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« Le marquis Bevilacqua de Bologne.
Le marquis Ricci de Macerata.
Le lieutenant-général Zucchi.

"En confiant à la dite Commission de gouvernement la direction temporaire des affaires publiques, Nous recommandons à tous nos sujets et fils le calme et la conservation de l'ordre.

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Enfin, nous voulons et ordonnons que de ferventes prières s'élèvent chaque jour vers Dieu, pour Notre humble personne et pour le rétablissement de la paix dans le monde et spécialement dans Notre État et à Rome, où sera toujours Notre cœur, quelle que soit la partie du bercail qui nous abrite. Et Nous, comme c'est le devoir du suprême sacerdoce, et avant tout Nous invoquons très-dévotement la souveraine Mère de miséricorde, la Vierge immaculée et les saints apôtres Pierre et Paul, afin que, comme Nous le désirons ardemment, l'indignation du Dieu tout-puissant soit éloignée de la ville de Rome et de tous Nos États.

" Donné à Gaëte, le 27 novembre 1848,

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Cette protestation solennelle parvint à Rome le 3 décembre: comme on devait s'y attendre, la voix du Saint Père, arrivant au cœur de ses sujets restés fidèles, produisit un effet immense. Le gouvernement révolutionnaire, dont elle prononçait en pleine liberté et en toute connaissance de cause la déchéance, voulut d'abord la tenir secrète. Il sentait que sa prétendue adoption par le Saint Père et l'accord supposé qui, disait-il, régnait entre le souverain et lui, deviendraient nuls et que tout son échafaudage de ruse et d'astuce s'écroulerait devant la déclaration officielle de Gaëte. Le cercle populaire s'en

émut et délibéra. Plusieurs propositions furent mises en avant. La proclamation de la république, conseillée par quelques membres, fut repoussée par les autres effrayés des conséquences de la déchéance du pape.

De son côté, le ministère ne resta pas inactif. Il ne pouvait révoquer en doute l'authenticité de l'acte souverain qu'il avait sous les yeux; il n'osa pas recourir à l'imposture, seule ressource qui restait à l'anarchie. Il se contenta d'abord d'en supprimer les exemplaires et d'entraver, par le sentiment de la peur, la publicité qu'il redoutait; ensuite il essaya d'élever des doutes sur sa valeur constitutionnelle. Cet argument de légiste prévalant, servit de base à la contre-protestation suivante, adressée au peuple des États pontificaux:

- Un écrit a été publié et signé, dit-on, par le souverain Pontife à Gaëte le 27 novembre, contenant une protestation de nullité relativement aux actes de son gouvernement, et nommant une commission administrative dont quelques membres se sont déjà éloignés du pays.

« Cet écrit a éveillé l'attention des députés chargés de pourvoir à la protection des droits constitutionnels et de l'ordre public.

Dans ce but la Chambre a adopté, dans la séance publique de la nuit dernière, les résolutions suivantes:

1° La Chambre des députés, reconnaissant que l'acte signé, dit-on, par le souverain Pontife, n'a aucun caractère d'authenticité, ni de publicité régulière, et que même dans le cas contraire, n'ayant aucun des caractères constitutionnels auxquels le souverain est soumis, ainsi que la nation, on ne pourrait l'exécuter; et la Chambre, devant d'ailleurs obéir à la nécessité d'avoir un gouvernement, déclare que les ministres actuels devront continuer d'exercer leurs fonctions jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné,

2o Une députation de la Chambre sera immédiatement envoyée auprès de Sa Sainteté pour l'inviter à revenir à Rome.

3o La Chambre haute sera invitée à faire une déclaration analogue et à joindre quelques-uns de ses membres à la députation qui sera envoyée à Sa Sainteté.

4° Une proclamation sera adressée aux peuples de Rome et des États pontificaux pour les informer des mesures prises par la Chambre des députés, et une autre aux gardes civiques pour les inviter à protéger l'ordre public.

« La Chambre des députés, en publiant les résolutions qu'elle a cru devoir prendre dans l'intérêt général au milieu de circonstances si graves, espère avec confiance que les peuples conserveront cette attitude ferme, vertueuse et calme par laquelle ils ont démenti jusqu'à présent les calomnies, brisé les armes de la haine et bien mérité de la patrie, etc. »

La fin de cette proclamation, écrite pour ainsi dire le lendemain des 15 et 16 novembre; ces éloges infligés comme une punition sans doute à l'attitude, ferme, vertueuse et calme d'un peuple qui avait subi avec indiffé. rence l'apothéose de l'assassinat; ces flatteries hypocri tes jetées comme un outrage à la face des hommes qui, la veille, s'étaient rendus criminels des plus coupables excès par leur attitude révolutionnaire, donnent la mesure de la bonne foi, de la franchise, de la loyauté de cette Chambre de députés. Jamais. assemblée délibérante ne porta si loin l'impudence du cynisme politique.

