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ADDITION

A la note, page 195, sur l'invention de l'Écriture, ou Extrait de la Dissertation de M. HUG.

Ober-deutsche allgemeine Litteratur-Zeitung, 28 nóv. 1801.

Die Erfindung der Buchstaben-Schrift, ihr Zustand und frühester Gebrauch im Alterthum; von LEONARD HUG, Professor der Theologie an der hohen Schule zu Freyburg.

De l'Invention des Caractères alphabétiques, de leur État, et de leur premier Usage dans l'Antiquité; par LEONARD HUG, Professeur en Théologie à Fribourg. Ulm, Wohler, 1801, 1 vol. in-4°.

EXTRAIT.

Il faudroit être bien indigne de profiter de l'invention de l'écriture, pour ne pas désirer de connoître l'époque de sa naissance. C'est sans doute, après l'invention des langues, la plus grande et la plus remarquable production de l'esprit humain, celle qui a le plus contribué à la culture, à la perfection, à la civilisation de l'espèce. Qui ne sera curieux de savoir comment s'est opéré ce changement, à quelle époque a commencé notre amélioration, et d'où elle tire son origine?

Tome II.

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Cette question a encore l'avantage particulier de diriger notre jugement sur la valeur réelle des monumens qui remontent à une si haute antiquité, qu'on peut les considérer comme les premiers travaux de ce genre que les hommes ayent entrepris. Ces trésors, estimés pendant vingt siècles et davantage, sont perdus pour nous, si nous ne savons nous convaincre de l'industrie de ceux auxquels on les attribue.

C'est dans la vue de nous éclairer sur ce point important, que M. Hug entreprend sa Dissertation. On ne peut mieux exposer sa méthode qu'en copiant ses paroles, en se permettant d'abréger où il sera possible de le faire :

L'opinion générale est que les caractères phéniciens sont ceux qui ont l'ancienneté la plus avérée : on les trouve encore sur les monnoies, sur les marbres, et même dans les livres d'une nation composée de Syriens, d'Assyriens et de Juifs, et qui remonte à sept cents ans au-delà de l'ère vulgaire; ce sont en soi-même des chefs-d'œuvre, un antique exposé à nos regards, à notre critique. Ce que nous pouvons remarquer en les analysant, en les comparant, est aussi-bien un objet de profondes études que ce que nous en avons appris par le témoignage de gens instruits, et par les traditions les plus anciennes.

Les ruines de Thèbes et de Giseh instruisent plus l'observateur sur l'architecture, le style, et la manière des Égyptiens, que ne le pourroit faire tout ce que nous

en ont dit les Grecs et les Romains. Tous les monumens qui nous restent de l'ancien monde, présentent, dans leurs examens, de grands résultats que nous pouvons calculer, indépendamment du secours de la tradition. Il suffit de ne pas anticiper sur leurs effets par une préoccupation déplacée, de n'y rien supposer qui ne s'y trouve, de laisser faire à l'objet toute l'impression qu'il peut produire, et

d'être attentif à ce qu'il nous annonce, afin d'en profiter pour en faire un plus profond examen.

Avant Cyrus, les caractères hébreux ressembloient moins à ceux des Phéniciens. Admettons, pour éviter les longueurs, cette proposition déjà suffisamment prouvée.

Ce qui frappe d'abord, sans autre recherche, c'est la parfaite identité de dénomination des lettres juives, puniques et grecques.

Deux nations dont les langues sont si diverses, même dans leur structure originelle, ne peuvent aucunement s'accorder dans les mots qui servent à désigner leurs caractères, sans faire supposer qu'elles se sont communiqué ces dénominations. On y trouve même un caractère trèssignificatif dans une langue, gimmel, chameau, qui ne désigne aucun objet dans la langue grecque.

Il n'y a pareillement rien de plus arbitraire que l'ordre dans lequel on peut ranger les caractères des voix ou signes, et cependant les puniques et les grecs sont dans la même série, ce que l'on voit par les anciens cantiques juifs dont les strophes commencent par une lettre rangée selon l'alphabet, et dans l'ordre que les Grecs employoient pour leurs nombres, ceux-ci conservant, même comme lettres numériques, les caractères puniques pour lesquels la langue grecque n'avoit point de son. Il est vrai que chez les Grecs on trouve après le T quelques caractères étrangers à l'alphabet punique; mais il faut les regarder comme ajoutés par les Grecs, et comme une propriété de leur langue.

