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tourner avec clémence de leurs têtes les châtiments qui sont réservés aux ingrats.

"Les peuples d'Allemagne que nous avons désignés ne sauraient nous accuser, si réellement il ne nous à pas été possible de retenir l'ardeur de ceux de nos sujets qui ont applaudi aux événements accomplis contre eux dans la Haute-Italie, et qui, enflammés d'un égal amour pour leur nationalité, sont allés défendre une cause commune à tous les peuples italiens. En effet, plusieurs autres princes de l'Europe, soutenus par des forces militaires bien plus considérables que les nôtres, n'ont pas pu eux-mêmes résister aux révolutions qui, dans le même temps, ont soulevé les peuples. Et, néanmoins, dans cet état de choses, nous n'avons pas donné d'autres ordres aux soldats envoyés aux frontières que de défendre l'intégrité et l'inviolabilité du territoire pontifical.

- Aujourd'hui, toutefois, comme plusieurs demandent que, réunis aux peuples et aux autres princes de l'Italie, nous déclarions la guerre à l'Autriche, nous avons cru qu'il était de notre devoir de protester formellement et hautement dans cette solennelle assemblée contre une telle résolution contraire à nos pensées, attendu que, malgré notre indignité, nous tenons sur la terre la place de celui qui est l'auteur de la paix, l'ami de la charité, et que, fidèle aux divines obligations de notre suprême apostolat, nous embrassons tous les pays, tous les peuples, toutes les nations dans un égal sentiment de paternel amour. Que si parmi nos sujets il en est que l'exemple des autres Italiens entraîne, par quel moyen veut-on que nous puissions enchaîner leur ardeur?

Mais ici, nous ne pouvons nous empêcher de repousser à la face de toutes les nations les perfides assertions publiées dans les journaux et dans divers écrits, par ceux qui voudraient que le pontife romain présidât à la

constitution d'une nouvelle république formée de tous les peuples de l'Italie. Bien plus, à cette occasion, nous avertissons et nous exhortons vivement ces mêmes peuples italiens, par l'amour que nous avons pour eux, à sẽ tenir soigneusement en garde contre ces conseils, perfides et si funestes à l'Italie. Nous les supplions de s'attacher fortement à leurs princes, dont ils ont éprouvé l'affection, et à ne jamais se laisser détourner de l'obéissance qu'ils leur doivent. Agir autrement, ce serait non-seulement manquer au devoir, mais exposer l'Italie au danger d'être déchirée par des discordes chaque jour plus vives et par des factions intestines.

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« Pour ce qui nous concerne, nous déclarons encore fois que toutes les pensées, tous les soins, tous les efforts du pontife romain ne tendent qu'à étendre chaque jour davantage le royaume de Jésus-Christ, qui est l'Église, et non à reculer les limites de la souveraineté temporelle dont la divine Providence a doté le Saint-Siége pour la dignité et le libre exercice du suprême apostolat. Ils tombent donc dans une grande erreur ceux qui pensent que l'ambition d'une plus vaste étendue de puissance peut seduire notre cœur et nous précipiter au milieu du tumulté des armes. Oh! assurément, ce serait une chose infiniment douce à notre cœur paternel s'il était donné à notre intervention, à nos soins et à nos efforts d'éteindre le feu des discordes, de rapprocher les esprits que divise la guerre, et de rétablir la paix entre les combattants.

"En même temps que nous avons appris avec une grande consolation qu'en plusieurs pays de l'Italie et hors de l'Italie les fidèles, nos fils, n'ont pas oublié au milieu de ces révolutions le respect qu'ils devaient aux choses saintes et à leurs ministres, notre ame a été vivement affligée de savoir que ce respect n'a pas été également observé partout. Nous ne pouvons nous empêcher de dé

plorer ici devant vous cette habitude funeste qui se propage, surtout de nos jours, de publier toutes sortes de libelles pernicieux dans lesquels on fait une guerre acharnée à la sainteté de notre religion et à la pureté des mœurs, ou qui excitent aux troubles et aux discordes civiles, prêchent la spoliation des biens de l'Église, attaquent ses droits les plus sacrés, ou déchirent par de fausses accusations le nom de tout honnête homme.... í.

« Voilà, vénérables frères, ce que nous avons cru devoir vous communiquer aujourd'hui. Il ne nous reste maintenant qu'à offrir ensemble, dans l'humilité de notre cœur, de continuelles et de ferventes prières au Dieu puissant et bon pour qu'il daigne défendre sa sainte Église contre toute adversité, nous regarder avec miséricorde du haut de Sion et nous protéger, ramener enfin tous les princes et tous les peuples aux sentiments si désirés de paix et de concordeonimyor 3 Lon 19.9

Cette allocution restera dans l'histoire comme un des actes les plus magnifiques, de la papauté, comme un monumement impérissable élevé à l'honneur de Pie IX. D'un seul mot, le pape pouvait présider aux destinées politiques de l'Italie et donner son nom pour drapeau à l'Eu¬ rope démocratique; d'un seul mot, il pouvait rallier ce que les princes de la terre ambitionnent le plus au monde, la grandeur, la puissance, la gloire, la popularité; il n'a pas voulu le prononcer. Le prince s'est effacé devant le pontife, comme l'Italien devant le catholique.

