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tout les premiers, à reconnaître et à proclamer. Certes, il n'est que temps qu'un terme soit mis à cette conspiration d'ingratitude et de silence qui s'est faite trop souvent déjà lorsqu'il s'est agi de rendre justice à ces hommes apostoliques, que leurs travaux scientifiques de toutes sortes ont placés, depuis longtemps et quand même, en tête des meilleurs explorateurs de la Chine. En ce point comme en tant d'autres touchant la gloire de l'Église, la lumière est faite désormais : l'amour de la vérité a prévalu sur l'esprit de système. Du reste, quand cette gloire propre de la religion rejaillit, comme dans le cas présent, sur la France ellemême, qui donc parmi les vrais fils de la patrie oserait refuser de l'ajouter au faisceau de nos splendeurs?

IV. Grâces à Dieu done! Si notre siècle a ses défauts, il est aussi tout plein de grandes pensées et de généreuses aspirations, et la France a reçu pour une large part (son histoire tout entière l'atteste) la mission particulière et glorieuse d'y faire participer les autres nations. Or, ce n'est pas en nos temps où la distance n'est plus qu'un mot, et pendant que tous les peuples maritimes du monde entier sans exception rivalisent d'efforts pour prendre pied sur tous les points du globe, qu'elle pourrait oublier sa tâche civilisatrice ou méconnaître les grands intérêts qui de toutes parts sollicitent l'activité de son génie et l'extension de son influence. Et certes, c'est une des grandes

gloires de l'ère impériale de l'avoir aussi sagement que politiquement compris, lorsque, pour l'honneur de notre drapeau et les sérieux intérêts de la civilisation, inséparables en cette circonstance, plus qu'en aucune autre peut-être, de nos intérêts nationaux les plus incontestables, fut décidée notre récente et mémorable expédition militaire en Chine. Il fallait venger la foi des traités, assurer et étendre notre influence, faible encore dans tout l'extrême Orient, protéger enfin la liberté de l'Évangile et des peuples; la France ne pouvait pas hésiter : ses vaisseaux partirent, emportant vers les lointains rivages de la Chine quelques valeureux bataillons; bientôt une page glorieuse s'ajoutait à l'histoire de nos fastes militaires.

A partir de ce jour la Chine fut forcée de compter avec ces races que depuis tant de siècles elle refusait de connaître; les portes de ce colossal empire sont désormais ouvertes à l'Europe, et il n'est pas téméraire de penser que les temps viendront où ce vieux monde oriental, étonné de se voir en retard à côté de tant de nations plus jeunes que lui, finira par consentir à recevoir de l'Occident la divine philosophie de l'Évangile si longtemps rejetée avec un ignorant dédain, et à désapprendre les illusions religieuses et scientifiques qui ont fait ses peuples presque athées et ses sages orgueilleux.

Dans cette œuvre de régénération des peuples de la Chine, commencée d'abord et depuis longtemps déjà par les seuls missionnaires catholiques et consacrée par le sang des martyrs, toutes les

nations du monde chrétien, mues par des motifs ou des intérêts divers, s'apprêtent aujourd'hui à peser chacune du poids de son influence particu– lière. Mais il nous suffit d'interroger le passé de la France, à laquelle Dieu a dit plus qu'à toute autre nation : « Allez et enseignez », pour prévoir la part glorieuse que la Providence réserve à son génie civilisateur dans ces lointaines contrées de l'Orient. L'histoire est en effet toute pleine du récit des grandes choses voulues de Dieu et accomplies par la généreuse nation des Francs, qui, toujours armée du glaive de saint Paul et de la vaillante épée de Clovis et de Charlemagne, prête une oreille attentive à l'appel des peuples. C'est ainsi que partout et tou→ jours, en quelque lieu du monde que nous jetions les yeux, nous la trouvons représentée par ses missionnaires : elle les envoie, du couchant à l'orient, du septentrion au midi, planter avec l'étendard de la Croix les jalons de la civilisation chrétienne et française; et quand une noble cause a besoin de son bras, ne la voit-on pas, sans peur et sans reproches, s'empresser d'accourir, partout encore, avec ses intrépides guerriers? Or l'histoire atteste que la civilisation gagne toujours aux grandes expéditions militaires de la France. C'est à ce titre, sans compter même tous les immenses avantages qui doivent résulter de notre campagne de Chine au profit de notre influence politique et commerciale dans tout l'extrême Orient, que cette mémorable expédition, si vaillamment accomplie par nos armées de terre et de mer, sera enregistrée

à l'honneur de la France contemporaine comme une page des plus glorieuses de notre histoire nationale.

Au moment donc où la Chine est appelée à se transformer au contact des influences qui la pressent du dehors, un puissant attrait d'intérêt social et de curiosité attire sur ce vieil empire l'attention de l'Europe. Or, pendant que le colosse est encore debout, et avant que la désorganisation dont souffrent ses institutions sous la domination actuelle des Tartares achève peut-être de lui enlever l'antique et surprenante physionomie que les siècles lui ont faite, il ne sera, pensons-nous, ni inutile ni téméraire d'explorer ce vaste champ. La France catholique, diplomatique et militaire y est illustre déjà; elle y fera de plus grandes choses encore dans l'avenir.

Faire connaître les institutions politiques, sociales, civiles, religieuses et militaires de la Chine, sa littérature, ses sciences, ses arts, les coutumes et les mœurs de ses habitants, nos voyages nous ont mis à même d'entreprendre cette tâche. Nous ne manquerons pas de signaler, chaque fois que l'occasion s'en offrira, l'action civilisatrice exercée sur la Chine par ses relations avec la France.

CHAPITRE PREMIER.

LA CHINE ET SA CAPITALE.

§ Ier.

Noms divers donnés à la Chine par les peuples voisins de cet em

Noms que les Chinois Explication de la dénomi

pire. Véritable origine du mot Chine. donnent eux-mêmes à leur empire. nation d'« Empire du Milieu ».

- Esquisse géographique de la Chine son étendue, ses limites, sa division territoriale actuelle. Les dix-huit provinces de l'empire chinois, d'après le Recueil des statuts administratifs de la dynastie régnante.

La Chine a été, selon les temps, désignée par ses propres habitants et par les peuples qui avoisinent ou fréquentent ce vaste pays, sous les noms les plus divers : les Mongols occidentaux l'appellent le pays de Kataï ou Cathay; les Tartares Mantchoux, Tulimpa-koron; les Japonais, Thau; et les peuples de la Cochinchine, de Siam et de toute l'Asie orientale, Thsin, mot que les Malais et les Hindous ont prononcé Tchin, et, par euphémisme, Tchina. C'est le nom que les Portugais, tout d'abord, puis les autres peuples de l'Europe, venus après eux dans les mers de l'extrême Orient, ont connu le premier, et conséquemment adopté, en le modifiant chacun selon le génie de sa langue, pour désigner l'empire chinois.

Cette dénomination de « Thsin ", la plus répandue de toutes celles données à la Chine, est connue en Orient depuis les célèbres conquêtes par

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