M. Hug montre pareillement que quelques autres différences, qui se trouvent entre les deux alphabets, ne sont qu'accidentelles, et ne subsistoient pas anciennement. Outre le san, pour le nombre 6, il y avoit aussi le sampi ou П zade (zéta) pour le nombre goo, mais qui signi

fioit d'abord 80; car le kappa, qui suivoit immédiatement, marquoit 90; ils avoient effectivement cette lettre, qui est le koph punique, dont la figure nous est parfaitement décrite comme un P retourné, tel qu'il paroît dans l'écriture bustrophédone; ce qu'il montre par un des scholiastes sur les Nues d'Aristophane.

Les caractères de l'un et l'autre alphabets ont une ressemblance qu'il est impossible de méconnoître, et qu'on n'est pas maître de désavouer lorsqu'on les considère dans les monnoies et sur les monumens en pierres. C'est donc une proposition évidente que les deux alphabets étoient parfaitement semblables, avant que les Grecs y eussent ajouté quelques signes.

Mais, avant que la Grèce eût une série si considérable et si parfaite de signes des sous, elle avoit déjà de plus anciens caractères d'écriture, qu'on regardoit communément et constamment comme venus des Phéniciens. Ils étoient différens de ceux dont nous avons parlé; il faut donc que dans l'Orient, d'où ils tiroient leur origine, il y ait eu une époque où ces caractères n'étoient pas complets.

C'est ce que montre M. Hug. Les Phéniciens, dit-il, avoient trois Σ, deux T, deux aspirations et n. Les et le sont à-peine sensibles pour les oreilles des Occidentaux; le you Z n'est employé que pour la commodité, et peut être remplacé par le ▲ ou le TZ (Eustath. in Hom., t. III, p. 1562). Une distinction si recherchée des tons doit se rapporter à un temps où la langue devoit être déjà bien perfectionnée. Or, si l'on retranché ces lettres des vingt-deux grecques, il n'en reste que seize, et comme le vau punique ou digamma æolique peut également être retranché, il n'en reste plus que quinze. Aussi les Grecs avouent-ils qu'anciennement ils n'avoient pas quelques Jettres, telles que le zéta.

M. Hug examine ces témoignages, dont quelques-uns réduisent l'alphabet à seize caractères ; d'autres, avec Aristote, en supposent dix-huit, et il montre que la diversité du nombre doit s'attribuer à différens temps.

On y remarque particulièrement l'explication d'un passage de Saint-Irénée, liv. II, chap. xxiv, qui parle de la nature de l'ancien alphabet hébraïque : car, pour réfuter les Gnostiques qui, par une espèce particulière de cabale, cherchoient à trouver des mystères dans le texte de la Bible, en s'attachant à l'arrangement des lettres, des syllabes et des mots, Saint-Irénée dit : Que, quand même toutes ces rêveries pourroient se vérifier au moyen de l'alphabet grec, ce ne seroit encore rien, et qu'il faudroit les prouver par le premier et le plus ancien alphabet des Juifs, extrêmement différent de celui des Grecs. Per omnia autem Hebræorum litteræ non conveniunt cum numero Græcorum, quæ maximè deberent, antiquiores et priores existentes, salvare supputationem eorum; ipsæ enim antiquæ et primæ Hebræorum litteræ sacerdotales nuncupatæ decem quidem sunt numero; scribuntur autem quoque per quindecim, novissima littera copulata primæ. Atideò quasdam secundùm consequentiam scribunt sicuti et nos, quasdam autem retrorsùm à dextrá parte in sinistram retorquentes litteras,

Ce passage a paru inintelligible; selon M. Hug, le sens de Saint-Irénée est que les anciens Hébreux avoient quinze caractères d'écriture pour former les syllabes et les mots, et dix seulement pour marquer les nombres; que dans l'écriture, ils formoient leurs lettres de droite à gauche, et, sans s'arrêter, continuoient le texte de gauche à droite: ce qui s'appeloit sillonner (bustrophedon), et ce qu'on remarque encore dans les monnoies phéniciennes et assamonéennes; que les nombres se marquoient par les dix

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