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niques. Lui-même ne parut pas réfléchir sur les obligations que ces bénéfices lui imposoient, et il continua, à Cavaillon, la vie oisive et dissipée dont il avoit pris l'habitude à Paris. Un changement de conduite si déplorable frappa tous ceux qui avoient connu la tendre piété de César; les gens de bien en gémirent; mais deux saints personnages ne se bornèrent pas à s'en affliger d'une manière stérile; poussés par l'esprit de Dieu, ils résolurent de faire tous leurs efforts pour le convertir. Ces deux instrumens de la miséricorde divine envers César, furent une pauvre veuve de la campagne, nommée Antoinette, et un simple clerc, qui servoit de sacristain à l'église de Cavaillon, et qu'on nommoit Louis Guyot, Antoinette, qui demeuroit dans un village, le quitta, et vint se fixer à Cavaillon, S'étant logée près de la maison de César, elle s'y introduisit, sous prétexte de voisinage; sa piété, sa modestie, un air de sainteté, qui paroissoit sur son visage et dans toutes ses actions, la faisant recevoir avec respect, elle commença à donner diverses attaques à cet esprit qu'elle vouloit dompter. Quelquefois elle lui représentoit la laideur du péché et la beauté de la vertu; d'autres fois elle l'entretenoit des peines qui sont réservées à ceux qui aiment le monde et qui en suivent les maximes, et les récompenses qui sont promises aux gens de bien qui vivent selon les règles de l'Evangile. La longue résistance de César ne lui fit point perdre courage. Elle offroit à Dieu des prières, des pénitences et des communions fréquentes, afin d'obliger sa bonté à la soutenir dans son entreprise. Louis, qui étoit d'intelligence avec elle pour ce pieux dessein, l'aidoit, de son côté, par ses oraisons et par plusieurs austérités qu'il pratiquoit en

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secret, pour obtenir du ciel cette conquête. Enfin, un jour cette sainte veuve voyant César disposé à se rendre dans une assemblée qu'il fréquentoit assidûment chaque soir, et dans laquelle on passoit le temps à jouer, à danser et à tenir des propos libres, elle lui adressa quelques paroles pleines de force, et l'engagea à lire la Vie des Saints, qu'elle lui présenta; il rejeta d'abord cette proposition; mais les instances d'Antoinette redoublant, il céda enfin et en lut quelques pages. Elle écoutoit la lecture et y joignoit des réflexions qui ne produisirent d'abord aucun effet. Indignée de cette résistance, elle dit à César : « On ne se >> moque pas de Dieu, monsieur. Il vous appelle >> et vous ne l'écoutez pas. Il ne cesse de vous cher» cher, et vous ne cessez de le fuir. Prenez garde qu'il ne se lasse, et qu'à la fin il ne vous rejette » de devant sa face. Peut-être l'a-t-il déjà fait ; >> du moins votre conduite donne-t-elle lieu de le » craindre. » César, quoiqu'un peu ébranlé, ne fit que rire de cette remontrance, et quittant le livre, il prit son manteau, pour aller dans la société qu'il voyoit habituellement. Alors la pieuse veuve n'en espérant presque plus rien, elle lui dit, les larmes aux yeux: «Au moins, monsieur, je vous prie de ne point sortir sans vous recom» mander à Dieu. » César le promit en plaisantant; néanmoins il remplit cette promesse, et pria Dieu de tout son cœur. O prodige de la grâce ! à quelques pas de sa maison, il éprouve une espèce de défaillance, et tombe par terre : « Mi» sérable que je suis, s'écria-t-il, je me recom» mande à Dieu et je me mets en chemin pour aller l'offenser. » A ce moment, ses yeux se dessillèrent, et comme un autre saint Paul, dès qu'il eut été terrassé, il fut converti.

