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A VIGNON.

VIGNON & fon comtat font des monumens de ce que peuvent à la fois l'abus de la religion, l'ambition, la fourberie & le fanatifme. Ce petit pays, après mille viciffitudes, avoit paffé au douzième siècle dans la maifon des comtes de Toulouse, defcendans de Charlemagne par les femmes.

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Raimond VI. comte de Toulouse, dont les aïeux avaient été les principaux héros des croifades fut dépouillé de fes états par une croifade que les papes fufcitèrent contre lui. La caufe de la croifade était l'envie d'avoir fes dépouilles le prétexte était, que dans plufieurs de fes villes, les citoyens pensaient à-peu-près comme on penfe depuis plus de deux cents ans en Angleterre, en Suède, en Dannemarck, dans les trois quarts de la Suiffe, en Hollande, & dans la moitié de l'Allemagne.

Ce n'était pas une raifon pour donner au nom de DIEU les états du comte de Toulouse au premier occupant, & pour aller égorger & brûler fes fujets un crucifix à la main, & une croix blanche fur l'épaule. Tout ce qu'on nous raconte des peuples les plus fauvages n'approche pas des barbaries commifes dans cette guerre, appellée fainte. L'atrocité ridicule de quelques cérémonies religieufes accompagna toujours les excès de ces horreurs. On fait que Raimond VI. fut traîné à une église de faint Giles devant un légat nommé Milon, nud jufqu'à la ceinture, fans bas & fans fandales, ayant une corde au cou, laquelle était tirée par un diacre, tandis qu'un fecond diacre le fouettait, qu'un troisième diacre chantait un miferere avec des moines, & que le légat était à dîner.

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Telle eft la première origine du droit des papes fur Avignon.

Le comte Raimond, qui s'était foumis à être fouetté pour conferver fes états, fubit cette ignominie en pure perte. il lui fallut défendre par les armes ce qu'il avait cru conferver par une poignée de verges; il vit fes villes en cendre, & mourut en 1213 dans les viciffitudes de la plus fanglante guerre.

Son fils Paimond Vil, n'était pas Toupçonné d'héréfie comme le père; mais étant fils d'un hérétique il devait être dépouillé de tous fes biens en vertu des décrétales, c'était la loi. La croifade fubfifta donc contre lui. On l'excommuniait dans les églifes les dimanches & les jours de fêtes au fon des cloches, & à cierges éteints.

Un légat qui était en France dans la minorité de faint Louis, y levait des décimes pour foutenir cette guerre en Languedoc & en Provence. Raimond fe défendait avec courage, mais les têtes de l'hydre du fanatifme renaiffaient à tout moment pour le dévorer. Enfin le pape fit la paix, parce que tout fon argent fe dépenfait à la guerre.

Raimond VII. vint figner le traité devant le portail de la cathédrale de Paris. Il fut forcé de payer dix mille marcs d'argent au légat, deux mille à l'abbaye de Citeaux, cinq cents à l'abbaye de Clervaux, mille à celle de Grand-Selve, trois cents à celle de Belleperche, le tout pour le falut de fon ame comme il eft fpécifié dans le traité. C'était ainsi que l'églife négociait toujours.

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il est très-remarquable que dans l'inftrument de cette paix, le comte de Toulouse met toujours le légat avant le roi, « Je jure & promets au légat & au roi d'obfer» ver de bonne foi toutes ces chofes, & de les faire » obferver par mes vaffaux & fujets, &c. »

Ce n'était pas tout, il céda au pape Grégoire IX. le comtat Venaissin au-delà du Rhône, & la fuzeraineté de

foixante & treize châteaux en-deçà. Le pape s'adjugea cette amende par un acte particulier, ne voulant pas que dans un inftrument public l'aveu d'avoir exterminé tant de chrétiens, pour ravir le bien d'autrui, parût avec trop d'eclat. Il exigeait d'ailleurs ce que Raimond ne pouvait lui donner fans le confentement de l'empereur Fréderic II. Les terres du comte à la gauche du Rhône étaient un fief impérial. Fréderic II. ne ratifia jamais cette extorfion.

Alphonfe, frère de faint Louis, ayant épousé la fille de ce malheureux prince, & n'en ayant point 'eu d'enfans, tous les états de Raimond VII en Languedoc furent réunis à la couronne de France, ainfi qu il avait été ftipulé par le contrat de mariage.

