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SÉANCE PUBLIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ CENTRALE D'AGRICULTURE

DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE-INFÉRIEURE,

TENUE A ROUEN LE 22 OCTOBRE 1829.

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DISCOURS D'OUVERTURE,

Prononcé par M. DUBUC, Président.

MESSIEURS,

« Tout ce qui est bien et grand dans l'univers dérive de Dieu; tout ce qu'on y remarque de défectueux vient toujours du vice de nos institutions et de nos pratiques, a surtout en agronomie, ( Platon,) »

Cette maxime d'un des plus sages philosophes de la Grèce m'a suggéré le discours suivant sur plusieurs parties de notre économie rurale. Mais avant de le proje réclame la bienveillante attention de l'assemblée (1).

noncer,

(1) J'ai cru inutile, comme cela se pratique parfois, dě chercher à prouver l'utilité de l'agriculture et du commerce, que personne ne conteste de nos jours : j'ai donc pensé, avec de bons agronomes, qu'il valait mieux traiter brièvement plusieurs annexes de cette science, dont le perfectionnement tend à multiplier les produits de la terre, etc.

Les sciences, comme les arts, ont dû leur naissance aux divers besoins que l'homme se créa du moment où il vécut en société, et que se formèrent ces vastes aggrégations de peuples qui, en se donnant des lois, existèrent sous les noms de républiques, de monarchies, etc.; mais l'agriculture doit avoir une origine bien plus reculée qué toutes les autres sciences, sans même en excepter celle qui explore les champs d'en haut, je veux dire l'étonnante astronomie.

En effet, l'agriculture, cette autre mère des peuples, dut prendre naissance parmi les hommes, du moment que le ciel les rendit témoins des merveilles éternelles de la végétation, et dès qu'ils remarquèrent une unité constante dans les nombreux produits de la nature. Ce fut à cette époque, n'en doutons pas, que nos aïeux, à force de recherches, parvinrent à discerner les plantes qui leur étaient nuisibles d'avec celles qui devaient servir à leur nourriture; et l'épreuve dut être longue, vu l'immense quantité de végétaux de toute espèce qui s'offrirent à leurs regards. D'abord quelques fruits, des racines et quelques graines durent satisfaire à leurs premiers besoins; mais, à l'aspect de tant de biens répandus à la surface de la terre, l'homme finit par y discerner les plantes à grain farineux alimentaire, et de ce moment naquit la culture du blé, du riz, etc. Alors le blé et les autres fromentacées étaient sauvages, peu communs; la semence en était grêle, peu riche en gluten (matière végéto-animale ), un des principes le plus nutritif des céréales; mais la culture de ces plantes et l'engrais des sols en perfectionnèrent les éléments. Néanmoins, beaucoup d'agronomes croient que le froment, quelle qu'en soit l'espèce, est encore loin d'avoir acquis tout le dégré de perfection dont il paraît susceptible; et je partage cette opinion.

On trouve dans les halles et marchés du froment de toutes sortes de qualités, et dont la farine est plus on

moins nutritive. Ces différences, non seulement sont dues, selon nous, à la nature agraire des sols où pousse le triticum hybernum, et à l'exposition solaire de ces mêmes sols, mais encore au genre d'amendement qui leur sert d'engrais ainsi il paraît certain que le fumier noir ou pourri fait donner à la terre du blé très-amilacé, mais pauvre en gluten et disposé à se charboner; tandis que le contraire arrive par l'emploi d'un engrais moins atténué. Ces anomalies, et bien d'autres, viennent à l'appui de l'opinion de ceux qui croient que le froment cultivé n'a pas encore acquis tout le dégré de perfection dont il paraît susceptible.

Après la découverte des céréales, découverte, dit Buffon, une des plus heureuses que l'homme ait jamais faites, il fallut trouver un moyen simple et facile d'extraire de ces graines la farine qu'elles renferment, et d'opérer ensuite la panification de cette farine. On conçoit que tant de biens n'arrivèrent que successivement, et souvent par hasard, comme cela a lieu encore de nos jours pour le perfectionnement des arts, de l'agriculture et des autres sciences. Long-temps le blé fut écrasé entre deux pierres, pour en faire usage comme aliment; mais plus tard l'intelligence naturelle à l'homme lui fit découvrir d'abord des machines à bras pour la mouture; puis succédèrent à celles-ci ces étonnants moulins qui ont pour moteurs l'eau et l'air, et dont le dégré de perfection est tel, de nos jours, que le meûnier intelligent obtient, presqu'à volonté, au moyen de ces belles mécaniques, de la farine de toute qualité des graines céréales.

