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Quoique les impressions en Italie soient trop ardentes pour être durables, l'enthousiasme produit par la proclamation de la croisade contre l'Autriche se manifesta plusieurs jours avec un élan véritablement national. Les volontaires s'enrôlèrent en assez grand nombre, et les autres firent preuve de dévouement à la patrie en déposant sur des tables dressées dans les grands centres de la ville, des offrandes patriotiques.

Les troupes expéditionnaires quittèrent Rome dans les premiers jours de mars et se dirigèrent sur Bologne et Ferrare. La veille du départ, la première colonne, composée en grande partie de volontaires appuyés par quelques soldats de ligne, avait été passée en revue sur la place Saint-Pierre par les généraux Ferrari, Durando et par le moine Gavazzi. Celui-ci portait à sa ceinture, sous la croix verte, rouge et blanche de la croisade, une paire de pistolets de combat. Il prit dès lors le titre de grand aumônier de l'armée de l'indépendance italienne.

Avant de se mettre en route, les principaux officiers se rendirent au Quirinal pour prendre congé du Saint Père, qui leur signifia de nouveau, et de la manière la plus expresse, la défense de franchir la frontière des États de l'église.

Tandis que les volontaires romains s'avançaient, l'arme au bras, à la conquête de l'indépendance et que Charles-Albert rêvait le sceptre de la Haute Italie, le pape, élevant la voix pour interpréter la muette éloquence des œuvres de Dieu, adressait cette proclamation aux peuples de la péninsule:

"Aux peuples d'Italie, salut et bénédiction apostolique.

« Les événements que ces deux mois ont vu se succéder et s'enchaîner avec tant de rapidité, ne sont pas une œuvre humaine. Malheur à qui n'entend pas la voix

de Dieu dans ce vent qui agite, renverse et brise les cèdres et les roseaux! malheur à l'orgueil humain s'il attribue aux fautes ou au mérite de quelque homme que ce soit, ces merveilleuses révolutions, au lien d'y adorer les secrets desseins de la Providence, soit qu'ils se manifestent par les voies de la justice ou par celles de la miséricorde de cette Providence qui tient dans ses mains tous les empires de la terre! Et nous, à qui la parole a été donnée pour interpréter la muette éloquence des œuvres de Dieu, nous ne pouvons pas nous taire au milieu des regrets, des craintes et des espérances qui agitent les cœurs de nos enfants.

« Et d'abord, nous devons vous dire que si notre ame fut émue en apprenant de quelle manière, dans une partie de l'Italie, l'intervention de la religion sut prévenir les dangers de ces changements, et comment la charité, par ses actes, fit éclater la noblesse des cœurs, nous ne pûmes cependant ni ne pouvons ne pas être profondément affligés des insultes qu'en d'autres lieux les ministres de cette religion eurent à souffrir. Quand même, oubliant notre devoir, nous passerions ces insultes sous silence, ce silence pourrait-il les empêcher de diminuer l'efficacité de nos bénédictions?

« Nous ne pouvons nous empêcher de vous dire encore que le bon usage de la victoire est chose plus grande et plus difficile que la victoire même. Si le temps présent rappelle une autre époque de votre histoire, que les enfants profitent des erreurs de leurs pères; souvenez-vous que toute stabilité et toute prospérité ont pour première raison civile, la concorde! que Dieu seul est celui qui unit les habitants d'une même demeure; que Dieu n'accorde ce bienfait qu'aux hommes d'humilité et` de mansuétude, à ceux qui respectent ses lois dans la liberté de son Église, dans l'ordre de la société, dans la

charité envers tous. Souvenez-vous que la justice seule édifie, que les passions ne savent que détruire et que celui qui prend le nom de roi des rois, s'appelle aussi le dominateur des peuples.

