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La France produit-elle assez de laines pour alimenter ses fabriques?

C'est de cette question, toute simple qu'elle paraît être, que naissent tant d'intérêts aussi diamétralement opposés. L'agriculture, le commerce et l'industrie ne peuvent s'entendre sur la manière de l'interpréter et de la résoudre. Placés nous-mêmes, Messieurs, par notre institution, pour défendre les droits de l'agriculture, nous touchons de trop près à deux principales villes de fabrique pour ne pas être obligés de consulter leurs besoins; nous devons même nous féliciter de notre position, parce que c'est à l'aide de faits que nous pourrons justifier notre opinion.

Nous partagerons d'abord la masse de nos laines en quatre classes ou qualités principales, savoir laines des animaux indigènes, laines métis communes, laines métis intermédiaires, laines fines et superfines.

Nous examinerons ensuite l'importance matérielle et la qualité des laines étrangères employées à la fabrication, et l'influence que l'introduction et l'emploi de ces laines produit, soit sur la qualité, soit sur le prix des nôtres.

Laines des animaux indigènes.

La quantité doit en être considérable, eu égard au nombre de départements qui ont conservé l'espèce de leurs moutons. Nous citerons comme plus voisin de nous celui de la Somme. Ces laines sont-elles de nature à ne pas éprouver les bienfaits de l'amélioration? Nous pensons qu'elles en sont plus ou moins susceptibles : il ne s'agit que de discerner les espèces convenables pour l'opérer. Nous avons pour exemple l'arrondissement de Neufchâtel, limitrophe de ce dernier département, où la difficulté présumée d'obtenir des résultats satisfaisants par le moyen de croisements de la race picarde par les mérinos, empêchait l'introduction de ces derniers. Votre

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Société ayant reconnu que les moutons anglais de Leycestershire paraissaient être les seuls qui, par le double avantage du développement physique et du caractère de la laine, pouvaient améliorer cette espèce indigène, en a préparé les perfectionnements, par l'envoi qu'elle a fait dans divers cantons de plusieurs béliers anglais. Elle a tout lieu de s'applaudir des sacrifices pécuniaires qu'elle a généreusement faits. Les résultats obtenus jusqu'à ce jour justifient de plus en plus sa prévoyance et sa sagacité.

Laines métis communes.

Leur abondance ne nous paraît point équivoque, si, en nous reportant à l'époque peu éloignée de la plus grande activité de nos ateliers, nous remarquons celte prodigieuse quantité de produits manufacturés qui, en excédant les besoins de la consommation, ont constitué nos villes de fabriques dans un état presque habituel de gêne et de malaise. L'engorgement des magasins, et par suite la dépréciation de la valeur des draps, ont momentanément diminué la multiplicité des fabricants (1); mais la quantité de laine reste toujours la même, et s'augmente peut-être encore (2), soit par de nouveaux

(1) On compte aujourd'hui moitié moins de fabricants qu'en 1825, et la proportion numérique des pièces de drap est moindre d'environ un tiers.

(2) « Le nombre de nos bêtes à laine a beaucoup augmenté et « augmente encore tous les jours........ Si on faisait aujourd'hui le « dénombrement de nos troupeaux, on trouverait une augmentation « considérable depuis quatre ans. » (Extrait du mémoire de M. le Sous-Préfet du Havre, sur la question de savoir si nos laines ont besoin d'une protection plus spéciale que celle accordée par nos tarifs. (Septembre 1828.)

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essais d'amélioration, soit par la marche rétrograde des laines intermédiaires.

Laines métis intermédiaires.

Si la quantité des produits manufacturés justifie l'abondance des laines communes, ceux confectionnés avec les laines intermédiaires sont moins nombreux, et par conséquent moins dépréciés. Ce n'est pas cependant que la matière soit insuffisante; mais c'est que l'emploi étant mieux calculé sur les besoins de la consommation, restreint cette activité inconsidérée qui ne peut que compromettre la sécurité du commerce.

L'écoulement incomplet de cette qualité est une des causes les plus déterminantes de la baisse des laines en général, parce que, se rapprochant, par ses diverses gradations, soit des laines fines, soit des laines communés, elle influe nécessairement, par sa surabondance, sur les unes comme sur les autres.

