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point été données pour entendre; mais que la déclinaifon des atomes ayant fortuitement compofé des oreilles, alors les hommes s'en font fervis fortuitement pour écouter : cette démence qu'on appellait phyfique, a été traitée de ridicule à très-jufte titre.

tems;

Les vrais philofophes ont donc diftingué depuis long-tems ce qu'Epicure & Lucrèce ont de bon d'avec leurs chimères fondées fur l'imagination & l'ignorance. Les efprits plus foumis ont adopté la création dans le tems, & les plus hardis ont admis la création de tout les uns ont reçu avec foi un univers tiré du néant; les autres, ne pouvant comprendre cette phyfique, ont cru que tous les êtres étaient des émanations du grand être, de l'être fuprême & univerfel; mais tous ont rejetté le concours fortuit des atomés ont reconnu que le hafard eft un mot vide de fens. Ce que nous appellons hafard n'eft, & ne peut être que la caufe ignorée d'un effet connu. Comment donc fe peut-il faire qu'on accufe encor les philofophès de penfer, que l'arrangement prodigieux & ineffable de cet univers foit une production du concours fortuit dess atomes, un effet du hafard? ni Spinofa, ni personne n'a dit cette abfurdité.

tous

Cependant le fils du grand Racine dit, dans for poëme de la religion.

O toi qui follement fais ton Dieu du hafard
Viens me développer ce nid qu'avec tant d'art,
A l'aide de fon bec maçonne l'hirondelle.
Comment, pour élever ce hardi bâtiment ?
A-t-elle en le broyant arrondi fon ciment?

Ces vers font affurement en pure perte; perfonne ne fait fon dieu du hafard, perfonne n'a dit qu'une hirondelle en broyant, en arrondiffant fon ciment ait. Queft. fur l'Encycl. Tom. II.

K

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élevé fon hardi bátiment par hafard. On dit au contraire qu'elle fait fon nid par les loix de la néceffité qui eft l'oppofé du hafard. Le poëte Rouffeau tombe dans le même défaut dans une épître à ce même Racine.

De là font nés Epicures nouveaux,
Ces plans fameux, ces fyftêmes fi beaux,
Qui dirigeant fur votre prud'hommie
Du monde entier toute l'économie,
Vous ont appris que ce grand univers
N'eft compofé que d'un concours divers
De corps muets, d'infenfibles atomes,

Qui par
leur choc forment tous ces fantômes
Que détermine & conduit le hafard;

Sans que le ciel y prenne aucune part.

Où ce verfificateur a-t-il trouvé ces plans fameux d'Epicures nouveaux, qui dirigent fur leur prud'hommie du monde entier toute l'économie? Où a-t-il vu que ce grand univers eft compofé d'un concours divers de corps muets tandis qu'il y en a tant qui retentiffent & qui ont de la voix ? Où a-t-il vu ces infenfibles atomes qui forment des fantômes conduits par le hafard? C'est ne connaître ni fon fiècle, ni la philofophie, ni la poéfie, ni fa langue, que de s'exprimer ainfi. Voilà un plaifant philofophe! l'auteur des épigrammes fur la fodomie & la beftialité devait-il écrire fi magiftralement & fi mal fur des matières qu'il n'entendait point du tout, & accufer des philofophes d'un libertinage d'efprit qu'ils n'avaient point?

Je reviens aux atomes : la feule queftion qu'on agite aujourd'hui confifte à favoir fi l'auteur de la nature a formé des parties primordiales, incapables d'être divifées pour fervir d'élémens inaltérables; ou fi tout se

divife continuellement & fe change en d'autres élémens. Le premier fyftême femble rendre raifon de tout; & le fecond de rien, du moins jufqu'à préfent.

Si les premiers élémens des chofes n'étaient pas indeftructibles, il pourrait fe trouver à la fin qu'un élément dévorât tous les autres, & les changeât en fa propre fubftance. C'eft probablement ce qui fit imaginer à Empedocle que tout venait du feu ; & que tout ferait détruit par le feu,

On fait que Robert Boyle à qui la phyfique eut tant d'obligations dans le fiècle paffé, fut trompé par la faufle expérience d'un chymifte qui lui fit croire qu'il avait changé de l'eau en terre. Il n'en était rien. Boerhaave depuis découvrit l'erreur par des expériences mieux faites; mais avant qu'il l'eût découverte, Newton abusé par Boyle comme Boyle l'avait été par fon chymifte, avait déjà penfé que les élémens pouvaient fe changer les uns dans les autres: & c'est ce qui lui fit croire que le globe perdait toujours un peu de fon humidité, & faifait des progrès en féchereffe; qu'ainfi DIEU ferait un jour obligé de remettre la main à fon ouvrage, manum emendatricem defideraret.