D'accord avec les Chambres et le cercle populaire, le cabinet démagogique nomma plusieurs députations composées, l'une du sénateur prince Corsini; la deuxième, de MM. Fusconi, vice-président du conseil des députés, et l'abbé Nizzi, député; la troisième, de MM. Pieri et Arrighi, membres du Haut-Conseil. Ces délégués partirent

aussitôt pour aller supplier le Saint Père de revenir se mettre entre les mains de ses oppresseurs. Prévenu sans doute de leurs projets, le gouvernement napolitain avait pris des mesures en conséquence. En effet, un inspecteur de police attendait les délégués sur la frontière napolitaine. Il leur demanda s'ils se rendaient à Gaëte, et, sur leur réponse affirmative, il déclara nettement que, par ordre de son gouvernement, il ne pouvait leur permettre l'entrée du royaume. La députation, désappointée, écrivit au cardinal Antonelli, créé tout récemment prosecrétaire d'État, pour lui exposer le but de sa mission; le cardinal lui adressa aussitôt en réponse une dépêche disant que, par le motu proprio du 27 novembre, Sa Sainteté avait manifesté suffisamment les motifs de son départ de Rome; que ces motifs, existant toujours, le Saint Père persistait dans ses intentions et ne pouvait, par conséquent, recevoir les députés d'un pouvoir qu'il ne reconnaissait point et qui n'avait aucune autorité.

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L'insuccès de cette démarche auquel cependant le ministère devait s'attendre, fut une nouvelle complication pour la chose publique. Les députés, humiliés de la déconvenue de leurs agents, persistèrent dans leur fatal aveuglement; l'un d'eux même, qui ne se dissimulait nullement l'illégalité de la situation, le docteur Pantaleoni, déclarant que la nécessité était une loi supérieure à toutes les lois, proposa, quoique honnête homme et dévoué à la papauté, la nomination d'une commission de cinq membres. Effrayé par cette proposition, le prince de Canino, qui veut autre chose, s'élance à la tribune: « Pas de commission, s'écrie-t-il, il nous faut une mesure décisive, une régence composée de deux laïques et d'un prêtre pour subvenir aux besoins de l'État. »

Ce que le fougueux orateur désirait, c'était un gouvernement provisoire, c'était la déchéance du souverain Pon

tife. Il était évident que le parti ultra-démocratique provoquait cette mesure pour en faire la ligne droite qui devait conduire à la République. Ainsi ne négligeait-il aucun moyen pour en faire déclarer l'urgence. On en trouve une preuve dans cette adresse du cercle populaire national à la Chambre élective:

« Députés de l'État pontifical, vous êtes le pouvoir constitué et légal de la nation, vous avez le mandat du peuple et vous ne pouvez ni ne devez abandonner ses destinées. Si la réponse négative du prince à votre adresse pouvait ébranler l'existence du pouvoir exécutif, il vous appartiendrait, attendu qu'aucun pays ne peut subister sans gouvernement, de confier immédiatement des pouvoirs extraordinaires à des hommes honnêtes, généreux, expérimentés, capables de se mettre à la hauteur des circonstances. Ce serait chose urgente. Cette adresse se terminait par l'injonction de convoquer immédiatement, à Rome, l'assemblée constituante italienne.

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Sur ces entrefaites, un grand nombre de dignitaires ecclésiastiques et civils, ainsi que des personnages appartenant à la haute société romaine, quittèrent Rome pour se soustraire à l'action de l'autorité usurpatrice. Les bruits d'une réaction prochaine en faveur du pape prenaient chaque jour de la consistance. Les provinces éloignées, Bologne et les légations ne prêtaient qu'illusoirement leur concours au gouvernement. Les députés de Bologne, Marco Minghetti, Carlo Bevilacqua, Annibal Banzi, Giorannardi et Pizzoli donnaient leur démission. Plusieurs autres villes rappelaient leurs mandataires. De son côté, le général Zucchi rompait ouvertement avec les autorités démagogiques.

La situation des Romains devenait donc de plus en plus critique; enfin entraîné par l'implacable logique des ré

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