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volutions, le parti démagogique, placé entre l'indignation de l'Europe et le ridicule, consomma un nouvel acte de révolte et d'usurpation. En effet, le 11 décembre, le ministère, le Haut-Conseil et la Chambre élective nommèrent une junte d'état gouvernementale pour remplacer le troisième pouvoir. Cette junte gouvernementale ne devait, pour ainsi dire, exister que dans les proclamations démagogiques, puisque le sénateur Zucchini, protestant de sa fidélité au Saint Père, refusa d'en faire partie. Délibérée sous l'action de la violence, elle avait été votée sous la pression de la peur, car il faut bien le dire, le châtiment commençait pour les députés qui, du jour qu'ils s'étaient crus libres, avaient perdu leur indépendance. Leur fauteuil teint du sang du comte Rossi était pour eux la sellette des condamnés; leur supplice, se renouvelant chaque jour, commençait au bas du fatal escalier, où le meurtre, naguère, s'était posé en libérateur. Chaque jour ils étaient accueillis par des groupes menaçants leur intimant avec hauteur des votes conformes à leur volonté; chaque jour ils apercevaient dans les tribunes publiques des regards fauves fixés sur eux, et des figures sinistres disposées à leur demander compte, avec le poignard, de ces mêmes votes qu'ils devaient donner publiquement.

Une junte usurpatrice des pouvoirs qui n'appartenaient qu'au souverain, des Chambres opprimées, un ministère débordé par les passions de la rue, un gouvernement plongé dans l'anarchie, la menace de la république, de la boue délayée avec du sang, l'injustice inféodée à la peur, le désordre substitué à la sécurité publique, telle était la situation de Rome, le 11 décembre 1848.

Depuis le départ du Pape, Rome était un navire désemparé, naviguant sans voiles, sans boussole au milieu des récifs, et n'ayant pour équipage, que des eunuques frappés de cécité.

CHAPITRE TREIZIÈME.

Nouveaux efforts pour le rappel du pape. Préliminaires d'une assemblée constituante. Mouvement et désordres. Proclamation

illusoire.

-

Un escamotage. Démission des principaux chefs de la garde civique. Départ des cardinaux. - Divers actes de Pie IX. Fête religieuse. Le corps diplomatique à Gaëte. Une barangue de Pie IX. Fidélité d'un détachement de carabiniers. Seconde protestation pontificale. Une séance solennelle. - Energique résolution de quelques députés. Violences populaires. Projet de loi relatif à l'nssemblée constituante. Dissolution du parlement romain. Démission du prince Corsini.

lois.

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Violation des

La municipalité romaine se retire. Joies officielles. Indifférence du peuple. Cardinal Tosti. Grandeur d'ame. Fin de l'année 1848.

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Le cardinal Castracane et les autres membres de la com. mission du gouvernement résidant à Rome, monseigneur Roberto Roberti et le prince Barberini avaient à peine reçu leur nomination qu'ils s'empressèrent d'écrire à Sa Sainteté, pour lui témoigner leur gratitude et accepter le mandat qu'il leur accordait.

Dans cet intervalle, les ministres intrus avaient fait de nouveaux efforts tendant à rappeler le Saint Père en ses Élats, pour le salut de Rome et de l'Italie; ils avaient même chargé le marquis Sachetti, l'intendant général des palais apostoliques, de porter au souverain Pontife une

lettre conforme à ce désir; mais pour toute réponse, le secrétaire d'État, cardinal Antonelli, avait remis au marquis Sachetti une copie du motu proprio qui révélait à l'univers les violences faites au Saint Père, et déclarait nuls, illégaux, sans fond ni valeur les actes qui en avaient été la conséquence. De plus le cardinal y joignit une copie de l'ordonnance suivante, que le pape avait fait remettre au cardinal Castracane:

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• Ayant égard à la gravité des circonstances présentes, et vu l'article XIV du statut fondamental, Nous prorogeons la session actuelle du Haut-Conseil et du Conseil des députés, Nous réservant de déterminer plus tard le jour de leur nouvelle convocation, et nous ordonnons au cardinal Castracane, président de la commission par nous instituée, le 27 novembre dernier, de faire connaître aux deux conseils cette décision souveraine.

