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C'est encore l'usage qui a voulu que les Substantifs, enfant, esclave, dépositaire, etc., servissent également à désigner les deux sexes; mais on a l'attention, si le substantif représente une personne du sexe féminin, que l'article et les adjectifs qui les accompagnent soient mis au féminin:

Le mari eut assez de crédit pour faire enlever CETTE enfant, qu'il ne vouloit pas reconnoître.

(La Harpe, Correspond. littér., liv. XLVIII, premier vol.; en par= lant de Melle de l'Espinasse. )

Excusez ma tendresse pour UNE enfant dont je n'ai jamais eu le moindre sujet de plainte.

(Rac. Lettr. à sa tante.)

Une chambre où le jour n'entre que rarement,
Est de la pauvre enfant l'unique appartement.

(La Font., le Florentin, com., act. I, sc. 1.)

Quoi! Seigneur, une enfant vers l'Euphrate enlevée.

(Voltaire, Olimp. I, 1.)

Est-ce qu'il a aussi UNE PETITE ESCLAVE qui le fait en

rager?

(Marmontel, le Trépied d'Hélène.)

Elle est MA DÉPOSITAIRE.

(Le Dictionnaire de l'Académie, Gattel et M. Laveaux.)

Recommandant votre enfance à LA tendre et respectable DÉPOSITAIRE de votre première éducation.

(Massillon, parlant de Mad. la duchesse de Ventadour.)

Elle est de mes serments seule dépositaire.

( Racine, Iph. IV, 6. )

Cette distribution de genres, faite sans motif, sans plan et sans systême, s'oppose à ce que l'on donne des règles générales et précises par le moyen desquelles on puisse, dans toute occasion, distinguer, au seul aspect d'un Substantif, de quel genre il est. Cependant plusieurs grammai= riens ont donné des traités du genre; mais, comme l'observe M. Lemare, ces traités sont extrêmement incomplets, quel

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ques-unes de leurs règles sont vagues, et surtout sujettes à beaucoup d'exceptions; et véritablement la connoissance parfaite du genre des Substantifs ne peut être que l'ouvrage du temps. C'est en lisant avec attention, et en recourant dans le doute aux dictionnaires, qu'on prendra insensible= ment l'habitude de ne pas s'y tromper. Néanmoins, comme cette Grammaire est rédigée autant pour les étrangers que pour les François, nous allons extraire de ces différents traités les règles qui nous ont paru devoir guider nos lec= teurs sur une question qui présente tant d'incertitude. Celui qu'a publié M. Lemare est clair et satisfaisant; cependant, afin de laisser peu de chose à désirer, nous pous servirons aussi du travail de l'abbé Girard, de celui de Lévizac, et de M. Thibierge, auteur d'un traité figuratif sur le genre de nos Substantifs, et collaborateur de M. Lemare, dans cette partie.

Le principe le plus général est qu'il n'y a que les Sub= staptifs terminés par un e muet au singulier, ou par un e muet suivi d'un s, signe du pluriel, qui soient féminins; tous les autres substantifs terminés autrement que par l'e muet sont masculins. Mais ce principe jette peu de lumière sur l'objet que nous traitons, et il seroit, dans son applica= tion, par sa généralité même, une source de méprises continuelles.

Un moyen bien moins douteux de déterminer le genre des Substantifs, sans consulter le dictionnaire, et sans avoir égard à la terminaison, c'est de recourir au sens.

RÈGLES DES GENRES.

Sont MASCULINS, d'après le sens :

1o. Les Noms qui désignent des objets mâles, comme Alexandre, Hippolyte, cheval, éléphant.

2o. Les Noms désignant des objets qu'on a coutume de se figurer comme mâles; tels que: ange, génie, centaure.

3o. Les noms des jours, des mois, et des saisons : diman= che, janvier, printemps (66).

Voyez plus bas, quand on joint le diminutif mi à un nom de mois. 4°. Les Noms de la nomenclature décimale: centime, gramme, stère, etc.

5o. Les Noms des métaux et demi-métaux : cuivre, étain, manganèse (67).

6o. Les Noms d'arbres et d'arbrisseaux : chéne, fréne, hièble (68).

7°. Les Noms des vents: Est, Sud, Ouest, Nord, etc. Bise, Tramontane, sont féminins.

8°. Les Noms des montagnes : Chimboraço, Cenis, Liban, Saint-Gothard, Etna, etc.

Alpes, Pyrénées, Cordillères, Vosges, font exception. 9o. Tous les Noms de villes en général; s'il y en a de féminins, c'est en petit nombre, et quelques-uns font même très-distinctement connoître leur genre, étant composés de l'article, comme d'une partie propre et inséparable du tels que La Rochelle, La Villette et autres semblables. Au surplus, lorsque leur genre n'est pas certain, on doit le faire précéder du mot ville.

nom;

Néanmoins, quand on personnifie une ville, on en met ordinairement le nom au féminin; c'est ainsi que Fénélon a dit : malheureuse Tyr! dans quelles mains es-tu tombée! Dans ce cas, il y a ellipse du mot ville (69).

(66) Automne est des deux genres, voyez page 90.