Mais, il faut le dire, malgré de longues épreuves, l'art du boulanger est loin d'avoir atteint le dégré de perfection de celui du meûnier.

La fermentation panaire est encore une espèce de mystère parmi les savants, et son effet mal régularisé comme agent d'une bonne panification.

Les mélanges de farines, pour en faire du pain salubre, ne sont pas non plus assez étudiés; la cuisson du pain elle-même est livrée à une routine souvent aveugle ; ét pourtant on sait que le pain est plus ou moins nutritif et agréable au goût, en raison de sa bonne cuisson (1).

Enfin, toute cette partie de notre économie rurale est restée en arrière des autres sciences. Ici, Messieurs, je suis presque sur mon terrein; je pourrais m'étendre assez longuement sur l'art du boulanger et en signaler d'autres imperfections; mais ce genre de discussion, vu son aridité et les détails minutieux qu'elle comporterait, net peut guère trouver place dans une séance publique ; seulement qu'il me soit permis de l'offrir aux méditations des savants de tous les pays, comme un sujet du plus grand intérêt et de nature à fixer leurs recherches pour le perfectionnement de la boulangerie. Maintenant je vais vous entretenir, mais brièvement de plusieurs autres annexes de l'agriculture dans nos contrées.

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Cette agriculture est belle en Normandie; les produits en sont grands et variés : mais nous croyons que l'emploi de ces mêmes produits n'est pas toujours bien coordonné. Expliquons-nous à cet égard, et traitons d'abord du fumier frais et du fumier fermenté, comme engrais des terres arables.

On appelle fumier frais celui qu'on enfouit au sortir de l'étable, ou au plus tard douze ou quinze jours après. Le fumier fermenté ou noir est celui qu'on garde en

(1) Les nouvelles mécaniques inventées pour corroyer et pétrir la pâte, ne remédient pas aux imperfections que nous signalons dans la boulangerie seulement elles paraissent plus expéditives, moins laborieuses pour la fabrication du pain, et offrent plus de propreté dans leur emploi que le pétrissage ordinaire par les mains ou par le piétinage, et voilà tout; du moins c'est ce qui résulte, jusqu'à ce jour, des différentes expériences tentées par ces nouvelles méthodes.

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tas plus ou moins volumineux pendant plusieurs mois avant son emploi aux champs. Ce dernier engrais diffère physiquement et chimiquement du premier dans ses éléments, et doit agir aussi presqu'en sens inverse en agriculture, comparé, dans ses effets, à ceux du fumier non fermenté. Ici consultons l'expérience.

C'est encore un problême, parmi les tenanciers, de savoir lequel des deux engrais doit être préféré en agronomie. Chaque méthode a ses partisans; mais comme tout se juge de nos jours au creuset de l'expérience et par des faits, citons donc des faits en faveur de l'emploi du fumier non fermenté.

M. Gazzéri, chimiste et agriculteur italien, dans un ouvrage publié sur l'usage du fumier frais, en démontre, ex professo, les avantages sur le fumier fermenté, par des essais multipliés dont les résultats connus laissent peu à désirer. Ce savant examine avec impartialité les deux méthodes, et, faisant abstraction des routines qui passent souvent du père au fils, surtout en agriculture, il ne balance pas à adopter la nouvelle théorie, non sans quelques restrictions (1).

Un autre agronome distingué, M. le colonel Bugéaud de la Piconnerie, emploie, depuis douze ans, le fumier frais sur toutes sortes de terre dont se compose son vaste domaine d'Ixudeuil, en Périgord, et il déclare (Annales d'agriculture du département de la Dordogne, no 2, 1828), avoir au moins doublé sa récolte en fourrage par cette méthode. C'est spécialement à l'égard des plantes trifoliacées et des racines azotées, navets, carottes, rutabagas, turneps, etc., où le fumier non fermenté l'emporte de beaucoup sur le fumier noir. Il

(1) On trouve la traduction de cet ouvrage dans les No5 26 et 27 des Annales de l'Industrie nationale et étrangère.

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