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Alors il y a une faute dans ces vers de Piron:

La Bretonne adorable a pris goût à mes vers;
Douze fois l'an, sa plume en instruit l'Univers :
Elle a, douze fois l'ap, réponse de la nôtre;

Et nous nous ençensons tous les mois l'un ET l'autre.
(La Métrom. act. II, sc. 8.)

car le sens indique une réciprocité de louanges, et alors il falloit dire: Et nous nous encensons tous les mois L'UN L'AUTRE.

Au contraire, l'un et l'autre étoit nécessaire dans ces vers de Gombaud :

Une fois l'an, il me vient voir;

Je lui rends le même devoir.

Nous sommes l'un et l'autre à plaindre:
Il se contraint pour me contraindre.

parce qu'ici il n'y a pas d'idée de réciprocité.

(M. Lemare, page 231, no 223.

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Domergue, page 247 de ses Solut. gramm. et M. Auger dans son Comment. sur Molière, le Festin de Pierre, act. V, sc. 6.)

L'un et l'autre, joint à un substantif, n'est plus pronom indéfini, mais adjectif; alors on écrit l'un et l'autre CREVAL. (Domergue.) L'un et l'autre CLIMAT, l'une et l'autre SAISON. (L'Académie, au mot un.) Le seul substantif reste au singulier, parce que la phrase est elliptique, c'est-à-dire, que les substantifs cheval, climat, saison, sont sous-entendus après l'un.

Nos meilleurs écrivains observent cette règle :

L'un et l'autre RIVAL, s'arrêtant au passage,

Se mesure des yeux, s'observe, s'envisage. (Boil., le Lutrin, ch. V.)

Déjà, par une porte au public moins connue,
L'un et l'autre CONSUL Vous avoient prévenue,

(Rac. Britann. act. I, sc. 2.)

Et l'un et l'autre CAMP, les voyant retirés.

(Le même, les Frères enn. act. III, sc. g.)

De pareilles frayeurs mon ame est alarmée.

Comme elle, je perdrai dans l'une et l'autre ARMÉE (*).
(Corneille, les Hor, act. I, sc. 3.).

L'un et l'autre CONSUL suivre ses étendards.

(Le même, Pompée, act. II, sc. 2.)

S'étant ensuite informé plus en détail de ce qui s'étoit passé dans l'une et l'autre ARmée (*).

(Voltaire, le Monde comme il va.)

Non, mais il faut savoir que tout cet artifice
Ne va directement qu'à vous rendre service;
Que ce conseil adroit, qui semble être sans fard,
Jette dans le panneau l'un et l'autre vieillard.

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(Molière, PÉtourdi, act. I, sc. 10.)

Pour la question de savoir si, après l'un et l'autre, l'un ou l'autre, ni l'un ni l'autre, le verbe qui accompagne chacune de ces expressions doit être mis au singulier ou au pluriel, nous remettons à en donner la solution lorsque nous parlerons de l'Accord du verbe avec son sujet.

S. 10.

TEL.

Tel, qui fait au féminin telle, est Pronom indéfini dans les phrases suivantes et autres semblables;

Tel donne à pleines mains qui n'oblige personne :
La façon de donner vaux mieux que ce qu'on donne.
(P. Corn., le Menteur, act. I, sc. 1.)

..Tel dans la faveur vous vient importuner,
Qui n'attend qu'un revers pour vous abandonner,
(Lagrange, tragédie d'Athénaïs.).

Tel repousse aujourd'hui la misère importune,

Qui tombera demain dans la même infortune.

(La Harpe, Philoctète, act. I, sc. 4.)

En ce sens tel tient la place du substantif homme, ou du

(*) Dans l'une et l'autre armée, au lieu de, dans l'une et dans l'autre armée, est contraire à ce que nous avons dit page 420.

Pronom celui; il ne şe dit que des personnes, et, ainsi employé sans substantif, il ne se met jamais au pluriel.

(Regnier Desmarais, page 281. page 393, t. 1.)

· Restaut, page 174.—Et Lévizac,

Dans les phrases suivantes, où, pour ne pas donner à en= tendre de qui l'on veut parler, on dit, par exemple: avezvous vu un TEL? tel est substantif.

Mais tel doit être considéré comme adjectif, lorsqu'il sert à marquer la comparaison d'une personne ou d'une chose à une autre, sans exprimer par lui-même sous quel rapport cette personne ou cette chose est comparée; comme quand on dit : L'homme craint de se voir TEL qu'il est, parce qu'il n'est pas TEL qu'il devroit étre.

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(Fléchier, Oraison fun. de M. de Montausier.)

