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flexion que celle que produit l'accent oratoire. Il faut que le passage du grave à l'aigu, ou de l'aigu au grave, ne soit marqué que par des demi-tons, et très-souvent même par des quarts de ton. Rien ne choque comme d'entendre parcourir trois ou quatre tons de l'octave dans une même phrase; et c'est néanmoins ce qui est très-ordinaire, surtout dans les pays étrangers. Bien lire en françois et bien lire en anglois sont deux manières entièrement opposées ; et cette opposition tient à la différence de la nature de l'accent prosodique dans les deux langues.

La prononciation de la conversation diffère des deux autres en ce que la plupart des syllabes y paroissent brèves; mais, si l'on y fait attention, il est aisé de s'apercevoir que la quantité est observée par les personnes qui parlent bien. Cette prononciation n'a d'autre règle que le bon usage. On ne la saisira jamais, dans les pays étrangers, que par l'habi= tude de vivre avec des personnes bien élevées, ou par les soins d'un maître qui a vécu dans la bonne compagnie, et qui a cultivé son esprit et son langage. Mais, comme nous l'avons déjà dit, il faut éviter toute espèce d'affectation et de gêne, parce que, dit d'Olivet ( Traité de Prosodie, page 55), la prononciation de la conversation souffre une infinité d'hiatus, pourvu qu'ils ne soient pas trop rudes ; ils contribuent à donner au discours un air naturel; aussi la conversa= tion des personnes qui ont vécu dans le grand monde est-elle remplie d'hiatus volontaires qui sont tellement autorisés par l'usage, que si l'on parloit autrement, cela seroit d'un pédant. Parmi ces personnes, folâtrer et rire, aimer à jouer, se prononcent dans la conversation folatré et rire, aimé à joué.

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SECONDE PARTIE.

DES MOTS CONSIDÉRÉS COMME MOYENS DE RENDRE NOS
PENSÉES, DANS LA LANGUE PARLÉE ET DANS LA LANGUE
ÉCRITE.

ON
N peut définir les mots, des sons ou des signes distincts,
que les hommes ont adoptés pour rendre leurs pensées.

Dès-lors on ne peut bien comprendre les diverses significa= tions que renferment les mots, qu'on n'ait bien compris au= paravant ce qui se passe dans l'esprit, puisque les mots n'ont été inventés que pour communiquer les pensées.

Or il y a trois opérations de l'esprit : concevoir, juger, raisonner.

Concevoir n'est autre chose qu'un simple regard de l'esprit, soit sur des objets intellectuels, comme l'étre, la durée, la pensée, Dieu; soit sur des objets matériels, comme un cheval, un chien.

Juger, c'est affirmer qu'une chose que nous concevons est telle, ou n'est pas telle; comme lorsqu'après avoir conçu l'idée de la terre, et l'idée de la rondeur, j'affirme de la terre qu'elle est ronde.

Raisonner, c'est se servir de deux jugements pour en for= mer un troisième; comme, lorsqu'après avoir jugé que toute vertu est louable, et que la patience est une vertu, j'en con= clus que la patience est louable.

D'où l'on voit que la troisième opération de l'esprit (le raisonnement) n'est qu'une suite nécessaire de la concep= tion et du jugement; ainsi, il suffira, pour notre sujet, de considérer les deux premières opérations, ou l'influence de la première sur la seconde; car les hommes, tout en expri= mant ce qu'ils conçoivent, expriment presque toujours le jugement qu'ils portent de l'objet dont ils parlent.

Les deux choses les plus importantes pour le Grammai= rien, dans les opérations de l'esprit, sont donc l'objet de la pensée, et l'impression que cet objet laisse, puisque c'est de là que naît l'affirmation.

De ce principe lumineux, vrai fondement de la métaphysique du langage, et du besoin qu'ont éprouvé les hommes de créer des signes qui exprimassent tout ce qui se passe dans leur esprit, il résulte que la manière la plus naturelle de distinguer les mots, c'est de les diviser en deux classes; savoir les mots qui désignent les objets de nos pensées, et les mots qui peignent les différentes vues sous lesquelles nous les considérons.