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Ce coup du ciel l'ayant fait retourner sur ses pas, il rentre chez lui et raconte à Antoinette le miracle de la miséricorde divine opéré en sa faveur. On ne peut concevoir la joie qu'elle en éprouva. Elle cultiva avec soin ces premières dispositions, elle encouragea son néophite à la persévérance, et lui fit surmonter, pas ses avis, des difficultés immenses qui se présentèrent à l'esprit de César, au sujet d'un nouveau genre de vie; mais, remplie d'humilité, elle l'adressa ensuite à Louis Guyot, en lui disant qu'elle n'avoit presque rien fait pour sa conversion ; que c'étoit à ce pieux sacristain qu'il en avoit, après Dieu, l'obligation, par les mortifications qu'avoit pratiquées ce fervent chrétien, pour lui obtenir cette grâce, et qu'elle l'engageoit à le prendre pour directeur. Guyot n'étoit pas prêtre. Parent de l'évêque de Die, il avoit refusé un canonicat dans cette cathédrale; mais sa haute piété et ses connoissances des voies de Dieu le rendoient très - capable de guider les ames dans le chemin de la perfection. César, docile à ce conseil, se rangea sous la conduite de cet homme de bien, qui, de son côté, n'omit rien pour le soutenir dans des commencemens de conversion qui sont toujours pénibles; il lui persuada de ne rien changer d'abord à son extérieur, si ce n'étoit dans ce qui pouvoit déplaire à Dieu; mais de s'occuper en son particulier de bien étudier la religion et d'en méditer les grandes vérités. César, désormais soumis comme un enfant, suivit avec exactitude les avis de son guide. En méditant les vérités du salut, il sentit mieux la grièveté de ses péchés, et plein d'horreur pour sa conduite passée, sa conduite passée, il se disposa

à faire une confession générale.

Quoique César eût pris des précautions pour cacher l'heureux changement opéré dans son ame, on ne tarda pas à s'en apercevoir. Il y a une si grande différence entre un homme pieux et un mondain ! Pour se mettre à l'abri des attaques de ses anciens amis, il quitta Cavaillon, et alla passer quelque temps à Aix, où il trouva un saint ecclésiastique de son pays, qui l'affermit dans ses bons sentimens. De là il se rendit à Avignon, pour participer à la grâce du jubilé qui venoit d'y être publié. Hélas! son entrée dans cette ville devint pour lui l'occasion d'une nouvelle chute, et faillit lui faire perdre à jamais le fruit de ses efforts pour revenir à Dieu. Des jeunes gens de sa connoissance, ayant appris son arrivée, vinrent l'inviter à un bal; il n'eut pas le courage de résister à cette prière et de montrer ouverte, ment qu'il n'étoit plus au monde. Il promit qu'il y iroit, et résistant à la grâce, dont il sentoit les avertissemens secrets, il s'y rendit effectivement. Il n'y demeura pas long-temps; les remords qui tourmentoient sa conscience et lui reprochoient son infidélité l'en firent sortir au plus tôt, sans dire adieu à personne. En s'en allant, il passa près du monastère des filles de SainteClaire; minuit étoit sonné, et les religieuses chantoient alors l'office de matines. Leurs voix, qu'il entendit, percèrent son cœur de douleur et le couvrirent de confusion. Il tomba une seconde fois et s'écria : " Misérable que je suis je cours » les rues pour offenser Dieu, tandis que ces inno» centes vierges sont assemblées pour le louer. » Pardon, Seigneur, Pardon ! je renonce dès > ce moment à toutes mes folies, et je me donne » entièrement à vous » Cette protestation acheva sa conversion, jusqu'alors imparfaite, et fut

comme un sceau qu'il ne rompit plus. Il fit sa confession générale, et gagna le jubilé, puis il se démit volontairement de tous ses bénéfices, dont il avoit joui jusqu'alors d'une manière toute mondaine, n'ayant porté aucune marque extérieure qui montrât qu'il étoit clerc.

Dès ce moment, César ne se cacha plus; mais il parut publiquement serviteur de Jésus-Christ. Etant retourné à Cavaillon, il s'y exerça à la pratique de l'humilité, de la mortification et de la miséricorde envers les affligés, visitant souvent l'Hôtel-Dieu, assistant spirituellement et corporellement les malades, et faisant de grandes aumônes aux pauvres. Ses amis conservoient quelques poésies licencieuses qu'il avoit autrefois composées; il employa, pour les retirer de leurs mains, une petite ruse dont plus tard sa consscience ne lui eût pas permis de se servir: feignit de vouloir retoucher ses vers, et lorsqu'ils lui eurent été rendus, il les jeta au feu en présence de ses amis, et il leur dit : « Voilà, mes» sieurs, l'usage que je voulois en faire; je vous >> demande pardon du scandale que je vous ai » donné par ces écrits; j'en reconnois mainte› nant la vanité et la folie, et j'y renonce pour jamais. Suivez en cela mon exemple, et si vous › ne voulez pas le faire, ne m'empêchez point » de persévérer dans ma résolution. »

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La Providence ménagea bientôt à César une occasion de manifester publiquement les sentimens qui l'animoient, et de remporter sur le respect humain une victoire qui lui coûta quelque peine. Il prioit un jour dans l'église de Cavaillon. Louis Guyot, ce pieux sacristain dont nous avons parlé, vint tout-à-coup lui présenter un flambeau, et lui dit un peu brusquement

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