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Chacun n'a point de pluriel; et un chacun a été long-temps usité. Molière a dit dans les Femmes Savantès (act. I, sc. 1):

Chose étrange de voir comme avec passion,

Un chacun est chaussé de son opinion!

Plusieurs autres écrivains, d'ailleurs estimables, l'ont aussi employé.

Mais, comme le font observer Féraud, Wailly et Caminade, un chacun est banni de la langue, parce que c'est une sorte de pleonasme.

Tout chacun est encore plus suranné.

Sous ce tombeau gît Françoise de Foix,
De qui tout bien, tout chacun souloit dire.

(Marot.)

(Le Dictionnaire critique de Féraud.)

Voyez plus bas ce que nous disons sur le pronom chaque.

§. 5.

AUTRUI.

Ce Pronom, qui ne se dit que des hommes et des femmes, n'a ni genre ni nombre, et ne s'emploie qu'en régime indirect: L'honnéte homme est discret; il remarque les défauts ďaʊ= TRUI, mais il n'en parle jamais. (Saint-Evremont.)

Autrui n'a proprement d'usage qu'avec les prépositions à et de, et jamais il n'est accompagné de l'article: La générosité souffre des maux d'autrui, comme si elle en étoit res= ponsable. (Vauvenargues.)

Attendez d'AUTRUI ce que vous faites à AUTRUI.

(Pensée de Syrus.)

Heureux ou malheureux, l'homme a besoin d'autrui;

Il ne vit qu'à moitié, s'il ne vit que pour lui.

(Delille, l'Homme des Champs, ch. II.)

Ne fais à AUTRUI que ce que tu voudrois qui te fut fait

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Il est vrai que l'on dit l'autrui, pour dire le droit d'autrui,

comme dans cette phrase: Sauf en autres choses notre droit, et l'AUTRUI en toutes; mais cette façon de parler est du vieux temps, et usitée seulement en termes de chancellerie et au palais.

(Le Dict. de l'Académie. - Reg. Desmarais, p. 3o5.- Restaut, p. 173. Wailly, p. 212.)

Le mot autrui présentant quelque chose de vague et d'indéterminé, on ne doit point y faire rapporter les adjectifs possessifs son, sa, ses, leur, leurs, en régime simple, c'està-dire, quand les substantifs auxquels ils sont joints, sont sans préposition; et dans ce cas, il faut faire usage du relatif en et de l'article; on dira donc : En épousant les intérêts d'AU= TRUI, nous ne devons pas EN épouser LES PASSIONS. Leurs pas= sions ou ses passions eût été une faute.

Mais on peut faire rapporter à autrui les Pronoms son, sa, ses, leur, leurs, en régime composé ou indirect, c'est-à-dire, quand les substantifs auxquels ces Pronoms sont joints, sont précédés d'une préposition : Nous reprenons les défauts d'à¶TRUI, sans faire attention à ses ou à LEURS bonnes qualités. Wailly, p. 212. — Lévizac, p. 378.)

Cependant M. Boinvilliers n'est pas d'avis de permettre l'emploi du pronom ses ou leurs, à cause de la nature du Pronom autrui, qui est d'être indéfini, c'est-à-dire présen= tant quelque chose de vague et d'indéterminé.

Comme aucun autre Grammairien n'a traité cette diffi= · culté, nous laisserons nos lecteurs juger du mérite de cette observation.

Vaugelas (504 remarque) pense que ce seroit mal s'expri= nier que de dire: Il ne faut pas désirer le bien DES AUTRES, au lieu de, il ne faut pas désirer le bien d'autrui, parce que autre a relation aux personnes dont il a déjà été parlé; si l'on disoit, il ne faut pas ravir le bien des uns pour le donner AUX AUTRES, on s'exprimeroit bien; mais, il ne faut pas ravir le bien des uns pour le donner à AUTRUI, ne seroit pas correct, la raison que, quand il y a relation des personnes, il faut employer autre, et que, quand il n'y a point de relation, il

par

faut employer autrui. D'ailleurs, ajoute Vaugelas, autre s'applique aux personnes et aux choses; mais autrui ne se dit que des personnes, et toujours avec les articles indéfinis. (Il entend, mais toujours avec une préposition.)

Th. Corneille pense (sur cette remarque de Vaugelas)que peut-être ce ne seroit pas mal parler que de dire : Il ne faut point faire AUX AUTRES ce que nous ne voulons pas qui nous soit fait; mais l'Académie, dans son Dictionnaire, dit: Il ne faut pas faire à autrui ce que nous ne voulons pas qui nous soit fait ; et dans ses observations sur Vaugelas (p.535), elle est, comme lui, d'avis que autre seroit une faute.

§. 6.

PERSONNE.

Personne est tantôt Pronom indéfini, et tantôt nom sub= stantif: nous avons cru devoir le considérer en méme temps, sous ces deux points de vue, afin que la différence de leur syntaxe fût plus sensible. Dans l'une et dans l'autre significa= tion, il ne se dit jamais des choses.

