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Cette école est représentée à Rome par M. Rossi, M. Rossi est chargé à Rome de faire l'essai de cette politique. Mais comme les révolutions et les conjurés manquent chez nous, il fallait créer des prétextes pour pousser le peuple à quelque mouvement violent afin de pouvoir ensuite l'écraser et l'asservir. Les faits qui sont sous nos yeux démontrent que telle est la pensée de ce ministère. »

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En réponse à ces diatribes, dont il appréciait parfai. tement le but et la portée, le comte Rossi fit insérer le 14 dans la Gazette de Rome un article qui devait en quelque sorte servir de péroraison à ses luttes politiques.

Après avoir dit que les assemblées législatives avaient fait peu de bien dans leur session précédente, le courageux publiciste terminait par ces mots:

«Tout le monde sait qu'il y a des louanges qui offensent, et des blâmes qui honorent. »

Ce document, qui appartient désormais à l'histoire, était à peine connu du public qu'un certain nombre de personnages au cœur ulcéré, à la figure sombre, se réunissaient secrètement dans la petite salle de spectacle de Capranica, Les conjurés avaient emprunté à l'amphithéâtre de l'hôpital Saint-Jacques l'acteur qui devait jouer le principal rôle dans le drame qu'ils allaient répéter pour la représentation du lendemain. Cet acteur immobile et glacé, le front livide, les lèvres crispées était déjà en seène, c'était.... un cadavre. L'heure, minuit sonnait à l'horloge de monte Citorio, le lieu, ee corps inanimé, debout, appuyé contre une coulisse du théâtre, donnaient à cette assemblée sinistre un caractère qui glaçait d'horreur, et provoquait le frisson de l'effroi n'importe; surmontant un premier mouvement de terreur, ces hommes liés par un serment terrible se partagèrent les rôles : alors l'un d'eux, à la taille élevée, au bras nerveux, à la main sûre, le menton encadré par une barbe rouge, saisissant

un poignard, s'approcha de la coulisse, et de sa main gauche découvrant dans le col du cadavre la veine qui rend la blessure mortelle, il frappa sans trembler. Le coup avait porté juste, un éclair de joie féroce passa dans les yeux des conjurés. Le succès du drame qu'ils venaient de répéter était infaillible; ils partirent en se donnant rendez-vous pour le lendemain au palais de la Chancellerie.

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Pendant que cette horrible scène se passait au théâtre Capranica et qu'un fer homicide frappait son effigie, Rossi, présidant le conseil des ministres, rendait compte à ses collègues des mesures qu'il avait prises pour la tranquillité du lendemain, jour de l'ouverture des Chambres. En contradiction avec la majorité du cabinet il désirait confier la garde du palais de la Chancellerie aux carabiniers plus sûrs, disait-il, que la garde civique composée d'éléments en partie hostiles. Persistant dans cette opinion il envoya chercher à minuit par son cocher, Joseph Decque, le colonel de ce corps qui répondant aussitôt à son appel se rangea de son avis. Cependant l'opinion contraire de ses collègues prévalut et l'on décida que la garde civique ferait le service du palais. Tout ce que Rossi put obtenir fut qu'un piquet d'élite occuperait la cour de la

Chancellerie et formerait la haie sur son passage. « Ces précautions ne me sont point personnelles, dit-il en déchirant et foulant au pied avec mépris une lettre qu'il avait reçue dans la soirée et qui contenait des menaces de mort; Dieu sait que je mourrais avec joie pour la cause que nous défendons, mais il importe dans l'intérêt de cette cause que l'ouverture de la Chambre s'opêre avec calme et dignité. Il était près d'une heure; alors levant la séance il se retira dans son appartement pour mettre la dernière main à son discours qui devait, disait-il, s'il était prononcé, rallier à la cause du pape les opinions les plus contraires. A six heures son valet de chambre le réveilla, il se fit apporter une tasse de café qu'il but dans son lit, ensuite il se leva et se remit au travail.

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A sept heures ses deux fils entrèrent dans sa chambre et lui demandèrent des billets pour assister à la séance: « Je n'en ai point, répondit leur père. Comment se peut-il qu'un premier ministre n'ait point de billets? répliqua son fils aîné, nous nous en passerons et nous trouverons bien le moyen de pénétrer dans la Chambre.

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« Je vous le défends,» s'écria Rossi avec humeur. -"Mais enfin pourquoi cela, père? ajoutèrent ses fils. -- Parce que telle est ma volonté. Vous résterez auprès de votre mère. »

Un instant après il reçut un billet cacheté aux armes de la duchesse de Rignano; il renfermait un nouvel avertissement.« Mon cher comte, lui mandait la duchesse, le plus grand danger que vous ayez jamais couru vous menace, ne sortez pas, car vous serez assassiné. Si vous ne pouvez vous dispenser de paraître à la séance d'ouverture, prenez les plus grandes précautions, il y va de votre existence. » Le ministre prenant la plume répondit aussitôt à la duchesse: « Ma chère duchesse, je vous suis très-reconnaissant de l'intérêt que vous me témoignez,

vos craintes me semblent exagérées; dans tous les cas j'ai pris mes précautions, rassurez-vous donc sur mon compte, et surtout sur celui de votre mari.

"Tout à vous,

COMTE ROSSI. "

A neuf heures, on lui annonça la visite du banquier Righetti, que le Saint Père, sur sa demande, avait nommé sous-secrétaire d'État au ministère des finances. Le calme régnait sur le front du ministre, la joie brillait dans ses yeux; comme toutes les natures fortes il jouissait à l'idée de la lutte; aussi ce fut avec un air de triomphe qu'il montra à son ami le billet qu'il venait de recevoir de la duchesse de Rignano: Ils menacent, dit-ik donc ils ont peur, et il ajouta: Ce n'est pas l'homme qu'ils veulent tuer en moi, c'est un principe fatal à leurs projets: Ils veulent ASSASSINER LA CONSTITUTION AU bénéfice de LA RÉPUBLIQUE.... Un instant après il congédia le banquier Righetti et lui donna rendez-vous à midi et demi au Quirinal. Dans cet intervalle on lui fit parvenir un nouvel avis sur le complot des conspirateurs et on lui recommandait de ne pas faire un seul pas sans être entouré de gardes: Le courage civil, lui disait-on, ne consiste pas à s'exposer à un danger qu'on peut éviter. Le courage qui brave inutilement un péril quelconque est une fanfaronnade, sinon une folie... Quelquefois, murmura Rossi, il devient un calcul politique.....

A dix heures, il déjeuna tranquillement comme à son ordinaire, cherchant à rassurer, par la sérénité de son visage et le calme de ses paroles, les inquiétudes vagues que la comtesse Rossi manifestait à son égard. Dans ce moment un de ses gens vint l'avertir qu'une personne désirait le voir pour une affaire qui le concernait et d'une importance telle qu'elle ne souffrait aucun retard. "Elle attendra cependant, répondit Rossi, les affaires de

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