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Des pots au FEU, des pots de
BASILIC, des pots de BEURRE.

Des tas, des touffes d'HERBE..
Des livres de páte d'AMANDE..
Des maîtres de MUSIQUE....

Unpot de FLEURS(211), un pot à
FLEURS, un pot d'OEILLETS, de

CONFITURES.

Un tas de PIErres.
Un gateau d'AMANDES.
Un maître de LANGUES.

Des gens de plume; c'est-à-dire des gens se servant ou vivant de la plume; ici plume est employée dans un sens vague, indéfini, comme dans cette phrase: manier la plume. Des marchands de plume: on ne vend pas des plumes pour lits, on vend de la plume; mais on écrit Un balai de plumes, un marchand de plumes avec le pluriel, parce qu'on ne peut pas dire qu'un balai est fait avec de la plume, que ce mar= chand ne vend qu'une seule plume.

Des caprices de femme, c'est-à-dire venant de femme, tenant de la nature de la femme; et une pension de femmes, c'est-à-dire où il y a plusieurs femmes.

Des bouquets de jasmin, c'est-à-dire faits avec du jasmin, et non avec des jasmins; mais on écrit un bouquet de roses, parce qu'une seule rose ne compose pas un bouquet.

Des pieds de giroflée, c'est-à-dire venant d'une giroflée : on ne dit pas couper des giroflées, comme on dit couper des arbres, la giroflée ne se compte pas par individus, mais on écrit, avec le pluriel, un pied d'oeillets, c'est-à-dire portant ordinairement plus d'une seule fleur de cette espèce.

Des marchandes de poisson. On dit habituellement vendre

(211) Un pot de fleurs est un pot où il y a des fleurs; et un pot à fleurs est un pot propre à mettre des fleurs..

On dit de même : un pot de confitures et un pot à confitures; un pot de beurre et un pot à beurre.

Observez que l'on dit un pot à l'eau, un pot propre à mettre de l'eau ; et non pas pot à eau, qui est un gasconisme.

On dit aussi un pot au lait, et non un pot à lait.

(L'Academic, Féraud, Gattel, Trévoux.)

:

du poisson d'ailleurs des poissons, comme le saumon, la morue, se vendent par fractions, tandis que les harengs, les carpes, les anguilles se vendent par entiers, par individus. C'est pour un semblable motif que l'on écrit des recueils de musique, car on ne dit pas des musiques; et qu'on écrit avec le pluriel, un recueil d'estampes, parce que ce recueil n'est pas d'une seule estampe.

De même, on dit qu'une marchande de morue vend de la morue, et non pas des morues; mais une marchande de carpes en vend plus d'une.

Quand je dis des marchands de vin, je n'entends pas dire qu'ils vendent des vins, quoiqu'ils en aient de plusieurs espèces; je veux parler, en général, de marchands qui vendent du vin, et non du cidre, du bois, du drap, ou toute autre marchan= dise : ces mots de vin sont purement spécificatifs, ils forment un tout, un ensemble et une masse de même espèce : c'est pourquoi il faut le singulier; c'est la même chose quand je dis un marchand de drap, de linge, de toile, de cidre, etc. Mais j'écris avec le pluriel: un marchand de vins fins, un marchand de différents beurres salés et fondus, de toiles blanches et grises, de draps de Louviers et d' Elboeuf, parce qu'alors j'ai besoin de distinguer les diverses sortes de vins, les diverses sortes de beurres, de toiles, de draps que tien= nent ces marchands.

J'écris aussi des coulis de chapon, avec le singulier, parce qu'on n'a pas besoin de plusieurs chapons pour faire un coulis; mais, comme on ne sauroit faire un coulis avec une seule écrevisse, alors on doit écrire un coulis d'écrevisses avec le pluriel.

Si l'on écrit des maux de tête avec le singulier, c'est parce qu'on n'a pas en vue de parler de plusieurs têtes, mais de tête en général, dans un sens vague, indéfini; au contraire, j'écris un mal de reins avec le pluriel, parce que le mot reins n'a pas de singulier dans ce sens;

Deux pieds d'arbres, c'est-à-dire deux pieds ou troncs venant de deux arbres. - Deux pieds de marjolaine, c'est-à

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dire deux pieds venant de la marjolaine : car on ne dit pas couper des marjolaines, comme on dit couper des arbres. La marjolaine ne se compte pas par individus ;

Un ciel de lit, c'est-à-dire venant d'un lit; et deux ciels de lits, c'est-à-dire venant de deux lits;

Quatre roulettes de lit, c'est-à-dire venant d'un lit, servant à un lit, et huit roulettes de lits, c'est-à-dire servant à deux lits; Des hommes de robe, parce qu'on entend parler de personnes qui portent la robe; et des hommes de lettres, parce que ce sont des personnes étudiant les lettres, etc., etc.

Ensuite j'écrirai avec le singulier au second nom : pendant le carême les chrétiens ne se nourrissent que de POISSON, parce que j'ai en vue le genre d'aliment sans m'occuper indi= viduellement des poissons, qui sont dénaturés, et dont on ne sert souvent qu'une partie sur nos tables; mais Buffon a cu raison d'écrire: la saricovienne vit de crabes et de POISSONS, parce qu'il a envisagé nécessairement les individus; il s'est représenté la saricovienne mangeant plusieurs espèces de poissons.

