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que instant un grand intérêt, tantôt à raison de leur disette, tantôt par leur affluence.

Placé entre les dangers de la sécheresse et ceux de l'inondation, il n'y a qu'un heureux équilibre qui puisse rassurer le cultivateur; et dans ce cas, l'art est souvent obligé de venir au secours de la nature.

L'embarras s'accroît encore par la malveillance des cultivateurs voisins, qui se trouvent en opposition d'intérêt sur l'écoulement ou la distribution des eaux, matière intarissable d'altercations journalières.

Une législation particulière et spéciale a donc été, de tout temps, nécessaire pour ramener la paix et la prospérité des campagnes, en conciliant, autant que possible, l'intérêt de l'agriculture avec le respect dû à la propriété.

Ce sont ces principes qui vont être exposés. Les eaux peuvent se trouver dans un fonds rural, à raison de trois causes différentes, qui. constituent autant d'espèces.

1o. Les eaux natives.

2o. Les eaux industrielles.

3o. Les eaux de passage, ou de seconde main.

CHAPITRE PREMIER.

Des Eaux natives.

On entend sous le nom d'eau native, celle qui naît dans le fonds du propriétaire, sans rien emprunter des propriétés voisines.

Étant un produit du fonds, elle s'incorpore avec la propriété dont elle est une portion; et c'est sous le rapport de propriété qu'il faut considérer les droits du propriétaire du fonds. Portio agri videtur aqua viva. (L. m, ff. quod vi "aut clam.)

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I. Le propriétaire du fonds peut disposer à son gré de l'eau native, et lui assigner sur son 'propre fonds tel cours qui lui conviendra.

II. Il lui est libre d'en user à son gré; il peut la fixer et la retenir dans des bassins, des citernes, des réservoirs, et la faire disparoître par des voies souterraines, sans être tenu de rendre compte aux propriétaires voisins de l'usage qu'il en fait, à moins qu'il ne se trouve quelque propriétaire du fonds inférieur qui ait acquis le droit de le gêner dans l'exercice de cette extrême liberté. (Traité du Voisinage, tom. I.)

« Celui qui a une source dans son fonds peut en >> user à sa volonté, sauf le droit que le propriétaire >> inférieur pourroit avoir acquis par titre ou par pres»cription.» (Coile civil, art. 641.)

III. Le propriétaire de la source peut égaloment détourner le cours de ses eaux, couper les veines de la source, même au préjudice des héritages voisins qui auroient la possession temporaire, mais insuffisante pour opérer la prescription.

Si in meo fundo aqua erumpat quæ ex tuo venas habet, si eas venas incideris et ob id desierit aqua ad me pervenire, tu non videris vi fecisse, si nulla servitus mihi eo nomine debita sit. (L. 11, ff. lib. XXXIX tit. II)

IV. Le propriétaire inférieur n'a pas d'action contre le propriétaire supérieur, à raison du préjudice qui résulte de la privation des eaux, parce que cette disposition, en blessant les in→ térêts de celui-ci, ne blesse pas ses droits (deux choses tout-à-fait différentes), et parce qu'on ne peut faire à personne un reproche de ce qu'il use de son droit.

Neque enim existimari oportet mihi vitio damnum tibi dari, in ea re in qua jure meo usus sum. ( L. 1. § 11, ff. de aqu. et aquar. arcend.)

V.Le propriétaire de la source peut, non-seu lement la diriger comme il le juge à propos sur son propre fonds; mais il peut encore en dispo ser à son gré en faveur d'un fonds voisin, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, et par aliénation à prix d'argent.

VI. Mais cette faculté de disposer des eaux natives est susceptible de deux exceptions.

D'abord, pour le cas où ces eaux sont destinées à un usage public, au sortir du fonds supérieur, parce que l'intérêt de l'ordre social fait fléchir, en certains cas, la rigueur du droit de propriété.

VII. Le second cas d'exception est celui où le propriétaire de la source retiendroit ou intercepteroit le cours d'eau, sans aucun intérêt pour lui, mais par caprice, malice, vengeance, ou autre motif de malveillance.

Neque enim malitiis indulgendum est. (L. xxxvIII, ff. de re vindicat. )

Si non animo nocendi id fecit. (L. 1. § 11, ff. de agu. arcend.)

Arrêts de Boniface, tom. IV, liv. 1x, tit. 11.
Copola. part. II, cap. IV.

VIII. Une commune, privée d'eaux pour les besoins de son territoire, peut provoquer, contre un propriétaire de source, la cession forcée d'une partie du cours d'eau, qui ne seroit d'aucune utilité à la culture de son fonds, en donnant une indemnité à dire d'experts.

« Le propriétaire de la source ne peut en chan» ger le cours, lorsqu'il fournit aux habitans d'une >> commune, village ou hameau, l'eau qui leur est » nécessaire. Mais si les habitans n'en ont pas acquis » ou prescrit l'usage, le propriétaire peut réclamer » une indemnité, laquelle est réglée par experts. » (Code civil, art. 643.)

Mais un simple particulier ne peut pas former la même prétention, en son propre et privé nom, parce que, vis-à-vis de lui, on ne retrouve pas cette considération d'utilité publique, seul motif qui puisse autoriser une atteinte à la propriété.

« Nul ne peut être contraint de céder sa pro» priété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et » moyennant une juste et préalable indeninité. » (Code civil, art. 545.)

IX. La jouissance des eaux provenant d'un fonds supérieur, n'est pas susceptible de prescription en faveur du fonds inférieur, même à la suite d'une possession immémoriale.

Cet écoulement étant le résultat nécessaire de la situation locale, qui établissoit une servitude naturelle sur l'héritage inférieur, on ne peut pas se faire un titre de sa propre servitude.

X. Néanmoins, la prescription peut s'acquérir par une jouissance paisible de TRENTE ANŚ,

si la jouissance a été précédée d'une contradiction de la part du propriétaire inférieur, qui auroit judiciairement contesté au propriétaire supérieur le droit d'intercepter le cours d'eau.

Le silence du propriétaire supérieur, et sa tolérance, depuis cette contradiction et pendant un aussi long délai, ont la force d'un titre recognitif du droit de l'inférieur.

XI. Cette contradiction s'établit, soit par des actes de procédure antérieurs aux trente années (nécessaires à la prescription), soit par des ouvrages extérieurs, qui forment une attestation permanente du droit de l'inférieur.

Mais il faut que ces travaux soient visibles, de manière que le propriétaire du fonds supérieur n'ait pas pu se méprendre sur la prétention du propriétaire inférieur.

« Celui qui a une source dans son fonds peut en » user à sa volonté, sauf le droit que le propriétaire » du fonds inférieur pourroit avoir acquis par titre » ou par prescription. » (Code civil, art. 641.)

« La prescription, dans ce cas, ne peut s'acquérir » que par une jouissance non interrompue pendant » l'espace de trente années, à compter du moment où » le propriétaire du fonds inférieur a fait et terniiné » des ouvrages apparens destinés à faciliter la chute >> et le cours de l'eau dans sa propriété. » (Ibid. art. 642.)

XII. Par la désignation d'ouvrages apparens, destinés à faciliter la chute et le cours de l'eau sur le fonds inférieur, il faut entendre les ouvrages établis sur le fonds su périeur, et qui n'ont pu avoir été faits qu'au su et de l'aveu du propriétaire.

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