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Sur quoi nous observerons que Voltaire et beaucoup d'é crivains modernes ont adopté le changement de oi en ai dans tous ces mots, quoique l'Académie et un grand nombre de Grammairiens s'y soient constamment opposés. Les sonnes curieuses de savoir quels ont été leurs motifs, les trouveront énoncés au chapitre de l'orthographe, art. 2, tom. 2:

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ont le son de l'è ouvert dans haie, bey, seigneur, démangeaison.

ont le son de o: bateau, peau, geôlier, Georges.

Iɛ a le son de ije prie, je prierois, etc.

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Remarque. Quelques personnes suppriment l'e muet du futur et du conditionnel présent des verbes en ier: je prírai, je prírois; mais c'est une faute, du moins en prose.

OEU a le son de EU ouvert : mœurs, ́sœur, œuf.

Eu a le son de u, dans les temps j'eus, nous eúmes, j'eusse, etc.

Quoiqu'elle garde encor des airs sur la vertu,

De grands mots sur le cœur, qui n'a-t-elle pas EU?
(Gresset, le Méchant, act. IV, sc. 9.)

Remarque.

On écrit Europe, Eucharistie, heureux, Euridice, Saint Eustache; cependant on ne prononce pas urope, ucharistie, etc...

(Restaut, Wailly et Lévizac.)

ARTICLE III.

DES VOYELLES NASALES.

U,

Les combinaisons des Voyelles A, E, 1, o, u, avec les lettres м et N finales, forment ce qu'on appelle les voix ou Voyelles nasales an, en, in, on, un, dont voici les diverses représentations: am, an, ean, em, en, im, aim, ein, on, eon, um, un et eun; mais ces combinaisons ne forment des

Voyelles nasales qu'autant qu'elles sont suivies de quelque

m,

autre consonne, ou qu'elles terminent le mot; encore fautil, dans le premier cas, que la consonne qui les suit soit autre que m ou n, car deux ou deux n de suite, font presque toujours disparoître la nasalité. Ainsi, ambas= sade, chrétienté (3), sang, paysan, etc., prennent le son nasal; mais, dans paysanne, chrétienne, païenne, etc., les voyel= les, a, e, reprennent le son qui leur est propre, et m et n n'y servent qu'à articuler celle qui les suit.

Il y a quelques exceptions à ces règles : 1o. Les mots pris des langues étrangères, comme amen, Jérusalem, hymen, abdomen, Eden, etc., ne prennent point le son nasal, quoi= que en ou em y termine le mot, et cela parce que les langues étrangères n'admettent point ces sons; il faut donc prononcer comme s'il y avoit amène, Jérusalème, hymène (4), abdomène, Edène, etc.

(Féraud, l'Acad. Gattel, Wailly.)

2o. En dans ennui, et em dans emmener gardent le son nasal, quoique la consonne y soit redoublée. Les trois lettres ent, à la fin de la troisième personne plurielle des verbes, ne forment jamais un son nasal, mais seulement un e muet; et même, si elles sont précédées d'un i, elles ne donnent aucun son, et ne font que rendre un peu plus ouvert et plus

(3) Beaucoup de personnes prononcent chré-tiè-ne-te; mais, d'après ce qu'on vient de lire, on voit combien cette prononciation est mauvaise. (4) HYMEN. Les avis sont partagés sur la prononciation de ce mot. Quelques personnes voudroient qu'on le prononçât avec le son nasal. M. Delille, par exemple, le fait rimer avec main :

Sa docile pudeur m'abandonnant sa main,

Je la prends, je la mène au berceau de l'hymen.

(Paradis perd. L. 8.)

D'autres, et c'est le plus grand nombre, le prononcent hymène, parce que, comme nous l'avons dit plus haut, les langues étrangères n'admet= tent point le son nasal.

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Le mot examen, quoique d'origine latine, se prononce à la françoise, c'est-à-dire, avec le son nasal. Il est vrai qu'au barreau, on fait sentir le n final, mais cette prononciation n'est pas assez en usage pour qu'on doive l'imiter.

long le son qui les précède; ainsi, ils aiment, ils aimèrent, etc., se prononcent comme ils aime, ils aimère ; et ils prient se prononce comme il pri.

Il faut aussi observer que, dans plusieurs mots terminés par la lettre n comme signe nasal, il arrive souvent que cette consonne est sonore, sans que cependant la nasalité cesse d'avoir lieu ; c'est-à-dire que l'on fait entendre un n interca= laire qui s'unit avec la voyelle suivante, comme dans bon ami, que l'on prononce bon-nami.

Les règles que nous allons donner, pour le cas où cette lettre est muette ou sonore à la fin de la syllabe, sont d'au= tant plus nécessaires à connoître qu'au théâtre méme, où l'on doit prononcer plus correctement qu'ailleurs, on pa= roît souvent les ignorer.

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PRINCIPE GÉNÉRAL. On ne doit faire sonner la finale na= sale que quand le mot où elle se trouve, et le mot qui le suit, sont immédiatement, nécessairement, et insépara= blement unis; ou, comme dit Domergue, que quand le sens ne permet pas une petite pause après la finale nasale.

D'Olivet (dans sa Prosodie françoise, p. 60); Dangeau (dans ses essais de Grammaire, pag. 30); Beauzée (Encyclop. Méth. lettre N); Dumarsais (même ouvrage, au mot Báillement); Th. Corneille, Restaut, Wailly, Lévizac et plusieurs Grammairiens modernes.