La première espèce comprend donc les mots qu'on est convenu d'appeler substantifs et pronoms; et la seconde, l'article, l'adjectif, le verbe avec ses inflexions, la prépo= sition, l'adverbe, la conjonction, et l'interjection. Tous ces mots sont la suite nécessaire de la manière dont nous exprimons nos pensées, et servent à faire connoître l'en= chaînement des rapports qui existent entre elles.

(MM. de Port Royal, 2e partie, p. 60 et suiv.)

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Cette division est sans doute la plus philosophique; mais, commé les mots qui expriment l'objet de nos pensées et ceux qui en expriment la forme et la manière, se trouvent entremêlés dans nos discours, nous donnerons aux mots l'ordre que tous les Grammairiens ont adopté ; et en conséquence nous parlerons, 1°. du Substantif, 2o. de l'Article, 3o. de l'Adjectif, 4o. du Pronom, 5o. du Verbe, 6o. de la Préposi= tion, 7o. de l'Adverbe, 8°. de la Conjonction, 9o. de l'Interjection.

CHAPITRE PREMIER.

DU SUBSTANTIF.

LE Substantif est un mot qui, sans avoir besoin d'aucun autre mot, subsiste par lui-même dans le discours, et signi= fie quelque être ou réel, comme le soleil, la terre ; ou réalisé en quelque sorte par l'idée que nous nous en formons, comme l'abondance, la blancheur.

(D'Olivet, Essais de Gramm. pag. 127.)

On divise les Substantifs en Noms propres et en Noms com= muns, autrement dits appellatifs, à cause de l'appellation commune aux individus de toute une espèce.

Le Nom propre est le nom de famille, le nom qui distingue un homme des autres hommes, une ville des autres villes; enfin celui qui exprime une idée qui ne convient qu'à un seul étre ou à un seul objet : Corneille, Paris.

(Le Dict. de l'Académie.)

Le Nom commun ou appellatif est celui qui exprime une idée qui convient à toute une classe d'objets homme, ar= bre, oiseau. (L'Académie, au mot Appellatif.)

Parmi les Noms communs ou appellatifs, on doit distinguer les Noms collectifs, à cause des lois particulières que quelquesuns d'entre eux suivent dans le discours.

Les Grammairiens les ont nommés Substantifs collectifs, parce que, quoique au Singulier, ils présentent à l'esprit l'idée de plusieurs personnes, ou de plusieurs choses; on en distingue deux sortes : les collectifs partitifs et les collectifs généraux.

Les noms collectifs partitifs, composés de plusieurs mots, marquent une partie des choses ou des personnes dont on parle; ils expriment une quantité vague et indéterminée, et

sont ordinairement précédés de un, une; comme dans ces phrases: une foule de soldats, une quantité de volumes.

Les Noms collectifs généraux marquent la totalité des personnes ou des choses dont on parle, ou bien un nombre déterminé de ces mêmes choses ou personnes; ces sortes de collectifs sont toujours précédés des déterminatifs le, la, les, ce, cette, mon, ton, notre, vos : le nombre des victoires, la totalité des François, la moitié des arbres, cette sorte de poires, la foule des soldats.

Voyez leur syntaxe à l'Accord du verbe avec le sujet.

Il y a deux choses à considérer dans les Substantifs : le genre et le nombre.

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Les hommes, ayant remarqué dans l'espèce humaine une différence sensible, qui est celle des deux sexes, ont jugé à propos d'admettre deux Genres dans les Noms Substantifs, le masculin et le féminin : le masculin appartient aux hommes et aux animaux mâles, et le féminin aux femmes et aux animaux femelles.

Quelquefois ils ont donné des noms différents aux mâles et aux femelles, comme l'homme et la femme; le bélier et la brebis ; le sanglier et la laie; le bouc et la chèvre; le tau= reau et la vache; le lièvre et la hase; le cerf et la biche; le jars et l'oie, etc.

D'autres fois ils se sont contentés de les distinguer en leur donnant une terminaison différente, comme tigre, tigresse; ours, ourse; loup, louve; lapin, lapine; canard, cane; renard, renarde; daim, daine; chevreuil, chevrelle ou chevrette; paon, paone; faisan, faisanne.

Souvent aussi ils se sont servis du même mot, soit masc. soit fém., pour exprimer le mâle et la femelle, comme le corbeau; le crapaud; l'écureuil; le perroquet; le renne; le re= quin; le sarigue; le rhinocéros ; le taon.

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