(67) Platine; ce métal récemment découvert est, dans Boiste, Gattel, Ph. de la M., Lemare, Butet, et dans tous les ouvrages de chimie, employé au masculin; mais l'Académie paroît pencher pour le féminin ; et en effet la désinence ine n'offre aucun nom masculin. Quoi qu'il en soit, il faut employer au masculin les noms de tous les corps,,dits élémentaires,: l'oxigène, l'hydrogène, etc.; et des composés binaires, comme les sulfates et les sulfites, les nitrates et les nitrites, etc.

(68) Aubépine, épine, ronce, yeuse, bourdaine, vigne, sont féminins, et ainsi font exception à cette règle.

(69) En général les noms de villes sont féminins en françois, lorsqu'ils dérivent d'un féminin latin. Rome vient du féminin Roma; Mantoue,

10°. Les Noms d'états, d'empires, de royaumes, de pro= vinces, pourvu que leur terminaison ne soit pas un e muet; ainsi : Danemarck, Piémont, Portugal, Brandebourg, etc., sont du genre masculin; mais: France, Espagne, Hol= lande, Italie, Allemagne, Prusse, etc., qui finissent par un e muet, sont du genre féminin.

Les exceptions auxquelles cette règle donne lieu ne sau= roient embarrasser; car, lorsque ces noms ont un genre différent de celui qu'indique leur terminaison, ils sont alors, comme les noms de villes, précédés de l'article qui indique le genre qu'on doit leur donner.

11o. Les adjectifs de nombre ordinaux et cardinaux : un, deux, huitième, quadruple, et autres adjectifs substan= tifiés, employés pour exprimer une partie ou un multiple d'un tout (70).

du féminin Mantua; Toulouse, du fém. Tolosa; Marseille, du féminia Massilia: c'est pourquoi on dit Rome la sainte; Mantoue fut malheu= reuse, pour être voisine de Crémone; la savante Toulouse; la florissante ville de Marseille.

Les noms de villes sont masculins en françois, lorsqu'ils dérivent d'un nom latin, masculin ou neutre. Rouen vient du masculin latin Rhothomagus; Toulon, du masculin Telo; Lyon, du neutre Lugdunum; Amsterdam, du neutre Amstelodamum; ainsi, l'on dit : Rouen est renom= me par ses toiles; Toulon est renommé par son port et sa corderie; Lyon est fameux par ses étoffes de soie. Amsterdam n'est commerçant que pendant la paix.

Lutèce et Paris sont la même ville; et cependant Lutèce est féminin à cause du fém. Lutetia; etParis est masculin à cause du masc.j plur. Parisii. Ce que l'on dit ici du genre des noms de villes dérivés du latin, est applicable au genre des noms de villes dérivés de toute autre langue. Cette règle a cependant quelques exceptions.

Toutefois, pour ceux qui ne connoissent pas la langue latine, on peut donner pour règle, que tout nom de ville qui se termine par une syllabe féminine est généralement féminin; dans tout autre cas il est masculin. On en excepte Jérusalem, Sion, Ilion.

(Domergue, et le Man. des am. de la lang. fr. 2. ann. p. 216 et 217.) (70) Courbe, tangente, perpendiculaire, sont féminins; mais c'est parce que ces expressions sont elliptiques; le mot ligne est sous-entendu: une courbe, une perpendiculaire, c.-à-d., une LIGNE courbe, une ligne perpendiculaire. Moitié est aussi du féminin.

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12o. Les infinitifs, adjectifs, prépositions, etc., pris substantivement, de même que toutes les phrases substanti fiées par accident; comme: le manger, le boire, le juste, le vrai, le jaune, le rouge, un car, un si, un qu'en dira-t-on. 13o. Les mots désignant un langage, un idiôme: le bas= que, l'iroquois.

Sont FÉMININS, d'après le sens :

1o. Les Noms qui expriment des objets femelles: Junon, Vénus, etc.

2o. Les Noms de vertus et de qualités : Courage, mérite sont masculins.

Iero REMARQUE.

Les mots composés de plusieurs mots réunis par des tirets, sont masculins ou féminins, selon que le mot principal, exprimé ou sous-entendu, est masculin ou féminin; par exemple: un avant-coureur est un courrier qui court devant quelqu'un, et qui en marque, par avance, l'arrivée; et une perce-neige est une plante qui croît en hiver, et dont la tige perce, pour ainsi dire, la neige...

2eme REMARQUE.- Les diminutifs suivent le genre des noms dont ils dérivent: globule est masculin, parce qu'il dérive de globe, qui est masculin. Pellicule est féminin, parce qu'il dérive du substantif féminin peau. Monticule est masculin, parce qu'il dérive de mont.

3eme et dernière REMARQUE. Nous n'avons pas compris dans le nombre des exceptions, les Substantifs qui ont les deux genres, puisque leur conformité ou leur dérogation à la règle dépend uniquement de l'acception dans laquelle on les prend.

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Toutes ces règles particulières faciliteront certainement la connoissance du genre des Substantifs; mais, comme nous pensons qu'une liste des Substantifs dont le embarrasse le plus sera également d'une grande utilité, en ce qu'elle remédiera à l'inconvénient des exceptions, qui sont insé= parables des règles, et qu'elle n'en aura pas l'insuffisance, nous croyons devoir mettre sous les yeux de nos lecteurs la liste qui suit.

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