C'étoit Vénus.

1

Telle qu'elle est, quand les cheveux épars

.elle attend le dieu Mars.

(Voltaire, ce qui plaît aux Dames, cònte.)

(Restaut, page 174. ➡ Lévizac', page 393, t. 1.)

Il en est de même lorsqu'il est joint à un nom: Il n'y a pas de TELS animaux. (L'Académie.)

Tel s'emploie en poésie, tant au commencement du pre= mier membre qui établit une comparaison, qu'au commen= cement de celui où elle est appliquée : TEL qu'un lion rugisşant met en fuite les bergers épouvantes, TEL Achille, etc, (Le Dict. de l'Académie.)

Telle qu'une bergère, au plus beau jour de fête,

De superbes rubis pe charge point sa tête;

Telle, aimable en son air, mais humble dans son style,

Doit éclater sans pompe une élégante idylle.

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(Boileau, Art poétique, chant II.)

Ce que nous disons, p. 429, sur l'emploi du Pronom quelque, est d'au= tant plus nécessaire à lire après cet article, que souvent on confond ces deux Pronoms.

ARTICLE VIII.

DES ADJECTIFS PRONOMINAUX INDÉFINIS.

Les Adjectifs pronominaux indéfinis sont chaque, quelconque, nul, aucun, pas un, même, plusieurs, tout, quel, et quelque.

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Chaque n'est proprement qu'un adjectif, qui sert à mare quer distribution ou partition entre plusieurs personnes ou plusieurs choses. Il est des deux genres, mais il n'est d'usage qu'au singulier, et il précède toujours le substantif, dont il ne peut être séparé par aucun adjectif ni préposition, comme on le pourra voir dans quelques-uns des exemples suivants :

Chaque âge a ses humeurs, son goût et ses plaisirs.

(Regnier, Satire V.)

Chaque âge a ses plaisirs : chaque état a ses charmes;
Le bien succède au mal, les ris suivent les larmes.
(Delille, trad. de l'Essai sur l'H.)

Chaque passion parle un différent langage.

(Regnier Desmarais, page 322.

page 207.)

(Boil. Art Poét. ch. III.)

Restaut, page 167. Et Wailly,

Chaque ne doit pas être confondu avec chacun ; et, en gé néral, chaque se met toujours avant et avec le substantif; c'est-à-dire avec le nom de la chose dont on parle, et il n'a point de pluriel: A CHAQUE jour suffit sa peine. (L'Académie,) CHAQUE áge a ses devoirs. (Rousseau, Émile, 1. V.) (Le Dictionnaire de l'Académie.)

Chacun, au contraire, s'emploie absolument et sans sub

stantif.

Chacun a son défaut où toujours il revient.

(La Fontaine, liv. III, fabl. 7.)

Chacun à son métier doit toujours s'attacher. (Le même, f. XC.)
CHACUN en parle, CHACUN en raisonne. (L'Académie.)
Chacun de l'équité ne fait pas son flambeau. ( Boil. sat. XI.)
soi-même est toujours indulgent. (Boil, sat. IV.)

...

. Chacun

pour

Enfin plusieurs disent : Le prix de ces objets est de six francs CHAQUE; c'est une faute, puisque, comme on vient de le voir, chaque doit toujours se mettre avant et avec son substantif.

Dès-lors l'abbé Guénée s'est exprimé incorrectement, lors= qu'il a dit en parlant de Salomon, qu'il avoit douze mille écuries, de dix chevaux CHAQUE; il devoit dire, de dix che (Le Dictionn, crit. de Féraud.)

vaux CHACUNE.

On trouvera, page 408 et suiv., tout ce qu'il est nécessaire de savoir sur le Pronom chacun.

S. 2.

QUELCONQUE.

Cet adjectif pronominal, employé avec une négation, est à-peu-près le synonyme de nul, aucun ; il sert également aux deux genres, mais alors, comme ces deux mots, il n'a pas de pluriel, et il a cela de particulier, qu'il se met toujours à la suite d'un substantif, soit en parlant des personnes, soit en parlant des choses: Il n'y a chose QUELCONQUE qui puisse l'y obliger. - Il ne lui est demeuré chose QUELCONQUE.

(Regnier Desmarais, page 316. —Et le Dictionnaire de l'Académie.) Employé sans négation dans le style didactique, il signifie quel qu'il soit, quelle qu'elle soit, et, dans ce cas, il a un pluriel: une ligne QUELCONQUE étant donnée, etc. Deux points QUELCONQUES étant donnés. (Mêmes autorités.)

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Regnier Desmarais et Restaut disent que ce mot est peu

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