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Le comtat Venaiffin, qui eft dans la Provence, avait été rendu avec magnanimité par l'empereur Fré deric II. au comte de Toulouse. Sa fille Jeanne, avant de mourir, en avait difpofé par fon teftament en faveur de Charles d'Anjou comte de Provence & roi de Naples.

Philippe le hardi, fils de faint Louis, preffé par le pape Grégoire X, donna le Venaiffin à l'églife romaine en 1274. Il faut avouer que Philippe le hardi donna't ce qui ne lui appartenait point du tout; que cette ceffion était abfolument nulle, & que jamais acte ne fut plus contre toutes les loix.

Il en eft de même de la ville d'Avignon. Jeanne de France reine de Naples, defcendante du frère de faint Louis, accufée avec trop de vraisemblance d'avoir empoisonné fon mari, voulut avoir la protection du pape Clément VI, qui fiégeait alors dans la ville d'Avignon, domaine de Jeanne. Elle était comteffe de Provence. Les Provençaux lui firent jurer en 1347, fur les évangiles, qu'elle ne vendrait aucune de fes fouverainetés. A peine eut-elle fait fon ferment qu'elle alla vendre Avignon au pape. L'acte authentique ne fut figné que

le 12 juin 1348; on y ftipula pour prix de la vente la fomme de quatre vingt mille florins d'or. Le pape la déclara innocente du meurtre de fon mari, mais il ne la paya point. On n'a jamais produit la quittance de Jeanne. Elle réclama quatre fois juridiquement contre cette vente illufoire.

Ainfi donc, Avignon & le comtat ne furent jamais réputés démembrés de la Provence que par une rapine d'autant plus manifefte, qu'on avait voulu la couvrir du voile de la religion.

Lorfque Louis XI. acquit la Provence, il l'acquit avec tous fes droits, & voulut les faire valoir en 1464, comme on le voit par une lettre de Jean de Foix à ce monarque. Mais les intrigues de la cour de Rome eurent toujours tant de pouvoir, que les rois de France condefcendirent à la laiffer jouir de cette petite province. Ils ne reconnurent jamais dans les papes une poffeffion légitime, mais une fimple jouiffance.

Dans le traité de Pife, fait par Louis XIV en 1664 avec Alexandre VII, il eft dit, qu'on lèvera tous les obftacles, afin que le pape puiffe jouir d'Avignon comme' auparavant. Le pape n'eut donc cette province que comme des cardinaux ont des penfions du roi, & ces pensions font amovibles.

Avignon & le comtat furent toujours un embarras pour le gouvernement de France. Ce petit pays était le refuge de tous les banqueroutiers & de tous les contrebandiers, Par-là il caufait de grandes pertes; & le pape n'en profitait guère.

Louis XIV. rentra deux fois dans fes droits ; mais pour châtier le pape plus que pour réunir Avignon & le comtat à fa couronne.

Enfin Louis XV a fait juftice à fa dignité & à fes fujets, La conduite indécente & groffière du pape Rezzonico, Clément XIII, l'a forcé de faire revivre les droits de fa couronne en 1768. Ce pape avait agi

comme s'il avait été du quatorzième siècle. On lui a prouvé qu'on était au dix-huitième, avec l'applaudiffement de l'Europe entière.

Lorfque l'officier-général, chargé des ordres du roi entra dans Avignon, il alla droit à l'appartement du légat fans fe faire annoncer, & lui dit, Monfieur, le roi prend poffeffion de fa ville.

Il y a loin delà à un comte de Toulouse fouetté par un diacre pendant le dîner d'un légat. Les chofes, comme on voit, changent avec le tems.

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UE des hommes choifis, amateurs de l'étude fe foient unis après mille catastrophes arrivées au monde; qu'ils fe foient occupés d'adorer DIEU, & de régler les tems de l'année, comme on le dit des anciens bracmanes, des mages, il n'eft rien là que de bon & d'honnête. Il ont pu être en exemple au refte de la terre par une vie frugale; ils ont pu s'abftenir de toute liqueur enivrante, & du commerce avec leurs femmes, quand ils célébrèrent des fêtes. Ils durent être vêtus avec modeftie & décence. S'ils furent favans, les autres hommes les confultèrent: S'ils furent juftes on les respecta & on les aima. Mais la fuperftition, la gueuferie, la vanité ne fe mirent-elles pas bientôt à la place des vertus?

Le premier fou qui fe fouetta publiquement pour appaiser les dieux, ne fut-il pas l'origine des prêtres de la déeffe de Syrie qui fe fouettaient en fon honneur, des prêtres d'Ifis qui en faifaient autant à certains jours;

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