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peu à peu ils tombent dans la phthisie, perdent tellement l'appétit qu'ils ne sauraient plus rien avaler, et meurent ensuite secs et décharnés « comme des squelettes.

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Mais voici que nous allons retrouver tout à fait une fois encore, à propos des boissons, quelque chose de ce goût dépravé dont les habitants du Céleste Empire nous ont donné des preuves dans l'usage qu'ils font de certains aliments. Qui pourrait en effet, si ce n'était une réalité, s'imaginer jamais que les Chinois, et surtout les Tartares, ont eu l'idée d'inventer un vin d'agneau

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eau-de-vie de mouton ", qu'ils savent extraire, au moyen de procédés à eux connus, de la chair de ces animaux? Ce vin a beaucoup de force, mais il exhale, comme il est facile de le croire, une odeur des plus désagréables et des plus repoussantes. L'eau-de-vie de mouton, de son côté, se recommande par des qualités également nauséabondes. Il paraît pourtant que l'empereur Kang-hi en faisait quand même usage; mais il est à croire que ce prince eût donné la préférence à notre eau-de-vie de Cognac, s'il l'eût connue.

Hâtons-nous de dire cependant que le thé est toujours le breuvage de prédilection, la boisson chérie par excellence des Chinois de bon goût; c'est là leur nectar, leur ambroisie sans rivale; et c'est à juste titre, puisque aucune boisson connue ne réunit peut-être, à l'égal de celle-ci, les qualités hygiéniques et agréables qui la font justement rechercher. Le thé, compris dans toutes ses variétés,

est d'un usage général en Chine, et sa préparation comme breuvage est l'objet des soins les plus délicats et des attentions les plus minutieuses de la part des bons connaisseurs et des fins gourmets du Céleste Empire. L'empereur Kien-long, dans un petit poëme qu'il a consacré à l'éloge du thé, n'a pas dédaigné de donner la manière de préparer cette précieuse boisson. Nous pensons faire plaisir à nos lecteurs en citant ici ce curieux morceau. « Mettre sur un feu modéré, » dit le poëte et gourmet impérial, « un vase à trois pieds, dont la cou<< leur et la forme indiquent de longs services; le

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pour

remplir d'une eau limpide de neige fondue; faire « chauffer cette eau jusqu'au degré qu'il suffit « blanchir le poisson ou rougir le crabe; la verser « aussitôt dans une tasse faite de terre de yué, sur « de tendres feuilles d'un thé choisi; l'y laisser en « repos jusqu'à ce que les vapeurs, qui s'élèvent « d'abord en abondance, forment des nuages épais, puis viennent s'affaiblir peu à peu, et ne soient plus enfin que quelques légers brouillards sur la superficie; alors humer sans précipitation cette liqueur délicieuse : c'est travailler efficacement à « écarter les « cinq sujets d'inquiétude » qui vien« nent ordinairement nous assaillir. On peut goû« ter, on peut sentir; mais on ne saurait exprimer « cette douce tranquillité dont on est redevable à « une boisson ainsi préparée. »

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On a souvent dit en Europe que le café était une « boisson intellectuelle »; à entendre et à en croire l'auguste poëte chinois, le thé ne serait-il pas un

breuvage poétique?» Essayez-en, ami lecteur; mais gardez-vous bien de sucrer la divine liqueur : le sucre, au dire des Chinois, en altère le goût véritable; mais l'usage exagéré peut-être qu'on fait en Europe, en France surtout, de ce doux condiment, se justifie sans doute par la médiocrité trop réelle des thés peu chinois qu'on nous envoie.

CHAPITRE XV.

MARIAGES, ÉDUCATION ET INSTRUCTION, FUNÉRAILLES ET SEPULTURES DES CHINOIS..

§ Ier.

Mariages des Chinois.

Autorité absolue des parents relativement

Négocia

au mariage de leurs enfants. Les entremetteuses. tion et conditions du contrat matrimonial. Cérémonial et célébration d'un mariage chinois. Loi matrimoniale. La poly

gamie et ses funestes conséquences. — Rangs distinctifs des épouses en Chine, et leurs droits respectifs. Le divorce et ses causes légales. Sort des veuves.

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Le mariage, tel que Dieu l'a institué dès l'origine du monde, n'est pas seulement l'union qui donne naissance à la famille et la conserve dans les conditions essentielles de sa constitution normale; il est encore l'unique et véritable base de la société même. C'est ainsi que tous les législateurs vraiment dignes de ce nom ont compris cette grande institution, et l'ont toujours considérée comme le principe le plus efficace du bon ordre et le plus propre à produire le repos et le bien parmi les

hommes.

Quoique nous ne puissions pas tout à fait espérer de trouver en Chine, pas plus que dans tout pays que n'éclaire pas l'Évangile, l'institution du mariage établie et pratiquée avec toutes les conditions

nécessaires à sa plus grande perfection, il n'en est pas moins vrai cependant que la législation ancienne et présente de ce grand empire, basée, du reste, sur les mœurs mêmes de la nation, a pris un soin particulier d'entourer de garanties tutélaires cette association, la seule légitime, de l'homme et de la femme. C'est ainsi que tout d'abord, indépendamment des autres dispositions que nous ferons connaître, les lois chinoises considèrent tout perturbateur du repos d'un ménage comme véritablement coupable d'attentat non-seulement contre l'honneur et le bien particulier d'une famille, mais encore contre l'ordre et le bien général de la société : elles le punissent en conséquence par les châtiments les plus terribles. Aussi est-il assez rare en Chine de voir le mariage donner lieu à ces scandales qui en troublent les douceurs, et en violent les droits légitimes et sacrés dans tant d'autres contrées. Ces lois, comme toutes les autres lois purement humaines, ne pouvaient pas faire davantage en cette délicate matière: il n'y a, en vraie vérité, que la loi divine et chrétienne qui puisse régir le cœur des époux et leur assurer, pour la permanence de leur mutuel bonheur, la continuité des sentiments dignes, nobles et purs.

La manière de décider et de conclure les mariages en Chine diffère entièrement des usages européens. On n'y voit point tout d'abord les parties le plus directement intéressées à cette importante affaire appelées à y prendre l'initiative, comme le voudrait cependant le droit naturel : l'autorité absolue

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