Images de page
PDF
ePub

à 30 fr. En supposant 30 fr., nous aurons en tout 39 fr. 36 c. de produit, au lieu de 72 fr. que compte M. de Bouillé. Il faut encore retirer de ce prix d'un agneau, les frais que sa nourriture occasionne, les soins qu'il faut lui porter; on doit supposer d'ailleurs que chaque brebis donnera un agneau, qu'aucun d'eux ne périra, qu'on ne perdra dans le part aucune des mères; toutes ces chances doivent être appréciées, et beaucoup d'autres encore; il me suffit d'indiquer les principales. On ne doit point ensuite perdre de vue que le nombre des agneaux augmentant, leur valeur diminuera, ainsi que celle de la laine, dont nous considérons le prix comme devant baisser. Il reste cependant encore un hénéfice suffisant à l'éleveur. Mais ces données doivent avoir pour résultat de démontrer clairement au cultivateur qu'il ne faut se livrer à la culture des moutons de Leicester que dans des sites convenables, où la laine et la chair peuvent se vendre sans faux frais. C'est dans ces sites seuls qu'il faut choisir la race à laine longue; dans tout autre, il faut donner la préférence aux mérinos. Nous avons déjà eu occasion de démontrer l'avantage qu'il y avait à élever, toutes choses égales d'ailleurs, des moutons petits et à laine fine, plutôt que des grandes races. Depuis long-temps, messieurs, vous m'avez entendu émettre et soutenir toujours cette opinion. Déjà, dans quelques endroits, les cultivateurs donnent la préférence aux petits moutons. Dans peu d'années, on se livrera partout de nouveau à la culture de cette race. Si surtout les droits d'octroi étaient perçus en proportion du poids de l'animal, nous marcherions encore plus rapidement vers cette amélioration. J'appelle de nouveau votre attention sur cet objet important, un des moyens les plus efficaces pour régénérer les races abâtardies de notre département. Il faut que le cultivateur vende ses fourrages et ses parcours à des animaux riches et toujours

en état de les payer au plus haut prix. La laine est une matière précieuse. L'emploi des belles qualités n'a point de bornes, et, dans le commerce, il y a toujours une différence de valeur entre diverses sortes de laine après le lavage à froid: les unes valent 4 fr. le kilo., tandis que d'autres s'élèvent jusqu'à 34 fr. Il résulte évidemment de ces détails qu'une toison de médiocre qualité, qui a coûté à produire autant à-peu-près que celle d'une qualité supérieure, pourra valoir beaucoup moins; il y a donc avantage réel à améliorer un troupeau sous le rapport du lainage.

Mais doit-on attacher beaucoup d'importance à cette amélioration? N'est-il pas à craindre que l'on produise trop? Ne répète-t-on pas de tous côtés que les laines fines n'ont pas d'écoulement, qu'il faudrait mieux faire de la laine commune, et une foule d'autres raisonnements de cette nature? De telles objections, messieurs, seraient graves si elles ne reposaient sur des erreurs manifestes, et sur une complète ignorance des faits. Toutes les fabriques d'Angleterre et de Belgique tirent leurs matières premières de différents états, notaminent de l'Allemagne et de la Russie; dans ces deux pays, et surtout dans le dernier, les fabriques prennent un essor prodigieux. Il existe encore de nombreuses populations qui aspirent à changer leurs vêtements de toile contre des vêtements de laine.

En France, nous n'exportons que peu ou point de laine une très-petite quantité de draperies. Nous ne trouvons point chez nous des matières premières assez abondantes pour satisfaire les besoins de nos fabriques; el, supposez même que nos besoins intérieurs aient des bornes, nos fabriques, les premières du monde pour la perfection, ne devraient-elles pas chercher à rivaliser, sur les marchés étrangers, avec les produits des autres pays? ne pourrions-nous pas, en augmentant la production, de

hos laines, disputer à d'autres contrées le privilège d'ali menter les fabriques allemandes et belges? Assurément de telles perspectives promettent une riche moisson aux efforts tentés pour l'amélioration des laines; mais aujourd'hui cette amélioration ne doit pas être essayée autant par l'appât du bénéfice que pour prévenir les dangers imminents qui menacent la plus importante branche agricole.