On fera donc sonner la consonne n finale, dans tous les adjectifs suivis immédiatement d'un nom qui commence par une Voyelle ou par un h non aspiré : ainsi, dans ancien ami, certain auteur, vilain homme, en plein air (5), tout

(5) Dans tous les cas indiqués dans cet article, c'est-à-dire quand le mot où se trouve la finale nasale, et le mot qui la suit, sont immé diatement, nécessairement, et inséparablement unis, Dangeau, Beauzée, Dumarsais, Th. Corneille, d'Olivet, Restaut, Bouillette, RegnierDesmarais, Wailly, Lévizac et quelques Grammairiens modernes sont d'avis que l'on doit, pour éviter un hiatus désagréable, mettre un n euphonique entre le premier et le second mot, et prononcer, par exemple, vain-nespoir, on-nest ici bien-nheureux, etc., etc.

Ce soin, dit Dangeau, que l'on a pris pour éviter la rencontre des finales an, en, in, on, un, etc., autrement dites voyelles nasales, avec

en conservant la nasalité des syllabes en in, on liera la consonne finale n avec la voyelle ou le h non aspiré qui suit; de sorte qu'on prononcera comme s'il y avoit ancien-nami, vilain-nhomme, etc.

d'autres voyelles, a pour objet de rendre la prononciation plus coulante et plus harmonieuse; c'est ainsi que, comme on le verra dans le cours de cet ouvrage, pour éviter la rencontre de quelques-unes de nos voyelles ordinaires, on met entre elles tantôt un t, tantôt un s, ou tantôt un 1: aime-t-on, donne-s-en, si-l-on, etc.

M. Dubroca, l'un des collaborateurs du Manuel des amateurs de la langue françoise, ne partage pas l'opinion des Grammairiens que nous venons de citer. Il veut qu'on prononce: vain espoir, on est ici bien heureux, comme s'il y avoit vai-nespoir, o-nest ici bie-nheureux.

Cette manière, dit M. Dubroca, de lier les voyelles sauve les prin= cipes, et ne jette pas dans l'insoutenable contradiction du double emploi de ce son, qui est simple et indivisible par essence. Le caractère gram= matical de ces sons est renversé, à la vérité, dans leur liaison; mais c'est pour en faire résulter un ordre naturel de prononciation, un ordre qui est tellement dans le génie de notre langue, que nous l'exécutons dans un très-grand nombre de mots, par un principe de prononciation uni versel et reconnu. En effet, ajoute-t-il, que l'on observe notre manière de prononcer les mots inattentif, inabordable, inhumain, etc., quelqu'un s'avise-t-il de dire, in-nattentif, in-nabordable, in-nhumain ? non sans doute et cependant qui ignore que ces mots sont composés de la parti= cule in, qui répond à la préposition latine non, particule que l'on rend toujours nasale dans les mots où elle est suivie d'une consonne, comme dans in-décent, in-tempérant. Que fait-on donc dans le premier cas? on prononce l'i pur, dont on forme la première syllabe du mot, tandis que len, qui lui appartient naturellement, va se réunir, comme une pure consonne, à la voyelle suivante, et l'on dit i-nattentif, i-nabordable, i-nhumain. C'est d'après ce même principe que nous prononçons encore bo-nheur, formé de bon et de heur; no-nobstant, qui résulte de non et de obstant; vi-naigre, évidemment formé des mots vin et aigre, etc. » Nous n'examinerons pas jusqu'à quel point l'opinion de M. Dubroca est fondée, cette discussion n'entre pas dans le plan que nous nous sommes formé. Seulement nous dirons que la prononciation que ce Grammairien veut faire admettre a contre elle l'usage universel, et que ce motif seul suffit pour faire donner la préférence au sentiment de Beauzée, de Dumarsais, de Dangeau, de d'Olivet, etc., etc.

On la fera également sonner dans les adjectifs possessifs mon, ton, son, s'ils ne sont séparés du substantif que par des adjectifs qui y ont rapport; dans MON intime et fidèle ami, SON entière et totale défaite, on fera entendre le n de mon, et de son.

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Mais on ne fera point sonner le n final dans tous les substantifs, sans exception, suivis ou non suivis, soit d'un adjectif, soit d'une conjonction; préposition ou adverbe commençant par une voyelle ou un h non aspiré; ainsi, dans PASSION aveugle, BON à monter, BON à descendre, un FAON encore jeune, cela est CERTAIN et indubitable, on ne fera point entendre le n de passion, bon, faon, certain.

Len final ne se fait point sentir non plus dans un, lorsque ce mot n'est pas suivi d'un substantif: il y en eut UN assez hardi; mais on le prononcera dans un arbre, un ameuble ment, à cause des substantifs arbre, ameublement,

On avant le verbe, dans les propositions positives, fera enz tendre l'articulation n on honorera, on aime, on a dit; mais dans les phrases interrogatives, on, étant après le verbe ou après l'auxiliaire, sera purement nasal, c'est-à-dire ne sonnera pas, quoique suivi d'une voyelle: a-t-on eu soin? arrive-t-on aujourd'hui? est-on ici pour longtemps? La consonne n sonnera encore dans le mot en, soit préposition soit pronom, quand il aura à sa suite un mot auquel il y a un rapport nécessaire, et que ce mot commencera par une voyelle ou par un h muet, comme dans EN Italie, EN un moment, je N'EN ai point; mais on dira, sans liaison, pars lez-EN au ministre, allez-vous-EN au jardin, donnez-m’EN un peu, parce que le mot EN n'a point un rapport nécessaire avec le mot qui le suit; ou, si l'on veut, parce que l'on peut faire une petite pause après en.

On fera également entendre l'articulation n.dans les mots bien et rien, lorsqu'ils seront suivis immédiatement de l'ad= jectif ou de l'adverbe, ou du verbe qu'ils modifient, et que cet adjectif, cet adverbe ou ce verbe commencera par une Vovelle ou par un h muet; ainsi, n se fera entendre dans

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