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en une estrade assez élevée, fort propre, et sans autre inscription que le caractère « chin», que les auteurs de relations ont interprété par le mot saint; mais il n'a pas proprement cette signification, car il répond quelquefois mieux à notre mot latin eximius, ou aux mots français excellent, parfait, très-sage.

« Sur la plate-forme qui porte cette salle sont de grands vases de bronze dans lesquels on brûle des parfums les jours de cérémonie; on y voit des candélabres façonnés en oiseaux et peints de diverses couleurs, ainsi que les bougies et les torches qu'on y allume. Cette plate-forme se prolonge vers le septentrion, et porte deux autres salles; l'une est une rotonde percée de beaucoup de fenêtres et toute brillante de vernis : c'est là que l'empereur change d'habits avant ou après la cérémonie ; l'autre est un salon dont une des portes est tournée vers le nord, et c'est par où l'empereur, sortant de son appartement, doit passer lorsqu'il vient recevoir sur son trône les hommages des grands de l'empire; alors il est porté en chaise par des officiers habillés d'une longue veste rouge brodée en soie, et couverts d'un bonnet surmonté d'une aigrette. »

Outre cette << salle de la grande Union ou de la grande Concorde », on trouve, soit dans la direction du sud au nord avant d'arriver jusqu'au palais proprement dit de l'empereur, soit sur d'autres points, la « salle du trône de la moyenne Concorde", la « salle de la Concorde protectrice »,

la

« salle de la Concorde occidentale »; celles des

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Fleurs littéraires », des « Offrandes à l'instituteur des princes (Confucius) »; puis l'édifice du Conseil privé, la Bibliothèque impériale, l'Intendance de la cour, le Commissariat des vivres, etc.; le palais de la « Pureté céleste », le palais de l'impératrice, ceux des princes et princesses, etc., dont il serait difficile de donner, aussi bien que de celui de l'empereur, une description intérieure, car ce sont autant d'asiles inviolables où ne pénètre jamais personne du dehors.

Tout autant que cette mystérieuse cité, résidence exclusive de l'empereur, et que désigne si bien le nom de « ville interdite », la célèbre capitale de la Chine était demeurée elle-même durant des siècles impénétrable à tout étranger; mais aujourd'hui, grâce à la victoire de nos armées et à la vigueur de notre diplomatie, elle n'a plus rien de caché à la curiosité des Européens; et certes, ce n'est pas sans éprouver une sorte d'étonnement indéfinissable que le voyageur venu de l'Occident contemple du haut des remparts de Péking l'immense panorama qui se déroule devant lui, et qu'il interroge d'un œil surpris tous les points de cette perspective jusqu'alors inconnue et dont son imagination n'aurait jamais pu lui faire soupçonner l'étrange et magnifique spectacle. Ce ne sont plus nos hautes maisons carrées, nos monuments réguliers ni aucun des édifices de nos grandes villes, avec leur teinte grise et monotone, qui frappent ses regards, c'est au contraire tout un mélange inouï de formes et de couleurs les plus variées et

les plus tranchantes qui s'offre à sa vue et fait rêver son esprit comme à l'aspect d'un monde imaginaire: ici des portiques se tordent en spirales, des kiosques s'arrondissent en boules ou se dressent en lames recourbées; là s'élèvent des temples, des pagodes, que distinguent leurs toitures superposées, ou bien surgissent des tours à forme carrée, dont les pointes aiguës et dentelées percent à travers les troncs dénudés et les longues branches des arbres centenaires plantés alentour; d'espace en espace les mâts des résidences princières laissent flotter au vent leurs banderoles diaprées; puis, voici les toits dorés et la haute coupole de marbre blanc du palais impérial; plus loin, en dehors du mur septentrional d'enceinte, on aperçoit la

«

Montagne de charbon », avec ses cinq pagodes étagées les unes au-dessus des autres, et le Peitha-sse, bonzerie et monument funéraire élevé à la mémoire du dernier empereur des Ming sur une colline artificielle, verdoyante presqu'île qui se mire dans les eaux limpides de la « mer du Milieu ». Des hauteurs où il s'est placé, le spectateur peut encore mesurer du regard les grandes et larges artères qui traversent en ligne droite la grande cité, sans tenir compte des ruelles qui la déparent; enfin, la sombre ligne des gigantesques murailles qui s'élèvent chargées de batteries, de tours, de pavillons, à l'intérieur et à l'extérieur de cette ville unique en son genre, encadre et complète ce tableau.

Il existe dans cette vaste capitale de l'empire

chinois quelques édifices qui sont trop à l'honneur de la religion et de la France pour que nous oubliions de les mentionner; il s'agit du fameux Observatoire de Péking et des églises catholiques rendues au culte, grâce à nos armes victorieuses dans la mémorable expédition de 1860.

L'Observatoire impérial de Péking, que les travaux des missionnaires jésuites ont rendu célèbre, est une grosse tour carrée adossée intérieurement aux murs du sud-est de la ville tartare, au-dessus desquels elle s'élève d'environ quatre mètres. Elle avait été primitivement construite pour l'usage des astronomes chinois, qui se servaient pour faire leurs observations d'instruments dont l'invention pouvait remonter à plus de six siècles. Ces machines, assez semblables à nos anciens anneaux astronomiques, étaient fort grandes, bien fondues, mais imparfaites dans leur structure et leurs divisions. Cependant, quelque défectueux que fussent ces instruments, ils étaient dans leur genre ce qu'il y avait encore de mieux dans le monde à l'époque où ils furent exécutés; de pareils instruments font certainement honneur au génie du peuple qui a su les inventer. Au dix-huitième siècle, le P. Verbiest, président du tribunal des mathématiques, détermina l'empereur Kang-hi à remplacer ces instruments primitifs par d'autres plus grands et plus parfaits. Ce savant missionnaire se mit à l'œuvre, et parvint, avec le concours des autres Jésuites, à faire fabriquer sur place, d'après les principes de l'astronomie européenne, les in

struments que l'on voit encore aujourd'hui sur la plate-forme de l'Observatoire de Péking. C'est ainsi que ces hommes, que la secte philosophique persécutait alors en Europe, étaient tout à la fois, en Chine, les apôtres de la science et de l'Évangile. L'Église naissante de la Chine eut bien vite à subir les plus sanglantes persécutions; les missionnaires furent emprisonnés, torturés, mis à mort ou exilés; la religion continua cependant de briller par la persévérance des néophytes chinois et la gloire de ses martyrs; mais la Chine devint dès lors impénétrable aux lumières de l'Europe. Aucun savant chinois ne put donner suite aux travaux scientifiques des missionnaires catholiques, et voici déjà plus d'un siècle que le célèbre établissement astronomique des Jésuites à Péking est placé sous les scellés impériaux. Depuis ce temps on n'y a rien touché, et il est à croire que les deux sphères armillaires, l'horizon azimutal, le quart de cercle et l'immense globe céleste qu'on y voit, sont ainsi demeurés, depuis plus de cent quarante ans déjà, tournés vers le même point du ciel et de l'horizon où la main du P. Verbiest les avait dirigés. Il n'est pas même jusqu'à un vieil escabeau de bois de fer, que l'œil du visiteur aperçoit placé dans un coin de la plate-forme, qu'on ne puisse considérer avec vraisemblance comme le siége dont se servait le célèbre missionnaire astronome.

Depuis que la France, usant des droits de la victoire, a pu obtenir du gouvernement chinois la liberté de la religion chrétienne, les établissements

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