Les propriétaires réclament des droits d'entrée sur les laines étrangères, la prohibition même s'il le faut. Ce n'est que sous la protection des douanes qu'ils peuvent vivre. En principe, pareille protection ne devrait être accordée qu'à une industrie naissante; elle doit être mitigée lorsque cette industrie a développé ses moyens, acquis des forces, et que déjà elle établit scs produits à un prix raisonnable. Si elle ne peut se soutenir qu'à l'aide d'une prohibition totale et sans concurrence, il faudra que les intérêts de la masse des consommateurs soient sacrifiés à ceux d'un petit nombre, et encore ce petit nombre finira-t-il par succomber. L'élévation excessive des droits d'entrée nécessite à la sortie des primes considérables pour les matières fabriquées. L'administration pourra-telle toujours les maintenir au même taux? Les autres états ne devront-ils pas imposer sur nos marchandises des droits égaux à ceux que nous faisons payer aux leurs? La disproportion de prix dans les matières premières n'empêchera-t-elle pas, nos fabricants de faire des exportations? Que le propriétaire ne se méprenne pas; réduites à notre seule consommation, nos fabriques, par la grande facilité des procédés connus aujourd'hui seront bientôt encombrées par leurs produits: la baisse dans les prix en sera la conséquence inévitable, et par suite le propriétaire sera lui-même forcé de diminuer le prix de ses laines, par la mévente qui en résultera. Améliorons nos laines, portons-les au plus haut dégré

[merged small][ocr errors][ocr errors][merged small]

de finesse possible, leur vente serà assurée, tant que le détenteur voudra les établir à un prix raisonnable.

Vous voyez, messieurs, que les raisonnements sur les laines que j'ai en l'honneur de vous exposer nous amènent naturellement à une discussion sur le point important du prix que l'on doit en obtenir. Nous ne pensons pas qu'il soit possible d'établir que la laine fine coûte réellement au producteur plus cher que la laine médiocre. En la donnant au même prix, il ne perdrait pas sur son prix de revient. Le son mangé par le mouton superfin ne vaut pas plus que celui qui a nourri le mouton grossier. Qui pourrait donc arrêter le cultivateur qui améliorerait la laine? Son calcul est clair, décisif, son avantage est certain, d'autant plus que nous sommes bien loin d'en être au point de ne pas obtenir un prix plus élevé pour la laine fine que pour la laine ordinaire.

Telle est, messieurs, l'analyse du sixième Bulletin de la Société d'amélioration. Je me suis permis d'y joindre les réflexions que son contenu m'a suggérées. Le dernier qui mémoire de MM. Girod et Perrault m'a présenté un intérêt particulier ; j'en ai transcrit littéralement quelques passages qui m'ont paru trop bien développés pour les affaiblir en les analysant. Je désire bien vivement que les propriétaires apprécient l'importance de l'amélioration des laines. Des troupeaux bien dirigés peuvent donner encore d'énorines bénéfices. Mais pénétrons-nous bien de cette idée, que ce n'est point la matière première qui fait le prix de la marchandise fabriquée; mais qu'au contraire, la marchandise fabriquée régit le prix de la matière première. J'espère, messieurs, que mes occu-. pations me permettront de vous développer cette idée, d'appeler de nouveau votre attention sur un produit agricole que vous avez encouragé tant de fois, et que vous avez justement placé au premier rang.

NOTE de M. Leprévost, vétérinaire, sur le même sujet.

En rendant compte du 6me Bulletin de la Société d'amélioration des laines, M. Toussin à été amené a traiter des moutons et de leurs produits sous le rapport du cominerce et de l'agriculture; il a judicieusement insisté sur la préférence que les moutons à laine fine doivent obtenir sur ceux à laine longue de race anglaise, qui ne conviennent qu'à un très-petit nombre de localités.

Les cultivateurs de notre département qui ont croisé des béliers Leicester avec des brebis mérinos ou métis, n'ont obtenu que de mauvais résultats, et ils y ont renoncé, l'expérience leur ayant appris que la propagation et l'éducation des moutons à laine fine était une branche d'économie rurale qui leur présenterait dans tous les temps un bénéfice assuré.

ainsi

la

En achetant des béliers anglais pour être confiés à des cultivateurs de l'arrondissement de Neufchâtel, dont les moutons sont presque tous de race commune et à grosse Jaine, l'unique but de la Société était leur amélioration sous le rapport du poids de la chair et de celui de la toison, que de la longueur de la laine. Les commissaires que Société a chargés de suivre ces expériences lui ont rendu compte des résultats avantageux obtenus l'année dernière du croisement de ces deux premiers béliers avec des brebis picardes et artésiennes. Un troisième bélier a été acheté l'automne dernier : tous les agneaux provenant de ces trois béliers vont être incessaminent examinés, et il en sera fait un rapport à la Société.

« PrécédentContinuer »