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n'eussent eu aucun moyen de préserver les lecteurs du continuel péril de tomber dans l'erreur, ou une voie assurée de se tirer d'une foule d'équivoques?

gram

par

La langue françoise exige, par sa nature, une ponctuation très-exacte; aussi les meilleurs mairiens ont-ils fait, de cet art, un article ticulier de leur doctrine; et nos imprimeurs sont d'une exactitude à laquelle on ne peut donner trop d'éloges et trop d'encouragement. Personne, dit Leclerc, ne méconnoît les avantages que la distinction exacte des mots, des périodes, des repos, procure aux ouvrages imprimés depuis deux siècles. Les parenthèses, les points admiratifs, les accents, l'emploi régulier des majuscules, sont autant de signes qui aident également à fixer le sens, et sans lesquels il y auroit tant d'obscurité dans les loix. Pour relever ces avantages, il suffiroit de montrer, avec le même écrivain, combien il est facile de trouver, dans une ponctuation vicieuse, des sens équivoques, et même d'attribuer à l'Écriture sainte des dogmes qu'on n'auroit pas eu l'idée de forger, si la ponctuation avoit été exacte; et comment cette ponctuation exacte auroit décidé sans scandale des points controversés, soit par les Ariens, soit par des sectaires de différens temps. On se souviendra encore long-temps dans l'école,

si toutefois l'école subsiste long-temps, des disputes occasionnées au sujet d'une bulle, à laquelle une virgule plus ou moins mal placée donnoit de si différens sens. L'attention, qu'a toujours eue l'Église romaine de maintenir les anciens usages, fait qu'encore aujourd'hui la secrétairerie pontificale continue à expédier sans ponctuation. Comme cet usage étoit établi partout ailleurs, dès le dixième siècle, il s'est trouvé en vigueur dans notre langue dès ses commencemens, et les progrès de l'une ont suivi les progrès de l'autre, de manière qu'à l'invention de l'imprimerie, la ponctuation étoit parfaite.

La forme des caractères dans lesquels une langue est écrite, est encore une question à résoudre comme partie de son orthographe. C'est la paléographie qui examine, et détaille toutes les parties de l'écriture; elle remonte jusqu'aux plus anciens temps pour former son histoire, et devient un secours indispensable à l'art diplomatique pour le déchiffrement des titres; à la critique, pour juger de l'authenticité et de la fidélité d'un manuscrit. C'est par elle que le linguiste peut juger si les anciens monumens, que nous croyons avoir des premiers progrès de la langue romane et de la langue françoise, sont du temps où le texte a été composé, et si n'étant point copies, mais véritables originaux, ils nous pré

sentent fidèlement les expressions et la forme d'orthographe usitées dans ces temps éloignés. J'ai cité ces monumens; peut-être une critique éclairée trouvera-t-elle que ce ne sont que des copies faites en un temps postérieur, et où, comme j'en ai fait la remarque générale, les écrivains auront inséré les changemens conformes à l'usage de leur siècle.

On n'a pas craint de faire remonter l'usage de l'écriture bien au-delà du déluge. Les uns ont prétendu que la figure des constellations avoit servi de modèle à l'écriture des patriarches, et Joséphe assure que les enfans de Seth, prévoyant le déluge, furent soigneux de graver sur des pierres ce qu'ils avoient appris d'Adam. C'est sur cette autorité que se fonde la généalogie de l'art d'écrire, depuis l'origine du monde jusqu'aux temps éclairés de l'antiquité. Les conjectures les plus plausibles sur l'espèce des caractères qu'employèrent les Gaulois, font voir l'origine de leur première écriture connue, dans leur commerce avec les Phocéens de Marseille, et avec les premières colonies romaines. J'ai parlé de ce qu'on avoit conjecturé sur une plus ancienne écriture des Gaulois, communiquée à plusieurs peuples, et enfin aux Grecs. Les lettres romaines ne furent perfectionnées qu'au temps d'Auguste. César écrivoit en grec, pour que ses

lettres ne pussent être lues des Gaulois, si elles venoient à être interceptées. Il faut donc qu'alors l'écriture latine eût été plus connue dans les Gaules que l'écriture grecque. Les peuples du nord, dans leurs irruptions, avoient apporté leurs caractères, d'où s'est formé ce gothique qui a prévalu jusqu'à la perfection de l'imprimerie. Cependant les manuscrits offrent différentes formes de caractères, et plusieurs assez éloignées du gothique, dans différens siècles; et les mêmes caractères se trouvent dans les manuscrits et les monumens de l'Espagne. Ceux de la première race sont mêlés de traits pris de l'écriture romaine, et de lettres barbares . Scipion Maffei croit, de son côté, que l'ancienne écriture gothique, lombarde, saxonne, n'avoit été l'écriture courante des Romains, et il montre leur usage avant l'arrivée des peuples barbares auxquels on les attribue ».

que

Les beaux caractères commencèrent à revivre sous l'empire de Charlemagne et de Louis-leDébonnaire; ils étoient tous en lettres majuscules; depuis le Xe jusqu'au XIVe siècle, la barbarie régna dans l'écriture comme dans tous les

• Nouveau Traité diplomatique, 1750, in-fol., et MABILLON, de Re diplomaticá.

Verona illustrata, lib. XI, col. 372 et suiv., 1732.

arts. On trouve déjà de beaux manuscrits, et plusieurs ornés de belles miniatures, sous le règne de Charles V. L'imprimerie se fit d'abord en lettres toutes conformes à celles des manuscrits, et les caractères prirent une forme plus gothique, lorsqu'on vint à se rapprocher des formes employées en Allemagne, et qui étoient en usage pour les Pseautiers et autres livres d'église. On se servit ensuite de lettres rondes qui ne tenoient rien du gothique. Il est superflu de décrire ici comment l'art se perfectionna, et quels furent les illustres imprimeurs qui, depuis les Étiennes, perfectionnèrent les caractères, jusqu'aux formes simples et élégantes que leur donnèrent les Didots ». L'écriture fit également des progrès; la nécessité de vérifier les titres fit établir la communauté des maîtres-écrivains-jurés, si ancienne en France, et dont Nicolas Flammel fut certainement le plus riche, et l'un des plus illustres. Ils formèrent d'habiles

Les caractères actuels furent inconnus très-long-temps en France.

b M. Camus a fait d'excellentes observations sur les caractères de nos manuscrits. L'Histoire de l'Imprimerie de Thiboust, celle des Imprimeurs de Paris, par Lottin, 1789; Histoire de la fortune des Lettres romaines, par Desmoulines. Paris, 1618.

On connoît les talens de MM. d'Autreppe, Bédigis, et autres écrivains-jurés; on connoit les savantes dissertations de ces deux habiles maîtres. Voyez aussi la Dissertation du président Bouhier sur les caractères grecs et latins, la Paléographie de Mont-Faucon,

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