Deux causes principales en arrêtent aussi le perfectionnement, et l'empêchent de concourir aux besoins. d'une fabrication plus élevée.

La première consiste dans une conviction mal éclairée qui fait envisager les quatrième et cinquième croisements comme le nec plus ultrà de la perfection, et ajoute encore à l'indifférence qui préside assez ordinairement au choix des béliers.

La seconde provient du sacrifice que les cultivateurs seraient obligés de faire de la taille de l'animal en faveur de sa toison, à cause de la fixité des droits d'octroi qui frappent indistinctement sur les moutons, quelque soit leur poids. Vous avez reconnu, Messieurs, les graves inconvénients d'un tarif aussi inégalement basé, et ils ont été dernièrement encore l'objet de vos représentations au conseil général du département.

Laines fines et superfines.

Rien ne démontre que les laines fines proprement dites ne suffisent point aux besoins de nos fabriques ( 1 ) ; et loin de craindre une diminution de quantité, il y a tout lieu de croire à une augmentation. En effet, les troupeaux qui sont parvenus à ce dégré de perfection excluent toute idée d'en changer l'espèce, par la raison que le prix de leur laine, quoique peu élevé, dépasse ou tout au moins égale l'avantage que présenterait une taille plus développée.

Cette réflexion s'applique plus naturellement encore à nos laines superfines, que nous partagerons en deux qualités distinctes et cependant rivales; l'une provenue des croisements multipliés des mérinos pure race espagnole, l'autre d'origine saxonne; mais nous avouerons qu'elles sont tellement circonscrites, qu'elles nécessitent l'emploi des laines étrangères. Le troupeau de Naz égale tout ce que la Saxe peut offrir de plus parfait, mais dans une proportion bien inférieure à nos besoins, puisqu'il compte à peine quatre mille têtes.

(1) Quoique peu favorable à notre opinion sur la question de la prohibition, voici de quelle manière s'exprime un rapport fait à la Société d'agriculture, sciences et arts de la Marne, séance du 26 septembre 1828 : « Dans l'origine, l'éducation des mérinos « a procuré de grands bénéfices. Le prix de leur laine, élevé à << un taux exhorbitant par la multiplication et l'activité des manu« factures, a éveillé l'attention des agronomes. La culture de la <«<laine s'est étendue, les produits se sont augmentés, et la « concurrence des vendeurs, unie à l'abondance de la marchandise, a a eu pour résultat une baisse inévitable. »

Il y a lieu de s'étonner que cette espèce ne se propage pas en France avec plus de rapidité, à cause des bénéfices assurés qu'elle présente aux propriétaires. Sa position est inverse de celles dont nous venons de parler dans les articles précédents, soit par la concurrence, qu'elle ne redoute guère, soit par l'élévation du prix, qui dédommage des sacrifices qu'elle exige (1); c'est à ce but que doivent tendre particulièrement les efforts des cultivateurs les plus rapprochés de cet extrême perfectionnement. La persévérance de leurs soins permet de croire à la réalité de nos désirs et de nos espérances.

Importation.

Nous venons de juger la masse de nos laines d'après les produits de nos manufactures; il faut toutefois en déduire les laines étrangères qui ont également concouru à la fabrication. Des renseignements trop évasifs sur les importations antérieures à 1827 nous empêchent de spécifier la quantité précise; mais nous pouvons affirmer que si l'importation de 1825 (année de la plus grande activité de nos fabriques) est relative pour les qualités à celle de 1827, elle est trop minime (2) pour qu'on puisse invoquer la nécessité de leur intervention, et

(1) La laine en suint de ce troupeau s'est vendue 4 fr. la livre en 1827. Les toisons pèsent cinq livres l'une dans l'autre.

Si on s'en rapporte, pour la dépense journalière de chaque animal, à un état de consommation annexé à la notice sur l'amélioration des troupeaux de moutons en France, par M. Ternaux, on verra qu'elle est d'une valeur de 2 centimes au plus, déduction faite de celle du fumier et du parcage.

(2) 4,500,000 kilogrammes environ.

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