Images de page
PDF
ePub

PAUVRETÉ n'est pas vice.

CONTENTEMENT passe richesse.

--

Plus fait douceur que violence.

Je ne saurois tenir contre femme qui crie: (La Font. le Rossignol.)
Il faudroit qu'on sentît niême ardeur, même flamme.

(Th. Corneille, Ariane, II, 7.)

Souvent aussi, lorsqu'on fait une énumération :

Citoyens, étrangers, ennemis, peuples, rois, empereurs, (Fléchier.)

le plaignent et le révèrent.

Je ne trouve partout que lâche flatterie,
Qu'injustice, intérêt, trahison, fourberie.

(Molière, Misanthr. act. I, sc. 1.)

Ce que les hommes appellent GRANDEUR, GLOIRE, PUISSANCE, PROFONDE POLITIQUE, ne paroît à ces suprémes divinités que (Télémaque.)

MISÈRE et FOIBLESSE.

Que la royauté est trompeuse! quand on la regarde de loin, on ne voit que GRANDEUR, ÉCLAT et DÉLICES; mais de près, tout est épineux, (Le même.)

10°. Les noms propres de divinités, d'animaux, de villes et de lieux particuliers se mettent aussi sans l'Article, parce que, comme nous l'avons déjà dit, le sens de ces noms est tellement déterminé par lui-même, qu'on ne peut pas se méprendre sur sa détermination. Ainsi l'on dit :

Au milieu des clartés d'un feu pur et durable
Dieu mit avant le temps son trône inébranlable.
Minerve est la prudence, et Vénus la beauté.

(Voltaire.)

(Boileau, Art. poét. ch. III.)

Mais si, après avoir généralisé ces noms, on veut les déterminer, on ne les regarde plus alors comme noms propres, on les considère comme des noms communs, que l'on restreint à un seul individu; voilà pourquoi l'on dit : Bien des personnes regardent le Tasse comme l'HoMÈRE de l'Italie.

Voilà aussi pourquoi l'on dit : Les RACINES et les MOLIÈRES seront toujours rares.

Voyez ce que nous disons à ce sujet, au chapitre des Substantifs, p. 134. Cependant on ne doit pas regarder comme une exception l'usage où nous sommes de joindre l'article aux noms des

poètes et des peintres italiens; nous ne le faisons que parce qu'il y a ellipse dans cet emploi; car ce n'est pas à ces noms que nous les joignons, c'est à un substantif sous-entendu. Nous imitons ce tour de l'italien, où la Malaspina, il Tasso, signifient la contessa Malaspina, il poeta Tasso.

Il y a également ellipse dans le tour de phrase que nous employons, quand notre dessein est de placer la personne dont nous parlons dans une classe pour laquelle on a assez ordinairement peu d'égard : LA LEMAURE soutenoit par la beauté de sa voix les plus mauvais opéra. GUIMARD n'étoit pas moins étonnante par sa légèreté que par C'est un tour de LA GAUSSIN.

sa grace.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

LA

Toutefois, l'urbanité françoise a depuis long-temps pros= crit de la bonne compagnie ce tour de phrase, où on le regar= deroit comme un signe apparent et probable de mauvaise éducation.

Tout ce chapitre est l'analyse de ce qu'ont dit sur cette importante matière, Dumarsais, d'Olivet, Condillac, Marmontel, Lévizac, MM. Silvestre de Sacy et Maugard.

m

min

CHAPITRE III.

DE L'ADJECTIF.

L'ADJECTIF (*) ne désigne ni un être physique, ni un être

métaphysique; il exprime seulement la qualité ou la manière d'étre du substantif.

(*) Le mot adjectif, dit Domergue, signifie plutôt qui ajoute à, que ajouté à. La terminaison if exprime, en général, un sens actif: Destructif ne signifie pas détruit, mais qui porte la destruction. Corrosif ne signifie pas rongé, mais qui ronge. Cette opinion a pour elle l'analogie, elle a de plus la raison: Ajouté à n'exprimeroit que le matériel de l'adjectif; qui ajoute à en exprime la fonction; en effet le nom Adjectif ajoute toujours au sens du substantif exprimé ou sous-entendu.

Quand l'Adjectif est seul, il ne présente rien de fixe à l'esprit, il ne lui offre que l'idée vague d'une qualité. Si l'on dit bon, grand, juste, l'esprit a une perception vague de bonté, de grandeur, de justice; mais, si l'on joint ces mots à des substantifs, il saisit un rapport réel, et voit ces qualités subsistantes dans un sujet, comme bon père, grand arbre; ainsi un mot est Adjectif, quand il présente l'idée vague d'une qualité, sans spécifier l'objet auquel on l'at= tribue. (Dumarsais et Lévizac, pag. 243, t. 1.)

La nature des Adjectifs n'est pas tellement fixe et déterminée qu'ils ne puissent devenir quelquefois de véritables substantifs; c'est lorsque, cessant de les considérer sous leur rapport de qualification, nous en faisons les objets de nos pensées, comme le bon est préférable au beau, le vrai doit étre le but de nos recherches; dans ces exemples, le BON, c'est-à-dire, ce qui est bon; le VRAI, c'est-à-dire, ce qui est vrai, ne sont pas de purs Adjectifs ; ce sont des Adjectifs pris substantivement et qui désignent un sujet quelconque, en tant qu'il est bon ou vrai,

Souvent aussi le nom qu'on nomme substantif devient Adjectif, et cela arrive lorsque ce nom est employé pour qualifier; ainsi quand je dis : Henri IV fut VAINQueur et roi comme Alexandre; vainqueur et roi, substantifs, deviennent des Adjectifs, puisqu'ils qualifient le mot Henri IV.

