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PRÉLIMINAIRE.

A.

U MILIEU d'un amas nombreux de Codes de toute espèce, qui nous ont été fournis depuis près de trente ans, les yeux cherchent vainement le Code rural, signalé par toutes les assemblées politiques comme un Code de première nécessité, provoqué par tous les départemens, et néanmoins toujours ajourné avec persévérance, et qui peut-être le sera encore long-temps.

Quelles sont les causes de ce retard? C'est qu'un Code rural porte avec lui un obstacle interne qui s'oppose à son émission, ou au moins qui la reportè à un temps éloigné.

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S'il ne falloit que de l'esprit et de l'ima gination pour faire un BON Code rural, il y a long-temps que la France en jouiroit; car ces matériaux ne manquent pas en France. Il en seroit de même, s'il suffisoit du secours du bon sens, du savoir, de l'érudition et de

l'expérience; mais il faut d'autres moyens pour la confection d'un Code rural.

Un Code rural n'est point un ouvrage d'invention; l'imagination n'y entre pour rien. Il n'admet pas d'hypothèses hasardées ni de conceptions systématiques; il faut des données positives, certaines, fortifiées par une longue expérience.

La différence est grande entre la composition d'un Code rural et celle de tous autres Codes.

Ceux-ci étant assujettis aux institutions po litiques, doivent suivre leurs mouvemens et changer avec elles. Le Code civil, pénal ou administratif d'un siècle, ne seroit pas celui du siècle suivant.

Que sont devenus nos dispositions coutumières, les retraits, les substitutions, les lois canoniques et féodales, et nos anciennes lois criminelles ?

Toutes ces institutions, jadis si respectées, sont tombées comme l'épi sous la faux du moissonneur.

Mais il n'en est pas ainsi de la législation

rurale, qui ne se prête pas à là versatilité de l'esprit humain.

Elle s'exerce sur une matière invariable, telle que les eaux, les bois, les moissons, les mines, et tout ce que la terre porte dans

son sein ou à sa surface.

Ces productions sont asservies à des travaux déterminés par l'ordre immuable des saisons et l'empire des localités.

Il n'y a pas moyen de rien changer à tout cela l'esprit d'innovation vient échouer contre l'immobilité de la nature; et la terre se joue des révolutions politiques.

que

dans

Un Code rural ne seroit à faire un pays tout récemment habité et civilisé. Mais chez une vieille nation, qui a toujours tenu l'agriculture en honneur, la législation rurale doit être faite depuis long-temps.

A compter de Charlemagne jusqu'aujourd'hui (1823), plus de mille ans se sont écoulés durant lesquels tous les besoins de l'agriculture, tous les modes de travaux et d'exploitation de divers genres, ont été épuisés, et passés pour ainsi dire au tamis, de manière à ne laisser faire à la génération présente que quelques

légers changemens, appropriés à l'ordre actuel du gouvernement.

La matière ne manque pas; il ne manque que sa distribution.

Le Code rural qu'on attend ne peut donc être autre chose que la recherche et la réunion de tous les fragmens qui existent déjà sur la ruralité ; le travail du gouvernement sera, non d'inventer des lois, mais bien de les reproduire dans un ordre accessible à l'intelligence la plus bornée et à l'esprit le plus paresseux ; et son travail sera d'autant plus parfait, qu'il aura mieux exécuté cet arrangement.

Mais où aller chercher toutes ces dispositions? comment les recueillir assez exactement pour n'en rien laisser échapper ? voilà quelle est la première difficulté.

Entendez bien qu'il n'est pas ici question d'aller à la quête des lois publiées avec le caractère ostensible des lois rurales, pour en faire une collection par ordre de dates ou de matières. Ce seroit là un travail purement mécanique, dont le moindre commis viendroit à bout avec des catalogues et quelque patience.

Cette réunion est une affaire d'une autre

importance; car il ne faut pas croire que toute la législation rurale se trouve dans les lois spécialement destinées à cet objet.

Au contraire, les quatre cinquièmes sont recelés dans d'autres lois qui n'annoncent rien de rural, et qui même en écartent l'idée ; telles que l'Ordonnance de la marine, les lois et règlemens militaires, le Code civil, le Code pénal, le Code de procédure, eta

Il faut donc, pour effectuer cette collection, s'enfoncer dans la lecture d'une immensité de lois, à l'effet d'en extraire les disposi tions qui peuvent offrir un rapport plus ou moins éloigné avec la législation rurale.

Après ce travail, il en reste un autre d'une nature plus relevée ; c'est d'établir des divisions et des subdivisions, destinées à servir de cadre et d'encaissement à ces mil liers d'articles tenus en dépôt, et qui attendent leur place.

Mais quelle sera cette division ? quel PLAN adoptera-t-on pour trouver la plus parfaite, et lui donner la préférence sur les autres ? Ce sera sans contredit celle qui embrassera la matière de la législation rurale dans son

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