Leibnitz fe récria beaucoup contre cette idée, & probablement il eut raifon cette fois contre Newton. Mundum tradidit difputationi eorum.

Mais malgré cette idée que l'eau peut devenir terre, Newton croyait aux atomes infécables, indeftructibles, ainfi que Gaffendi & Boherhaave, ce qui paraît d'abord difficile à concilier; car fi l'eau s'était changée en terre, fes élémens fe feraient divifés & perdus.

Cette queftion rentre dans cette autre queftion fameufe de la matière divisible à l'infini. Le mot d'atome fignifie non partagé, fans parties. Vous le divifez par la pensée; car fi vous le divifiez réellement, il ne ferait plus atome.

Vous pouvez divifer un grain d'or en dix-huit

millions de parties vifibles; un grain de cuivre diffous dans l'efprit de fel ammoniac, a montré aux yeux plus de vingt-deux millards de parties; mais quand vous êtes arrivé au dernier élément, l'atome échappe au microscope, vous ne divifez plus que par imagination.

Il en eft de l'atome divisible à l'infini comme de quelques propofitions de géométrie. Vous pouvez faire paffer une infinité de courbes entre le cercle & fa tangente; oui, dans la fuppofition que ce cercle & cette tangente font des lignes fans largeur, mais il n'y en a point dans la nature.

Vous établiffez de même que des afymptotes s'approcheront fans jamais fe toucher; mais c'est dans la fuppofition que ces lignes font des longueurs fans largeur,

des êtres de raison.

Ainfi vous repréfentez l'unité par une ligne, enfuite vous divifez cette unité & cette ligne en tant de fractions qu'il vous plaît; mais cette infinité de fractions ne fera jamais que votre unité & votre ligne.

Il n'est pas démontré en rigueur que l'atome foit indivifible; mais il paraît prouvé qu'il eft indivifé par les loix de la nature.

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A VARICE.

VARITIES, amor habendi, desir d'avoir, avidité,

convoitife.

A proprement parler, l'avarice eft le defir d'accumuler foit en grains, foit en meubles, ou en fonds, ou en curiofités. Il y avait des avares avant qu'on eût inventé la monnoie.

Nous n'appellons point avare un homme qui a vingt quatre chevaux de carroffe, & qui n'en prêtera

pas deux à son ami; ou bien qui ayant deux mille bouteilles de vin de Bourgogne deftinées pour fa table, ne vous en enverra pas une demi-douzaine quand il faura que vous en manquez. S'il vous montre pour cent mille écus de diamans, vous ne vous aviez pas d'exiger qu'il vous en présente un de cinquante louis; vous le regardez comme un homme fort magnifique, & point du tout comme un avare.

Celui qui dans les finances, dans les fournitures des armées, dans les grandes entreprises gagne deux millions chaque année, & qui fe trouvant enfin riche de quarante-trois millions fans compter fes maifons de Paris & fon mobilier, dépenfa pour fa table cinquante mille écus par année, & prêta quelquefois à des feigneurs de l'argent à cinq pour cent, ne passa point dans l'efprit du peuple pour un avare. Il avait cependant brûlé toute fa vie de la foif d'avoir. Le démon de la convoitife l'avait perpétuellement tourmenté. Il accumula jufqu'au dernier jour de fa vie. Cette paffion toujours fatisfaite ne s'appelle jamais avarice. Il ne dépenfait pas la vingtième partie de fon revenu & il avait la réputation d'un homme généreux qui avait trop de faste.

Un père de famille qui ayant vingt mille livres de rente n'en dépenfera que cinq ou fix, & qui accumulera fes épargnes pour établir fes enfans, est réputé par fes voifins avaricieux, pince-maille, ladre verd, vilain, feffe-Matthieu, gagne denier, grippe-fou, cancre; on lui donne tous les noms injurieux dont on peut s'avifer.

Cependant, ce bon bourgeois eft beaucoup plus honorable que le créfus dont je viens de parler, il dépenfe cinq fois plus à proportion. Mais voici la raifon qui établit entre leurs réputations une fi grande différence.

Les hommes ne haïffent celui qu'ils appellent

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