Images de page
PDF
ePub

chevelure blonde, à la beauté de sa taille, mais dont le langage annonçoit une Romaine nee sur les bords du Rhin.

Il égale, dans son Poëme de la Moselle, les rhéteurs du pays de Metz et de Trèves, à Quintilien, aux plus célèbres orateurs de la capitale du monde. Enfin, du temps de Charlemagne, le latin étoit tellement devenu vulgaire parmi les Francs, que le troisième concile de Tours prescrit de traduire les homélies en langue rustique romaine et en langue tudesque, pour qu'elles soient entendues du peuple.

Si de cet aperçu général du progrès des lumières dans les Gaules, jusqu'après l'invasion des peuples du Nord, je passois à quelque détail sur les savans qui ont illustré ces contrées, je n'étonnerois pas moins par leur nombre que par la variété de leurs connoissances. Ainsi que je l'ai dit, avant même l'arrivée de Jules César, les Gaulois avoient la réputation de cultiver les sciences avec succès. Les géographes Pytheas et Euthymène, l'historien Eratosthène sont très-connus. Étienne de Byzance rapporte des fragmens de celui-ci. Les deux géographes vi

⚫ Ceux qui font descendre les Celtes de Mercure, en concluent que les lettres ont été très-anciennement cultivées dans les Gaules. b De Rebus gallieis.

voient dans la cent douzième olympiade, au moins trois siècles avant l'ère chrétienne.

Marcus-Antonius Grypho, de la Gaule-Narbonnoise, fut précepteur de Jules-César, et maître de Cicéron; dans le même temps, Valerius Cato se distinguoit par ses poésies *.

Ainsi les Gaulois ne manquoient pas d'hommes, d'un esprit solide, qui pussent profiter de l'occasion que leur présentoient les Grecs, et plusieurs firent, soit dans leur pays, soit chez l'étranger, assez de progrès pour pouvoir se montrer à Rome avec éclat, et pour y faire fortune. Tel fut, entre autres, Favorinus, historien, philosophe, orateur, qui a écrit plusieurs traités en grec. C'est lui qui ne céda la palme de l'éloquence à l'empereur Adrien, qu'en disant que celui qui commande à trente légions doit être le plus habile homme du monde. Favorinus compta Aulu-Gelle, Alexandre de Séleucie et Démétrius d'Alexandrie au nombre de ses disciples. Aulu-Gelle et Philostrate en parlent avec éloge, et ils nous ont transmis quelques fragmens de ses oeuvres. Je me contente de nommer, entre tant de grands hommes, Crinias, Carmides, Domitius Afer, Julius

LONGCHAMP, Tableau historique - Hist. litt., tom. I.

Florus, Fronto Cornelius le Rhéteur et Numantius, célèbre poète du cinquième siècle. Les Gaules s'enorgueillissent pareillement d'avoir donné naissance à Ausone, consul, poète, rhéteur, célèbre dans tous les genres d'érudition".

le

La religion chrétienne ne diminua pas goût des Gaulois pour les sciences. C'étoit parmi les savans que se choisissoient les évêques des principaux siéges. Outre Saint-Hilaire de Poitiers, Saint-Prosper, Sidoine Apollinaire, on trouve dans les collections un nombre considérable de célèbres Gaulois; et comme la poésie latine y étoit plus en honneur que dans l'Italie même, nous voyons Proculus et Quintilianus de Lombardie passer les Alpes pour la cultiver. Chaque jour la langue latine y faisoit plus de progrès. Étoit-il possible, en effet, que la langue des Romains ne devînt pas, tôt ou tard, la langue dominante de tous les pays dont ils se rendoient maîtres? La haute estime qu'ils avoient pour elle, le zèle pour la gloire nationale, les

• Voyez ses OEuvres, in-4o, 1730. Ausone est très-utile pour notre histoire littéraire, parce qu'il rapporte une grande quantité de faits, et qu'il a célébré la plupart des savans illustres de son temps.

b On peut voir la vie et l'indication des ouvrages de ces savans dans l'Hist. litt. de la France, tom. I, 1re et 2o part., et dans le Tableau des Gens de lettres, par LONGCHAMP.

engageoient à la faire adopter par-tout où ils acquéroient quelque autorité. Jamais ni le sénat, ni les tribunaux, ni les officiers chargés de l'administration des provinces, ne traitoient avec l'ami ou l'ennemi que dans cette langue, qui devoit partager l'éclat de leur puissance. Ils en exigeoient la connoissance, sous peine d'exclusion aux droits de citoyen romain. Ils l'exigeoient des magistrats locaux qu'ils établissoient hors de l'Italie. Cette ville impérieuse, dit saint Augustin, en parlant de Rome, ne se contente pas d'imposer le joug, elle exige encore, en traitant avec les peuples, qu'ils adoptent son langage*. Sur quoi, Louis Vivès, son commentateur, dit que bientôt les Espagnes et les Gaules oublièrent leur langue maternelle. « C'é» toit, ajoute-t-il, une entreprise vraiment » grande, vraiment utile, que de chercher à » réunir dans une même langue les peuples dont » ils ne faisoient qu'un corps politique ». La guerre, les pacifications, les alliances, le mélange avec les Romains qui venoient s'établir dans les nouvelles terres, les honneurs, les charges, les priviléges accordés aux peuples,

* Opera data est ut imperiosa civitas non solùm jugum, verùm etiam linguam suam domitis gentibus imponeret. De civitate Dei, lib. XIX, cap. VII.*

devoient nécessairement rendre la langue familière dans tout l'empire: elle l'étoit déjà du temps de Trajan.

Or, de tous les peuples subjugués par les Romains, quels autres que les Gaulois devoient adopter plus facilement ce nouveau joug, eux qui firent le moins de difficulté, pour reconnoître la domination de Rome, adopter ses loix, embrasser ses coutumes? « Aucun peuple, » dit Cicéron, ne fut plus redouté des Romains » avant la conquête; long-temps Rome eut » peine à se défendre contre lui; elle ne pen» soit guère à attaquer aucun ne supporta » plus facilement le joug dès qu'il l'eut subi ». L'on peut même dire que ce joug fit le bonheur des Gaules, puisque nous voyons aussitôt prospérer tous les états divisés, les guerres civiles cesser, les villes se peupler, les sciences fleurir, le commerce prendre de l'accroissement, et la civilisation ne plus laisser de différence entre le peuple vainqueur et le peuple vaincu *. Un effet important de l'occupation des Gaules par les Romains, fut le mélange des trois sortes de

* Puissent un jour ces réflexions s'appliquer au grand systême d'une confédération européenne, cimentée par tant de malheurs ! Tel en est au-moins le but politique, et nous commençons à en voir les heureux résultats.

« PrécédentContinuer »