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On est donc tenté, dès le premier pas, de critiquer cet ordre naturel, qui fait la base de l'ouvrage.

Non, sans doute, l'acquisition des biens ruraux n'offre aucune différence de celle des biens de ville, pour ce qui touche la matérialité de l'acquisition.

Ainsi, par exemple, l'acquisition des biens ruraux et celle des biens de ville ont cela de commun, qu'elles exigent toutes les deux des actes notariés ou sous seing privé; qu'elles en trainent toutes les deux la formalité de l'enregistrement, la transcription, la notification aux créanciers inscrits, la surenchère, etc.

Elles ont encore cela de commun, qu'elles s'effectuent par la vente, l'échange, les liquidations et partages, etc., etc.

Mais il y a un autre rapport sous lequel l'acquisition des biens ruraux s'éloigne de celle des biens de ville, par un mode qui lui est propre exclusivement; cette différence s'étend même en quelque sorte jusque sur la rédaction et le style de l'acte translatif de priété.

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En effet, n'est-ce pas une loi rurale, que celle

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qui, ayant introduit une nouvelle mesure de la superficie agraire, défend aux notaires et officiers publics d'user d'une autre nomenalature dans leurs actes?

N'est-pas une loi rurale, que l'arrêté du 13 brumaire an 9, qui, pour faciliter l'exécution du nouveau système sur les mesures agraires, permet aux notaires et autres officiers publics de traduire la nomenclature nouvelle par les noms françois des anciennes mesures? Or, ces dispositions ne sont-elles pas intimement liées au mode d'acquérir les biens

ruraux.

Allons un peu plus loin sur cette matière.

Ne sont-ce pas des lois rurales sur la manière d'acquérir, que les dispositions qui règlent les droits respectifs des vendeurs et acquéreurs des biens ruraux, relativement à la déclaration des mesures ?

Exemple. En vous vendant une partie de terres ou de bois, je les ai déclarés d'une contenance de 300 hectares.

Vérification de la mesure (après le contrat et avant le paiement du prix), il se trouve un déficit de 14 hectares.

Quel droit aurez-vous à raison de ce déficit? L'expression que j'ai faite de cette mesure ne donne-t-elle pas lieu à un supplément de prix ? Non.

Parce qu'en matière de biens ruraux, le déficit de mesure n'ouvre une action en supplément de prix, qu'autant qu'il excède d'un vingtième la quantité déclarée dans l'acte de vente. Or, 14 hectares de moins sur une quantité de 300, ne donnant pas le vingtième en déficit, il se trouve que je ne suis tenu à aucune indemnité.

Mais si mon acte de vente, en indiquant 300 hectares, avoit déterminé le prix à raison de 2000 francs l'hectare, alors je serois tenu, ou de parfaire le déficit, ou ( si la chose n'est pas possible) de souffrir sur le prix une diminution proportionnelle. ( Article 1617 ). N'est-ce pas là une disposition sur la manière d'acquérir les biens ruraux ?

A présent, prenons le cas inverse, c'est-àdire, le cas où l'acquéreur a reçu un excédant de mesure sur celle qui lui a été déclarée : quels sont les droits du vendeur au sujet de cet excédant? peut-il forcer l'acquéreur de le lui payer?

Il faut distinguer :

Si l'acte de vente ne stipule pas le prix à tant la mesure, l'EXCÉDÁNT tourne au profit de l'acquéreur, qui n'en paye pas une obole de plus, car, puisque la perte eût été sur son compte en pareil cas, de même il profite de l'excédant : mais comme il n'eût supporté le déficit que jusqu'à la concurrence d'un vingtième de la quotité déclarée, tout de même encore, il ne profitera de l'excédant que jusqu'à concurrence du vingtième de la quotité déclarée. ( Code civil, art. 1618. )

Mais si la vente a été faite à tant la mesure, l'acquéreur est tenu de faire raison de l'excédant, suivant le prix indiqué par l'acte, sans la moindre diminution: voilà bien encore de la législation rurale.

Si le même acquéreur, à qui l'on demande un supplément du prix, vous répond : « Qu'ayant acheté sur la foi, d'une mesure » déclarée, il n'a pas entendu se grever d'une >> plus forte obligation, et que l'erreur de la » mesure étant le fait du vendeur, elle ne >> peut pas l'engager à une plus forte dépense » que celle qu'il avoit réglée. »

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Dans ce cas, la loi vient à son secours en lui laissant le choix, ou de se désister du contrat, ou de fournir le supplément de prix avec les intérêts. (Art. 1620.)

Dans tous les cas où l'acquéreur se désiste du contrat, le vendeur est tenu de lui restituer ce qu'il a reçu du prix, et les frais du contrat.'(Art. 1621.)

Enfin, l'action en supplément de prix de la part du vendeur, et celle en diminution de prix ou en résiliation du contrat de la part de l'acquéreur, doivent être formées dans l'année, à compter du jour du contrat, à peine de déchéance. (Art. 1622.)

Assurément voilà des dispositions frappées du caractère de ruralité, puisqu'elles sont exclusivement réservées à la manière d'acquérir les biens ruraux ; car rien de ce qu'elles prononcent ne peut convenir à l'acquisition des biens de ville.

De là résultent deux conséquences d'abord, que les dispositions les plus importantes, en matière de législation rurale, peuvent se réfugiér dans les lois étrangères à la ruralité, auxquelles il faut les emprunter.

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