoit partout sa conversation, et les plus licencieux s'observoient en sa présence, parce que sa modestie n'étoit pas moins une censure du libertinage qu'un exemple de vertu.

L'on ignore quel motif porta le père de César à l'obliger de quitter ses études avant qu'elles fussent entièrement achevées, et à le rappeler à Cavaillon. Il est très-probable que les troubles que les hérétiques excitèrent alors dans presque toute la France, mais surtout dans la Provence et dans le Comtat, en furent la principale raison. Les catholiques songeoient à repousser par la force des armes les agressions de leurs ennemis, et un gentilhomme aussi attaché à la foi de ses pères que l'étoit le seigneur de Bus, ne pouvoit souffrir que ses enfans ne défendissent pas de tout leur pouvoir une cause qu'il regardoit comme sacrée. César lui-même, partageant tous les sentimens de son père, et plein de zèle pour la religion, répondit à l'appel que le comte de Tende, lieu

tenant de roi, faisoit à la noblesse de Provence, et à l'âge de dix-huit ans, il entra avec un de ses frères dans l'état militaire ; mais conservant toute la piété qui l'avoit réglé jusqu'à ce moment, il se prépara à la guerre en soldat chrétien, et il se comporta dans cette profession avec toute la sagesse que la crainte de Dieu inspire. Un ami vertueux de son âge et de son pays, nommé le chevalier d'Agard, lui fut d'un grand secours, pour le préserver des dangers qui menaçoient son innocence.

La paix, qui succéda pour quelque temps au tumulte des armes, rappela César à des occupations plus tranquilles ; il retourna chez son père, où il cultiva avec succès la poésie et la peinture; il n'oublia point ses exercices de piété, et, pour les remplir d'une manière plus régulière, il s'associa à la confrérie des Pénitens noirs établis à Cavaillon.

La vie paisible qu'il menoit ne lui paroissant pas assez honorable, il voulut de nouveau courir les hasards de la guerre, et, dans cette intention, il partit pour Bordeaux, où l'un de ses frères, nommé Alexandre, préparoit une armée navale contre la Rochelle, ville qui, dès lors, étoit le boulevard du calvinisme, et que Louis XIII eut depuis tant de peine à réduire. Mais son séjour à Bordeaux ne fut pas de longue durée; une maladie sérieuse, qui fit craindre pour sa vie, vint déranger ses projets, et le força de retourner dans la maison paternelle, pour respirer son air natal.

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Alexandre de Bus, que son mérite avoit fait distinguer dans l'état militaire, se rendit alors à Paris. César, rétabli de sa maladie, l'y rejoignit pour son malheur. La piété n'avoit point étouffé en lui les désirs d'avan cement et de fortune;

bientôt il montra, par son exemple, le péril auquel s'expose un jeune homme vertueux, lorsqu'il ne craint plus sa foiblesse. Il vit la cour, il la suivit, et l'éclat d'un monde, d'autant plus dangereux pour lui qu'il pouvoit y briller plus aisément, par les agrémens de son esprit et par ses avantages extérieurs, l'éblouit tellement, qu'il oublia tous ses sentimens de ferveur, qu'il ne songea plus qu'à jouir des plaisirs du siècle, et qu'il s'y livra tout entier. Les sociétés les plus profanes, les spectacles, le goût des modes occupoient ses pensées et son temps. Il cherchoit à briller par ses poésies, dans lesquelles la décence n'étoit pas toujours respectée, et à plaire aux hommes aux dépens de sa conscience. Mais cette conscience étoit trop éclairée pour le laisser en repos; elle réclamoit vivement, et troubloit César par des reproches salutaires; aussi, après trois ans d'une vie toute mondaine, il songea à quitter Paris. Les dépenses qu'il faisoit, le chagrin qu'il éprouva de voir ses espérances trompées, furent aussi des motifs qui l'engagèrent à retourner à Cavaillon; car il étoit troublé, mais il n'étoit pas converti.

Peu de temps après son retour dans son pays, il perdit son père et un de ses frères, chanoine de la collégiale de Salon. Ce frère, qu'il assista avec beaucoup de tendresse dans ses derniers momens, laissoit, par sa mort, des bénéfices vacans; César ne fit point difficulté de s'en charger, quoiqu'il portât l'épée et qu'il n'eût alors aucune intention d'embrasser l'état ecclésiastique. En agissant ainsi, il suivoit la déplorable coutume des gentilshommes de son temps, dont plusieurs jouissoient des biens de l'Eglise, sans se mettre en peine de les posséder par des moyens cano

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