Présentement il ne sera pas inutile d'ajouter quelques observations sur le nombre qu'on doit employer après la préposition DE, quand elle n'est pas précédée d'un nom substantif. Les exemples suivants feront voir que la moindre attention suffit pour reconnoître s'il faut le singulier ou le pluriel: Un enfant plein de bonne volonté.

Un homme plein de défauts.

Un peintre rempli de talent.

Une jeune personne remplie de talents.

Bonne volonté est au singulier, parce qu'on ne dit pas des bonnes volontés; défauts est au pluriel, parce qu'on ne diroit pas qu'un homme est plein de défauts s'il n'en avoit qu'un: Talent est au singulier dans le premier cas, parce qu'il n'est question que d'un seul talent, celui de la peinture porté à un haut degré; dans le second, on veut dire la jeune personne possède les divers talents que donne une bonne éducation.

que

Je me nourris de beaucoup de LAIT et de FRUITS.

On ne dit pas des laits; mais, quand on se nourrit de fruits, on en mange nécessairement plusieurs.

La gréle a fait beaucoup de TORT dans ce canton.

Et, cet homme a eu beaucoup de TORTS envers moi. Beaucoup est suivi d'un singulier quand il marque l'extension, et d'un pluriel quand il marque la quantité; dans le premier exemple, il est question d'un tort étendu, grand, considérable; dans le second on veut désigner plusieurs torts.

Enfin, pour compléter cet article, nous allons examiner quand le nom, précédé des prépositions À, EN ou SANS, doit s'employer au singulier ou au pluriel. Ce sera M. Ballin qui résoudra cette question; nous ajouterons seulement des exemples à ceux qu'il a donnés.

Le nombre est toujours indiqué par le sens ; ainsi il n'y a aucune difficulté à cet égard. Quelques exemples en donnéront la preuve j'écrirai avec le singulier étre sur pied, étre en pied, faire pied sur quelqu'un, aller à pied, parce que pied est spécificatif, employé d'une manière vague, în= définie (212); mais j'écrirai sauter à pieds joints, parce que le mot joints réveille nécessairement l'idée de deux pieds."

J'écrirai: ils courent de province en province. (D'une próvince à l'autre.-L'air est en feu, parce que feu, considéré comme un des quatre éléments, n'est pas susceptible de plusieurs unités.

Elle a mis ses enfants en NOURRICE, parce que en nour rice est pris métaphysiquement et généralement comme le mot nourrissage, qui signifie le soin et la manière de nourrir et d'élever les bestiaux; mais j'écrirai, en faisant usage du pluriel, c'est une femme en COUCHES, parce qu'on dit les couches d'une femme; sa mère a assisté à ses couches, et que dans ce

(212) L'usage, dit M. Lemare, a, dans toutes ces phrases, consacré le singulier, parce qu'on prend le pied pour signifier la marche, la base. Habiller de pied en cap, c'est-à-dire depuis la base, etc.; des valets de pied, c'est-à-dire des valets de marche, qui marchent et ne vont pas à cheval; aller à pied, c'est aller en marchant, et non pas en voiture.

sens jamais le mot couches n'est au singulier. L'Académie cependant écrit des femmes en couche, le second mot au singulier, et Féraud approuve cette orthographe; mais M. Le= mare, qui est un bon juge en grammaire, se' range à l'avis de M. Ballin.

J'écrirai, elle avoit l'éventail EN MAIN, parce qu'il ne faut qu'une main pour tenir l'éventail, et, elle avoit le van EN MAINS, parce qu'on vanne avec les deux mains.

Je suis sans pain, sans argent, parce que pain et argent sont ici pris dans un sens vague, indéfini, et qu'ils n'ont point de pluriel dans ce sens; mais j'écrirai avec le pluriel, je suis sans souliers, parce qu'on pense nécessairement à deux souliers.

J'écrirai avec le pluriel : cette mer célèbre en naufrages (213):

Tu vas donc, égaré sur l'océan du monde,

Affrouter cette mer eu naufrages féconde.

(Delille, Épitre sur l'util. de la Retr. pour les Gens de lettres.) parce que une mer ne seroit pas féconde pour un seul naufrage (214)...

(213) Boileau avoit dit dans la première édition de ses œuvres (Épître au roi ):

Regagne le rivage;

Cette mer où tu cours est célèbre en naufrage.

Mais ses amis lui conseillèrent de mettre au pluriel célèbre en naufrages, et regagne les rivages. Cependant, comme les rivages au pluriel n'est pas une expression tout-à-fait juste, il changea entièrement le premier vers, et écrivit :

Sais-tu dans quels périls aujourd'hui tu t'engages ?
Cette mer où tu cours est célèbre en naufrages.

(213 bis) Observez qu'avec les adjectifs abondant, célèbre, fécond, formidable, fertile, fameux, stérile, accompagnés d'un régime, le substantif qui suit ce régime, doit toujours être mis au pluriel. On verra l'application de ceci lorsqu'il sera question du régime dont chacun de ces adjectifs doit être suivi.

(214) J'écrirai encore :

De voleur à voleur on parle probité;

L'injustice en appelle à ses droits légitimes;

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