Comme substantif, le mot PERSONNE a un sens déterminé; il est toujours accompagné d'un article ou d'un autre détermi= natif, et on l'emploie au féminin et au singulier aussi bien qu'au pluriel. Exemples: Il y a en Sorbonne DES PERSONNES très-SAVANTES et très-DISCRÈTES, AUXQUELLES on peut se fier pour la conduite de ses mœurs. (Le P. Bouhours.)-LES PER= SONNES qui sont incapables d'oublier les bienfaits, sont ordi= nairement GÉNÉREUSES. (Th. Corneille). La modération DES PERSONNES HEUREUSES, vient du calme que la bonne fortune donne à leur humeur. (La Rochefoucault.) J'ai vu DES PER= SONNES encore plus VAINES que ces deux hommes. (Girard.) Je sais cette nouvelle d'une pERSONNE bien INSTRUITE. (Restaut.) (Th. Corneille, sur la 7o remarque de Vaugelas, et l'Académie p. 11 de ses observ. Reg. Desmarais, p. 3o4.—Girard, 300. Les Grainm. mod.)

· Restaut, p. 164.

Vaugelas pense qu'il faut mettre au masculin les adjectifs et les pronoms qui se rapportent au substantif féminin personne, lorsque ces adjectifs en sont séparés par un grand nombre de mots : Les personnes consommées dans la vertu ont, en toute chose, une droiture d'esprit et une attention judicieuse qui les empêchent d'étre MÉDISANTS.

(Vaugelas, 7o rem.)

Th. Corneille fait observer qu'il faut, pour que cette excep= tion ait lieu, que l'adjectif ne soit pas joint au verbe qui a personne pour sujet ; car alors on seroit obligé de le mettre au féminin, quelque grand nombre de mots qu'il y cût entre le mot personne et cet adjectif; ainsi on diroit : Les personnes qui ont le cœur bon et les sentiments de l'ame élevés, sont ordinairement GÉNÉREUSES, et non pas, sont ordinairement GÉNÉREUX, quoique cet adjectif généreuses soit fort éloigné du substantif personne.

Mais Lévizac et M. Laveaux sont d'avis que c'est une chose contraire aux principes généraux de toutes les langues qu'un mot puisse être présenté dans la même phrase, sous deux genres différents : et l'un et l'autre sont d'avis que si l'usage avoit établi une exception pour le mot personne, la raison devroit l'abolir.

Personne, comme Pronom, est toujours pris dans un sens indéterminé; il s'emploie sans article ni aucun autre détermi= natif; il est toujours du masculin et du singulier, et soumet à la même forme les mots auxquels il se rapporte. - -On s'en sert avec ou sans négation.

Accompagné d'une négation exprimée par ne, ce mot rappelle le nemo des Latins, il signifie nul homme, nulle femme, qui que ce soit, comme dans ces exemples: PERSONNE ne sera assez HARDI. (L'Académie.) PERSONNE ne sait s'IL est digne d'amour ou de haine. ( Restaut. )— PERSONNE n'est aussi HEUREUX que vous. (Th. Corneille.) — Je n'ai vu PERSONNE de si VAIN que ces deux femmes. ( Girard.)

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(Les autorités ci-dessus et le Dictionnaire de l'Académie.)

1

Sans négation, personne s'emploie ordinairement dans les phrases qui expriment le doute, l'incertitude, ou qui sont interrogatives; et alors il signifie quelqu'un, comme dans ces exemples: Je doute que PERSONNE ait mieux peint ja nature dans son aimable simplicité, que le sensible Ges= 'ner. ner. PERSONNE a-t-il jamais raconté plus naïvement que La Fontaine? ( Restaut.) — Y a-t-il PERSONNE d'assez HARDI? (L'Académie. )

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Enfin, personne, Pronom, ne se dit point des animaux : Si la vieille araignée (dit Pluche, Spect. de la Nat., Entret. IV) ne peut trouver PERSONNE qui, de gré ou de force, lui aban= donne ses filets, il faut qu'elle périsse, faute de gagnepain; il falloit dire: ne trouve aucune araignée qui, etc. (Le Dict. crit. de Féraud.)

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Ce mot, des deux genres et des deux nombres, sert à dis= tinguer les personnes et les choses, et s'emploie avec l'article ou ses équivalents.

On le regarde comme Pronom, quand il n'est joint à aucun substantif, et qu'il n'est pas accompagné du pronom en : Un autre que moi ne vous parleroit pas avec autant de fran chise.

(Regnier Desmarais, page 311. le Dict. de l'Académie.)

Restaut, page 171, et

On le regarde comme adjectif, quand il est joint à un substantif, ou qu'il est précédé du pronom en, auquel il se rapporte comme à son substantif. Les anciens ne croyoient pas qu'il y eút un AUTRE monde. Le temple de Salomon ay ant été détruit, on EN rebátit un AUTRE par l'ordre de Cyrus. AUTRE temps, Autres mœurs.

(Restaut.)

Quelquefois autre a la même signification que l'adjectif

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