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monarque. Il donna les loix canoniques à son diocèse, loix dont Charles enrichit ses capitulaires. Ce prince ne négligea aucune des sciences propres à faire fleurir la religion et à faire prospérer son administration. Son zèle fut couronné des plus brillans succès. Nous apprenons des historiens de son temps que le nombre des savans étrangers attirés en France par Charlemagne, étoit si considérable, que le palais, la première, comme la plus ancienne des écoles, en étoit rempli; que l'état en étoit surchargé.

Tel étoit Charlemagne, compté avec justice au nombre des grands rois. Né avec d'heureuses dispositions, il ne chercha qu'à les cultiver *. Ame héroïque, toujours égale, au-dessus des revers et des faveurs de la fortune; génie universel, noblement jaloux d'exceller en tout; grand homme de guerre, grand homme de lettres autant qu'aucun homme de son temps..... Il attira en France ce qu'il y avoit en Europe d'hommes habiles en toutes professions; il les combloit de biens, et vivoit avec eux d'un air familier qui, en honorant les sciences, faisoit insensiblement naître le désir de les apprendre. Il

LOUIS LEGENDRE, Hist. de France, tom. I; Moeurs des Francois.

avoit lui-même ses heures d'études réglées le jour et la nuit. Quelque embarras que lui causassent les soins du gouvernement, il ménageoit si bien son temps, qu'il en trouvoit suffisamment pour lire les ouvrages des anciens. Les sciences et les lettres, ajoute l'historien, ont un certain attrait qui dégoûte peu-à-peu de tout autre plaisir, et l'étude paroissoit être son unique passion. Charles mérita le nom de père des lettres; et telles furent ses institutions, qu'on a peine à lui refuser la gloire de la fondation de l'Université de Paris, dont il prépara au-moins la grandeur.

Nous voyons ce prince faire des efforts, pour donner à la nation une politesse peu connue sous les règues précédens. Le langage devoit s'en ressentir; mais Charles, né sur les bords du Rhin, ou, comme d'autres le prétendent, non loin des rives de l'Unstruth, parloit une langue bien différente de celle qui s'étoit formée du mélange des Francs avec les Romains: c'étoit le haut-allemand, tel que nous le trouvons encore dans les écrits d'Ottfried de Wissembourg. Mais la plupart des actes publics se faisoient en latin, et c'est en cette langue que se composoit l'histoire, qu'écrivoient Théophile, Alcuin, Éginhard, et les autres auteurs dont nous avons encore les ouvrages. Cependant la langue rus

tique romaine étoit celle du peuple, celle vraisemblablement de la conversation, celle enfin dans laquelle furent composées ces homélies destinées à l'instruction des sujets de Charles dans la France proprement dite. Qui ne voit combien cette langue dut acquérir de perfection, dès que les lumières commencèrent à devenir plus communes, et que cette époque lui fut plus favorable qu'aucune des précédentes? Quand même la langue maternelle de Charlemagne eût été celle de la cour, elle ne pouvoit devenir celle de ses vastes états; elle devoit se confondre avec la langue du pays, qui commençoit à se former, et contribuer à l'enrichir, en lui fournissant de nouveaux termes.

Charlemagne, dont les vues s'étendoient à tout ce qui pouvoit illustrer son règne, avoit eu dessein de dégrossir la langue, encore barbare, qui se parloit à sa cour. Il croyoit, avec raison, que la politesse du langage contribue à l'adoucissement des mœurs, et qu'il est difficile qu'un peuple prenne du goût pour une langue plus parfaite, sans éprouver le désir d'imiter les bons modèles, plus de propension à l'étude et à cette vie douce et sociale, à laquelle donne tant d'attraits la facilité de communiquer ses idées. Il avoit même commencé une grammaire, que d'autres occupaTome Ier.

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tions plus importantes ne lui permirent pas d'achever: il n'en étoit point distrait par d'autres travaux; car telle étoit la grandeur de son génie, qu'il lui faisoit surmonter toutes les difficultés a. Son exemple fixa l'attention des savans sur cet ohjet; on voulut parler correctement dans une cour, dont la splendeur étoit relevée par l'étude des sciences et par les encouragemens du prince. Raban Maur composa un glossaire latin-tudesque, trésor précieux pour ce genre d'études ; un livre d'institutions ou * méthode, espèce d'encyclopédie sur toutes les parties des belles-lettres et sur la manière de les enseigner, dans ces temps où il falloit tout recréer. Par les soins de ce prélat, l'école de Fulde fut florissante et devint la pépinière des gens les plus savans de son siècle. Ce fut un écrivain fécond, qui passa quatre-vingts ans à défricher le champ des études, et laissa dans son évêché de Mayence une nombreuse bibliothèque, fruit de ses voyages et du soin qu'il prit

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C'est ainsi que nous avons vu le héros de notre siècle, à son retour d'Italie, à celui d'Égypte, venir reprendre sa place à l'Institut, y rendre compte de toutes les grandes choses qu'il avoit faites pour le progrès des sciences, et s'entourer des monumens des arts avec autant de gloire, qu'il en avoit acquis par ses exploits. b Le manuscrit de Raban se trouve encore dans la bibliothèque impériale de Vienne.

d'occuper utilement le loisir de ses religieux. On voit, par tous ces détails, combien Charlemagne avoit à cœur de multiplier l'instruction; mais on voit aussi combien alors étoit étroit le cercle des connoissances humaines; quelles difficultés il y avoit à surmonter. Un trait, conservé par Eginhard, fait juger de ce que peuvent les passions dans les ames petites et resserrées, qui mettent leur gloire dans la possession exclusive de quelque talent. Dans un temps où l'on ignoroit l'art d'adoucir les maux de la vie par des jouissances domestiques, où les princes françois ne savoient pas encore montrer leur munificence par la pompe et la beauté des établissemens publics, les églises étoient le centre du luxe. C'étoit à la décoration des temples, à la construction de quelques palais, que se bornoient les efforts de l'architecture et des autres arts d'agrément; et la musique faisoit une partie essentielle du culte religieux. Le chant ecclésiastique étoit devenu la passion à la mode: j'ai dit que Charles y présidoit; il étoit assidu

au lutrin. Il avoit fait venir des maîtres de Rome pour perfectionner le plain-chant; mais la gloire d'y faire quelques progrès fut enviée aux François. Ces maîtres se liguèrent pour donner de mauvais principes. Il paroît que c'est de Rome même qu'ils avoient reçu l'ordre de faire

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