« Puissent nos prières monter devant le Seigneur et faire descendre sur vous cet esprit de prudence, de force et de sagesse dont la crainte de Dieu est le principe, afin que nos regards contemplent la paix sur toute cette terre d'Italie, que dans notre charité universelle pour le monde catholique nous ne pouvons pas appeler la plus chère, mais que Dieu, dans sa bonté, a voulu du moins placer plus près de nous. »

Cette magnifique adresse, jetée à travers la chute des trônes et les peuples en armes, n'obtint pas les résultats qu'on devait en attendre. La grande voix de la papauté s'écriant: Malheur à qui dans cette tempête par laquelle sont agités, arrachés et mis en pièces les cèdres et les roseaux, n'entend pas la voix du Seigneur ! » cette voix prophétique se perdit dans la tourmente révolutionnaire. Les chefs du mouvement, aveuglés par le fanatisme d'une cause qu'ils considéraient déjà comme gagnée, compromettaient celle de l'Italie par leur inintelligence et leurs passions; ils transformaient l'espoir de la liberté en effroi.

CHAPITRE SIXIÈME.

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Proclamation du général Durando. Protestation du Saint Père. Agitation. Tactique des sociétés secrètes. Prétentions du cercle

romain. Résistance du pape. lères des révolutionnaires.

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Encyclique du 29 avril.
Désordres dans la rue.

club central. Ultimatum du peuple. Sangfroid de Pie IX.

de la garde civique. bassadeur d'Autriche.

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Séance du

Réponse des ministres.

Nouveau ministère."— Mamiani. — Adresse Programme ministériel. Renvoi de l'am

Revers des armées italiennes. - Journées du 15 mai Paris, Vienne et Naples.

Le premier acte du général Durando, à son arrivée à Bologne, fut d'adresser, à la date du 5 avril, la proclamation suivante aux troupes pontificales réunies sous ses ordres :

"Soldats!

« Nous avons été bénis par la main d'un grand pontife, comme le furent nos ancêtres combattant sur la noble térre lombarde; le saint, le juste, le bon parmi tous les hommes a compris que, pour celui qui foule aux pieds tout droit, toute loi divine et humaine, la raison extrême des armes est la seule juste, la seule possible. « Le moment est venu où la compassion habituelle à son cœur serait devenue une connivence coupable avec

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l'iniquité; car il a reconnu que l'Italie, si elle ne savait pas se défendre, était condamnée, par le gouvernement autrichien, au pillage, au viol, à la cruauté d'une milice sauvage, à l'incendie, à l'assassinat, à la ruine.

« Radetzki fait la guerre à la croix du Christ.

" Pie IX béni vos épées réunies à celles de CharlesAlbert.

Vos épées doivent opérer l'extermination des ennemis de Dieu et de l'Italie, et de ceux qui ont outragé Pie. IX et profané les églises de Mantoue et assassiné nos frères lombards. Cette guerre de la civilisation contre la barbarie n'est point une guerre nationale, c'est une guerre chrétienne.

"Soldats! il convient dès lors et j'ai ordonné que tous nous portassions sur la poitrine la eroix du Christ. Tous ceux qui appartiennent à l'armée d'opération la porteront sur le cœur comme je le fais moi-même.

"Avec la croix et par elle, nous serons victorieux ainsi que le furent nos pères. Que notre cri de guerre soit: Dieu le veut! »

Profondément affligé de la manière dont le général Durando le faisait intervenir dans la question de la guerre qu'il repoussait avec tant d'énergie, le souverain Pontife protesta immédiatement par l'avis suivant inséré le 10 avril dans la Gazette de Rome:

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« Un ordre du jour de Bologne, en date du 5 août, adressé aux troupes, exprime des idées et des sentiments qu'il attribue au cœur et aux lèvres du souverain Pontife. Quand le pape fait des déclarations et manifeste des sentiments, il le fait de lui-même sans jamais recou rir à la bouche d'un subalterne. "

Pendant que les troupes autrichiennes manoeuvraient sur l'Adige et sur le Mincio, divisées en deux corps d'armée, le premier sous les ordres immédiats du feld-maré

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