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de mots communs à la langue latine, cela vient plutôt de ce que ces mots étoient de la langue gauloise, dont les Romains les avoient originairement empruntés. Le mot sec, par exemple, vient plutôt du celte syck, que du latin siccus, ce qui est d'autant plus probable, qu'ainsi que beaucoup d'autres, il rejette la terminaison latine ajoutée par les Romains. Cette observation, qui n'échappe à personne n'est cependant pas susceptible d'une application générale; la pratique seule peut donner quelque certitude sur cette matière, parce que plusieurs mots, évidemment dérivés du latin, ont, dans leur forme françoise, une toute autre signification; transférés d'abord du sens littéral au sens figuré, puis adaptés par l'usage à une nouvelle signification déterminée, ils se sont absolument écartés de la signification primitive; à-peine peut-on quelquefois y trouver la moindre analogie.

C'est ordinairement pour raccourcir les mots, et donner plus de rapidité à l'expression, que les François ont ainsi mutilé les terminaisons. Aussi Pasquier remarque-t-il que nous avons conservé les monosyllabes du latin, et qu'en réta blissant les terminaisons des polysyllabes, nous

* DESBROSSES, de la Formation mécanique des Langues.

reconnoîtrions bien plus facilement leur origine *.

Il résulte de ces observations, que nous ne nous sommes point trompés en cherchant l'origine de notre langue dans les langues celtique, tudesque et latine (Q). On y trouve presque toutes nos racines, et rien alors de plus aisé que de parvenir à la véritable signification des mots, et à la distinction des quasi-synonymes.

Combien de mots dont on ne trouve les racines ni dans les langues anciennes, ni dans la langue tudesque, et qui sont d'heureux restes de la langue celtique! Tels sont ceux qui désignent les parties du corps humain : Téte, jambe. Ceux d'un usage journalier: Aller, regarder, parler, coutume, mots qui, plus ou moins défigurés, se retrouvent dans l'italien et dans l'espagnol. Beaucoup sont évidemment tirés du tudesque. Bivouac, Reitre, Lansquenet sont de ce nombre ; et comme la langue celtique s'est

* Un autre fondement de l'étymologie, c'est d'appuyer sur l'impératif et sur le génitif des latins. C'est de la diverse modification de ces mots quasi-radicaux, que se sont formés les mots françois les plus usités. Les étymologistes montrent pareillement comment les mots se corrompirent par la continuelle vicissitude des lettres du même organe; l'on en trouve des exemples plus frappans dans les conjugaisons irrégulières, qui donnent aussi des preuves des divers degrés de déviation.

perpétuée dans la partie de la France voisine de la mer, où se trouve la pépinière de nos marins, 'on ne doit aucunement s'étonner de trouver tant de termes celtiques employés pour la manoeuvre des vaisseaux.

Ce fut au douzième siècle que commencèrent à s'introduire dans la langue quelques termes grecs tirés des livres d'Aristote. Les croisades l'enrichirent de quantité d'expressions, que nos guerriers rapportèrent de leur commerce avec les Grecs et les Arabes. L'étude de la médecine en recueillit beaucoup d'autres pour la physiologie, la thérapie, la dénomination des simples et des remèdes. Amyot fut celui de nos écrivains qui réussit le mieux à faire passer les beautés de la langue grecque dans la nôtre. Aujour d'hui, que sa traduction de Plutarque a plus de deux siècles, on trouve encore du plaisir à sa lecture: Elle a, dit Racine, une grâce dans le vieux style qu'il est difficile d'égaler dans le style moderne. C'est à lui, à l'usage qu'il a fait des beautés grecques, qu'on doit ces belles expressions qui ne seroient trouvées nulle part ailleurs; et c'est à l'abus que Ronsard fit du grec, que l'on attribue les disparates qui défigurent les plus belles expressions de ce poète.

La langue romance commença d'avoir un cours général sur la fin du règne des Carlovin

giens. Dans l'époque précédente, ce n'étoit qu'un mélange de tudesque et de latin, dont on a conservé peu de vestiges. Le plus ancien monument, selon le P. Bouhours a, se trouve dans le traité dont nous avons déjà parlé, conclu en 813, entre Charles-le-Chauve et Louis de Germanie, rapporté avec soin par Nithard, et examiné par Juste - Lipse. Louis emploie pour son serment la lange romane usitée alors. Les articles, les contractions n'y sont pas encore en usage; les pronoms personnels sont encore précédés du verbe, qui lui-même a déjà les terminaisons communes aujourd'hui. On trouve cette langue romane dans le même rapport avec la langue latine dont elle sort, qu'avec la langue françoise à laquelle elle prépare les voies, et on y voit une syntaxe qui n'est plus usitée parmi

nous.

SERMENT DE LOUIS.

Pro Deu amor et pro

Pour l'amour de Dieu et

christian poblo et nostro pour le peuple chrétien et

• Entretiens d'Ariste et d'Eugène.

NITHARD, Hist. franc. script. tom. II, p. 1638; Justus Lip : SIUS, Centur. ad Belgas, ep. XLIV. La plupart des auteurs n'ont pas fidèlement copié Nithard. Juste-Lipse se rapproche trop du bas-allemand, mieux connu en Hollande que l'ancien tudesque. Il est singulier qu'on trouve une si grande diversité de copics d'un même original.

si

commun salvament, dist en avant, in quant Deus savir et potir me donat, si salvarai eo, cest meon fradra Karlo et in adjudha et in cadhuna cosa, com omo per dreict son fradre salvar dist in o quid il imi altresi faret; et ad Ludher nul plaid nunquam prindrai qui meon volcist meon fradre Karlo in damno sit.

sent,

notre commun salut, de ce jour en avant, en tant que Dieu me donnera de savoir et de pouvoir, je sauverai le mien frère Charles ici préet lui serai en aide dans chaque chose, ainsi qu'un homme (doit) de droit sauver son frère, en ce qu'il en feroit autant pour moi; et avec Lothaire je ne ferai jamais aucun accord qui, par ma volonté, soit préjudiciable à mon frère Charles ici présent.

SERMENT DES SEIGNEURS FRANÇOIS,

Sujets de Charles.

Si Lodhuigs sacrament que son fradre Karlo jurat conservat, et Karl meon sendra de sua parte non los tanit, si io retournar non l'int pois, ne io ne neuls cui io retournar int pois, in nulla adjudha contra Lodhuigs non li iuen.

Si Louis observe le serment qu'à son frère Charles (il) jure, et si Charles mon seigneur ne le tient point de son côté, si je ne puis l'en détourner ni moi ni aucun de ceux que je puis en détourner, ne lui serons aucunement en aide contre Louis.

Voici le même serment prononcé par Louis en langue tudesque, et rapporté par Nithard, qui diffère, en plusieurs points, de Juste-Lipse,

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