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disciples, et par leurs soins, et par les excellens modèles que gravure multiplia, l'écriture françoise conserva son mérite, et elle rivalise avec l'écriture angloise et l'écriture italienne.

La sténographie, la tachygraphie, ou l'art d'écrire aussi vîte que la parole, ont également fait de grands progrès. C'est la sûreté de cet art qui a donné un caractère d'authenticité aux feuilles publiques, où étoient rapportés mot pour mot les débats de nos assemblées nationales. Il étoit réservé à notre dernier siècle de perfectionner l'art des signaux par l'invention du télégraphe, et l'art de déchiffrer, qui ne se borne plus à de simples conjectures.

Plus l'orthographe, plus l'accentuation se sont perfectionnées, plus l'on a trouvé de facilité à établir une bonne prononciation. On ne voit que trop de personnes étrangères, de François mêmes qui prononcent fort mal notre langue. L'habitude contractée dès l'enfance fait trouver, dans certains pays, de l'agrément dans une prononciation vicieuse et affectée. On fait peu de réflexions sur ce défaut, qu'on n'aperçoit pas soimême; on ne prend pas la peine de s'en corriger.

et l'Histoire abrégée de l'Écriture, par Jean-Baptiste Dubois, 1772. M. le professeur Griesbach d'Jéna a fait imprimer uu Nouv. Testament (Léipsic, chez Gæschen, 1804), où il a employé les plus beaux caractères grecs anciens.

Il faut donc avoir recours aux règles, et ces règles se tirent de l'usage de ceux qui sont en réputation de bien parler. Il y a tel département où la prononciation commune est exempte de reproche, où l'on peut dire qu'elle s'est conservée dans toute sa pureté; les environs de la Loire, Blois, Orléans, sont encore en possession d'être le moins corrompus par le mélange d'accens provin ciaux. On corrige à la Cour, avec les savans, le défaut qu'on pouvoit avoir apporté des provinces. La prononciation apprend à articuler naturellement toutes les lettres, et à donner leur véritable son aux voyelles, et alors elle est distincte; à ne prononcer que celles que l'usage admet dans l'écriture, et alors elle est régulière. La prononciation fixée par l'écriture a deux parties nécessaires l'une consiste à donner aux caractères représentatifs des voix, le son adopté par ceux qui sont censés le mieux posséder leur langue; l'autre enseigne l'inflexion convenable pour donner plus ou moins d'espace de temps à l'articulation des syllabes, ce qu'on appelle la prosodie. La prononciation proprement dite consiste dans cette modification que la voix reçoit des parties de la bouche, soit pour lui former le passage, soit pour la modifier par les mouvemens dont elle agite ce passage au moment où elle passe. Ainsi la voix, ou l'air sonore, est la ma

tière de la parole; les parties de la bouche en sont les organes. L'air comprimé dans le poumon, et trouvant un passage plus ou moins étroit par la simple ouverture de la bouche, forme le son, aussi varié qu'il peut y avoir de variétés dans le plus ou moins d'ouverture de la bouche, et s'il est modifié par les organes, le son qu'il produit doit s'appeler articulation. Le mouvement des organes, sans le jeu de l'air, ne produit aucun son. Ainsi la consonne, produite par ce mouvement, n'est qu'une modification variée de la voyelle. Ces modifications, pour lesquelles la nature fournit aux hommes une aptitude aussi variée que les climats qu'ils habitent, que les habitudes qu'ils se sont formées, produisent dans chaque nation, dans chaque période de temps où cette nation existe, une admirable variété de sons et d'articulations. Il s'ensuit que la prononciation n'a pas toujours été la même en France, même depuis que la langue a pris un caractère uniforme, et qu'elle ne peut être la même dans tous les départemens. En suivant ses progrès, si difficiles et si inutiles à rendre dans leurs détails, on voit qu'elle étoit d'abord fort rude et fort désagréable à l'oreille. Tous les sons se prononçoient originairement selon l'analogie de la langue d'où les mots avoient été tirés. Rien de plus dur encore que la prononciation des vers

de nos anciens poëtes, qui pourtant devoient avoir choisi les modulations les plus agréables; car c'est par ces fragmens de poésie que nous pouvons juger de la prononciation de ces temps éloignés. L'emploi de la rime nous a conservé, dans les syllabes finales, et sur-tout dans celles des poëmes où la versification s'étudioit à donner des pénultièmes unisonnes, quantité de rapprochemens, au moyen desquels nous pouvons déterminer la prononciation alors en usage; et, en comparant la dissonance que nous y remarquons en les prononçant selon l'usage moderne, nous jugeons facilement que, puisque ces vers paroissoient si parfaits à nos ancêtres, ils devoient leur donner un ton tout-à-fait différent de ceux que représentent aujourd'hui ces caractères, ou bien il falloit que l'habitude leur fit trouver quelque beauté dans ce choc de consonnes, dans cette rencontre de voyelles que nous évitons avec tant de soin. Tout ce que nous savons de leurs moeurs annonce un caractère mâle et un peu rude, qui influoit nécessairement sur la qualité de la voix. Plus les peuples s'amollissent, plus le climat éprouve de changemens heureux, plus la voix devient douce, ennemie des consonnes redoublées, du choc des voyelles, des aspirations fortes, et de tous ces défauts reprochés aux habitans des contrées les plus âpres

du nord de l'Europe. Si, dit Scioppius*, Cicéron reparoissoit aujourd'hui, je ne dis pas en Allemague, en France, en Espagne, mais dans l'Italie même, à-peine comprendroit-il un mot de ces discours merveilleux de Muret, de Bembe, qu'on nous donne pour la plus belle latinité; et quel est l'Allemand, le François, l'Italien qui entendroit mieux ce grand orateur que s'il parloit arabe? Ne pourrions-nous pas en dire de même par rapport au vieux langage de nos pères ? Comprendrions-nous aujourd'hui un Pierre l'Hermite, un Saint-Bernard, dont l'éloquence, exercée dans notre ancienne langue, étoit capable de produire des effets si puissans sur l'esprit des peuples? Comme nous, sans doute, les anciens François écrivoient certaines lettres qu'ils ne prononçoient pas; ils ajoutoient des sons pour lesquels ils n'employoient pas de caractères, ou prononçoient ces caractères d'une manière dont ils ne nous ont point laissé de monumens, ayant peut-être un accent dont nous ne pouvons nous imaginer la valeur, ou trouvant un agrément inconnu dans des sons qui choquent nos oreilles délicates, tandis qu'ils auroient jugé fort insipides ceux qui font au

*Gramm. phil., pag. 236. Tome II.

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