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Père commun de tous les peuples, il a fait taire la voix de sa nationalité pour remplir ses devoirs, envers l'Église dont il est le chef. Il s'est rappelé qu'il se devait à l'Europe entière et non point seulement à une fraction de l'Europe. L'histoire et Dieu ne l'oublieront point. L'allocution du 29 avril est plus que l'acte d'un grand hommé, c'est l'œuvre d'un saint. Claire, énergique, précise,

courageusé, elle jette un grand jour sur la situation res< pective des partis qui se trouvaient en présence; elle prouve que la presse italienne, généralement soudoyée par la révolution, avait trompé l'Europe en attribuant au pontife des paroles qu'il n'avait point prononcées, des actes qu'il n'avait pas commis. Elle fut un coup de foudre pour les révolutionnaires.

Alors il arriva ce qu'il était facile de prévoir. Les révolutionnaires répondirent à la voix paternelle du pape par un cri de colère. Convoquant l'émeute dans la rue, ils émettent la proposition et posent nettement la question d'un gouvernement provisoire. L'une et l'autre sont repoussées. Alors leur rage contre l'objet primitif de leur culte simulé dépasse toutes les bornes; ils accusent hautement Pie IX d'avoir voulu par son encyclique exposer les troupes romainés au danger d'être considérées et traitées non comme une armée régulière, mais comme une horde de brigands; ils vont même jusqu'à prononcer les mots de parjure et de trahison.

Quelques chefs proposent d'adresser à l'Europe libérale uné protestation contre l'allocution du Saint-Père; leur motion n'est pas appuyée. A cet effet, les ministres avaient donné leurs démissions en masse; mais obéissant à la volonté souveraine, ils avaient presque aussitôt con→ senti à reprendre leurs portefeuilles, qu'ils déposèrent dé finitivement quarante-huit heures après. Dans cet intervalle, les principaux membres des clubs s'étaient réunis au cercle des négociants, palais Theodoli, pour y combiner la formation d'un ministère purement libéral et le présenter ensuite à la sanction du Saint Père. Un orateur, Mamiani, haranguant le peuple du haut du balcon, déclare, d'après le programme arrêté, qu'aucun prêtre ne sera appelé aux fonctions publiques; que Pie IX sera à la tête du gouvernement; que son premier acte sera lą

réfutation de son encyclique et la déclaration formelle de guerre à l'Autriche; qu'un bulletin officiel de la grande guerre sera publié quotidiennement; enfin que de grands avantages seront faits à la jeunesse romaine pour l'encourager à chasser les barbares de l'Italie.

Le peuple, battant des mains à ce projet, se joint à la garde civique pour occuper tous les postes, et surveiller spécialement les palais des cardinaux. Le cardinal Della Genga est surveillé à vue. La garde civique, de concert avec la troupe de ligne occupe le château Saint-Ange. La plus grande agitation règne dans Rome; tout ce qui porte un habit ecclésiastique est exposé aux insultes de la populace; le général en chef de la garde civique, le prince Rospigliosi, cherchant à rétablir l'ordre, et à dégager, sur l'invitation du Saint Père, le cardinal Bernetti, retenu prisonnier dans le palais de la chancellerie, est méconnu par ses propres officiers; un soldat même croise la bayonnette sur sa poitrine. Sa voix est sans écho; il donne sa démission.

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Comme toujours, Cicéruacchio est à la tête des émeutiers. Du Capitole il vole au palais Theodoli où les chefs du parti révolutionnaire, puissamment aidés par l'arrivée d'un nommé Fiorentino, Italien de naissance, mais Français par domicile, s'étaient constitués en permanence. Il 'se précipite dans la salle du conciliabule en s'écriant: Mort aux barbares et vive la révolution! Ses clameurs sauvages étouffent la voix plus calme de ses complices; l'un d'eux même, Mamiani, prenant la parole, lui recommande la prudence et la modération. « Notre cause est gagnée, dit-il, ne la compromettons pas aux yeux de l'Europe qui nous contemple; en révolution les sacrifices de sang finissent toujours par se tourner contre les sacrificateurs, il est rare alors que les bourreaux ne deviennent pas à leur tour les victimes. Les excès produisent toujours la réaction. »

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