"Donné à Gaëte le 7 décembre 1848. »

Les événements se précipitaient. Les démagogues, réduits à l'état d'impuissance, récoltaient dans l'anarchie les fruits amers qu'ils avaient semés dans la révolte. En effet, la révolution, se trouvant trop à l'étroit dans la forme politique inaugurée depuis le départ du Saint Père, fit distribuer par ses agents, dans la soirée du 17, un écrit annonçant qu'une démonstration allait avoir lieu auprès du ministère, afin d'obtenir la convocation de la Constituante à Rome. Les patriotes et les hommes de bonne volonté étaient invités à se rendre sur la place du peuple, rendezvous général en ce point de départ de la manifestation. Cinq cents personnes s'y rendirent aussitôt. Puis, à un signal donné, cette troupe, précédée d'un drapeau du cercle populaire, de deux tambours du corps des carabiniers, se mit en mouvement, à la lueur des torches, pour

se rendre au Quirinal, où le cabinet était réuni. Alors une députation, se détachant de la colonne, alla présenter aux ministres l'expression des désirs de la bande. Ceuxci, qui auraient promis les étoiles du ciel si les révolutionnaires avaient fait une démonstration pour les demander, donnèrent l'assurance que le lendemain il serait fait droit aux justes désirs du peuple. Satisfaite de cette réponse, la manifestation se dispersa. Le lendemain, le ministère venait de publier une proclamation par laquelle il recommandait l'ordre et la tranquillité, déclarant que si le peuple avait le droit de faire des adresses, elles devaient être présentées, non point au pouvoir exécutif, mais aux Chambres, lorsque tout à coup les tambours battent la générale et convoquent la garde civique, qui se porte sur divers points de la ville, afin d'assurer le maintien de l'ordre. Un fort détachement occupe la place de la Chancellerie, où, comme on le sait, la Chambre élective tenait ses séances. Des postes sont placés au pied du grand escalier et à l'entrée des tribunes. De nombreuses patrouilles parcourent tous les abords du palais qu'on disait menacé. Pendant ce temps, le cercle populaire publiait cette proclamation illusoire:

"Romains,

« Toute démonstration est suspendue. Le cercle populaire national a déjà pris toutes les mesures dans le but de pourvoir au bien du pays. Une députation régulière se rendra aujourd'hui même auprès du ministère et des Chambres, pour qu'il soit pris une prompte décision sur l'adresse formulée et unanimement approuvée à Forli, par les députés des divers cercles de la Romagne et des Marches.

"Romains! union et concorde. Le moment est solennel, donnons à l'Italie et à l'Europe' entière un nouvel exemple de vertu civique. »

Comme on le voit par ce document, le cercle populaire était ce jour-là maître de Rome. Ce fut sous sa pression et sur la demande de Caninò que l'avocat Galetti se vit nommé membre de la junte supérieure de gouvernement, en remplacement du sénateur bolonais, démissionnaire. Le Haut-Conseil ratifia servilement cette élection, imposée à la Chambre des députés par le cercle populaire. A dix heures du soir, tous les délégués des différents cercles de Rome se réunirent et votèrent, après une discussion tumultueuse, une adresse aux Chambres, exigeant la formation d'un gouvernement provisoire, composé de trois membres choisis parmi les noms suivants: Campello, Galetti, Sturbinetti, Guiccioli, Camerata et Gallieno. Les trois élus devaient convoquer immédiatement la constituante de l'État, sinon les cercles aviseraient.

Ainsi, ce n'était plus seulement une constituante italienne, une assemblée fédérative que voulaient les révolutionnaires, c'était une constituante romaine, qui, après avoir détruit pièce à pièce l'autorité du Saint-Siége, aurait fait place à une convention.

Cependant, la garde civique ne s'était point encore prononcée collectivement sur ce point; les meneurs résolurent d'escamoter son adhésion, ils y réussirent complètement, le lendemain 19, en employant une manœuvre qui prouve leur habileté dans l'initiative du mal autant que la faiblesse des honnêtes gens dans la résistance du bien.

Depuis quelques jours, des nuées d'étrangers suspects, attirés par les senteurs de la révolution comme certains oiseaux carnassiers le sont par l'odeur des cadavres, s'étaient abattus dans les rues de Rome. Ils étaient nom、 breux, car la France républicaine, la Pologne insoumise, la Sicile révoltée et Livourne, entrepôt maritime de l'écume européenne, avaient fourni leur contingent d'agi

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