(Dumarsais, au mot Adjectif; Lévizac, p. 243, t. 1.)

[ocr errors]

Mais, si je dis Corneille est un poète, le mot poète est substantif, parce qu'il est évident que je veux mettre Corneille dans une certaine classe d'écrivains. Poète au contraire, est Adjectif quand je dis Corneille est poète; car alors je ne veux qu'indiquer la qualité que j'attribue à Corneille. (Condillac, p. 163, chap. XI, 1re part.)

Il y a autant de sortes d'Adjectifs qu'il y a de sortes de rapports ou qualités sous lesquelles on peut considérer les substantifs. Qu'un homme paroisse beau, laid, ridicule, spirituel, etc., on a besoin d'un mot pour exprimer chacune de ces qualités, et ce mot est un Adjectif.

[ocr errors]

Il suit de là que les mots un, tout, nul, quelque, aucun chaque, tel, quel, ce, cet, mon, ton, son, vos, votre, notre, sont de véritables Adjectifs, puisqu'ils modifient des substantifs, en les faisant considérer sous des points de vue particuliers. (Même autorité, p. 215, chap. XII, 1. p.)

Les Grammairiens qui ont rangé les Adjectifs dans la classe des noms, et n'ont fait des uns et des autres qu'une même partie du discours, se sont donc grandement mépris. Cela doit d'autant plus étonner que la dissemblance, entre les noms Substantifs et les Adjectifs, n'est pas plus équi= voque qu'entre les noms et les verbes, ou même entre la cause et l'effet.

ARTICLE PREMIER.

VARIATION ACCIDENTELLE DES ADJECTIFS.

La fonction des Adjectifs est, ainsi que nous l'avons dit,

d'exprimer la qualité ou la manière d'être des Substantifs, et c'est ce qu'ils font en s'identifiant, pour ainsi dire, avec eux. Comme l'Adjectif n'est réellement que le Substantif même considéré avec la qualification que l'Adjectif énonce, il en résulte qu'ils doivent avoir l'un et l'autre les mêmes signes des vues particulières sous lesquelles l'esprit considère la chose qualifiée. Parle-t-on d'un objet singulier? l'Adjectif doit avoir la terminaison destinée à marquer le singulier. Le substantif est-il de la classe des noms qu'on appelle masculins? l'Adjectif doit avoir le signe destiné à marquer les noms de cette classe. Enfin l'Adjectif doit être au masculin ou au féminin, au singulier ou au pluriel, selon la forme du Substantif qu'il qualifie; mais en exprimant les qualités des objets auxquels l'Adjectif est ainsi identifié, il peut les exprimer avec plus ou moins d'étendue c'est ce que les Grammairiens nomment degrés de Signification ou de Qualification.

(Dumarsais, Encycl. méthod. au mot Adjectif.)

:

Il y a donc trois choses à considérer dans les Adjectifs : le' genre, le nombre, et les degrés de signification ou de qualification.

§. 1. DU GENRE DES ADJECtifs.

Le Substantif n'est, à l'exception d'un petit nombre de mots, que d'un seul genre. L'Adjectif, au contraire, expri= mant la manière d'être du substantif, doit être susceptible des deux genres: le masculin et le féminin; il faut donc qu'il en revête la forme.

Ire RÈGLE. Les Adjectifs terminés par un e muet ne chan= gent pas de terminaison au féminin. On ne connoît alors dans quel genre ils sont employés que par celui des Sub= stantifs qu'ils accompagnent; tels sont, volage, fidèle, aimable, prude, etc.

Cependant maître, traître font au féminin maîtresse, traîtresse; mais peut-être est-ce parce qu'on emploie souvent ces adjectifs substantivement.

2o RÈGLE. Les Adjectifs terminés par une consonne,`ou par une voyelle autre que l'e muct, servent pour le genre masculin: sain, pur, sensé, poli, etc., et leur féminin se forme par l'addition d'un e muet: saine, pure, senséc', polie, etc.

Sont exceptés :

[ocr errors]
[ocr errors]

1o. Les Adjectifs où l'usage a voulu qu'on doublât la consonne finale, en y ajoutant un e muet: sujet, sujette (217); partisan, partisanne (218), etc., etc. Cependant on écrit sultane, anglicane, océane, mahométane, persane, porteottomane, etc.

Voyez le doublement des Consonnes au chapitre de l'Orthographe. 2o. Malin, bénin, qui font au féminin maligne, bénigné. 3. Les Adjectifs en cur formés d'un participe présent

(217) Le duc d'York avoit fait demander une de ses SUJETTES pour femme. (Pélisson.)

(218) Elle vous rendoit bien justice, vous n'avez pas de PARTISANNE plus sincère. (Volt, lettr. 29 à d'Alembert.)

« PrécédentContinuer »