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tout tout ce qui pourrait ressembler à une coaction quelconque.

« Il serait enfin à désirer vivement que ces mêmes gouvernements catholiques envoyassent à Rome des personnes prudentes qui donnassent de la force au parti modéré, afin d'empêcher que l'on en arrive à une scission complète avec le souverain Pontife. Le gouvernement de sa Majesté croit que ce serait l'unique moyen favorable pour régler les affaires dans l'intérêt du saint Père, de la religion et des États pontificaux. C'est dans ce sens qu'il a déjà donné ses instructions aux représentants du roi à Gaëte et à Rome.

J'aime à espérer que le cabinet espagnol voudra bien être convaincu que cette réponse a été dictée par les mêmes sentiments qui ont inspiré l'excellente pensée à laquelle tend le projet à moi communiqué.

"Dans cette confiance entière, je profite de cette occasion pour vous offrir, monsieur le chevalier, l'assurance de ma considération la plus distinguée.

Le président du conseil, "GIOBERTI.

Le cabinet de Madrid répondit énergiquement à cette note qu'il ne connaissait point l'Italie, ne formant, dans le concert européen, que de petits États indépendants les uns des autres, et disséminés avec plus ou moins d'importance sur la carte géographique de la Péninsule.

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Pendant ce temps, l'état politique et morál de la Toscane prenait chaque jour un caractère plus alarmant. Les chefs de la révolution, devenus ceux du gouvernement, précipitaient le pays dans une série de calamités publiques qui devaient bientôt se traduire par des catastrophes. Le ministère venait de faire voter sous la pres

sion des cercles et des clubs la nomination des députés à la constituante romaine.

L'indifférence des honnêtes gens, laissant le champ libre aux cris, aux déclamations, aux menaces même des meneurs, ceux-ci se livrèrent aux plus coupables excès. Le lendemain de la nomination des députés ils se portèrent en masse à la cathédrale, exigeant que l'archevêque chantât un Te Deum en l'honneur de la constituante, mais sur le refus motivé du prélat, déclarant qu'il n'avait point reçu à ce sujet les ordres que l'autorité seule pouvait donner, ils envahirent la cathédrale et de là ils se ruèrent sur le palais épiscopal, brisant les vitres, les portes et maltraitant tout ce qu'ils trouvèrent sur leur passage. Plusieurs fois déjà les troubles de la rue s'étaient teints de sang. La détresse, la discorde et la violence régnaient dans un des pays naguère les plus paisibles, les mieux gouvernés et les plus heureux de l'Europe. Le grand duc Léopold, le père plutôt que le souverain de ses sujets, avait dû fuir sa capitale pour éviter le sort de l'infortuné Louis XVI et n'avoir point à sanctionner le décret de la constituante italienne avec mandat illimité. Sa conscience de prince régnant et de catholique avait reculé devant les censures de l'Église; une lettre autographe du Saint Père l'avait confirmé dans son refus de sanction.

Dès que le départ du grand duc avait été connu, les meneurs et les membres du cercle populaire s'étaient rassemblés pour haranguer le peuple sur la situation nouvelle que créait la fuite du chef de l'État, et le peuple, égaré par leurs perfides insinuations, avait immédiatement demandé la formation d'un gouvernement provisoire. A ce sujet on envoya une députation de douze citoyens aux Chambres législatives pour leur soumettre les désirs de la multitude. Déjà on avait dressé sous le por

BALLEYDIER. I.

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tique de l'Orgagna deux bannières tricolores, offrant aux regards cette inscription tracée en caractères gigantesques:

Vive le gouvernement provisoire!

Vive le peuple souverain!

A l'union du peuple toscan!

Au triomphe de la démocratie!

Sur d'autres points de la ville on lisait la proclamation suivante émanée du cercle populaire:

« Le peuple de Florence considérant que la fuite de Léopold d'Autriche est une violation de la constitution et laisse l'État sans gouvernement; considérant que le premier devoir du peuple, seul souverain, est de pourvoir à l'urgence des circonstances, se rendant, en outre, l'interprète des provinces sœurs, nomme un gouvernement provisoire dans les personnes des citoyens Joseph Montanelli, F. D. Guerrazzi, J. Mazzoni qui exerceront tour à tour la présidence, et leur confie la haute direction des affaires politiques et, au nom de l'Italie, l'honneur toscan, à condition que la forme définitive de gouvernement pour la Toscane devra être établie par la constituante italienne, à Rome, et qu'en attendant, le gouvernement provisoire s'unira et s'attachera à celui de Rome, afin que les deux États, aux yeux de l'Italie et du monde, n'en forment plus qu'un seul.

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De la place du Peuple, le 8 février 1849.

"Signé pour le peuple, le bureau du cercle populaire:
« A. ABORDINI président; G. B. NICCOLINI,

G. B. CIONI vice-présidents; DRACO-
MANNI Secrétaire. »

Il était évident que les révolutionnaires manœuvrant d'ensemble comme un seul homme, avaient jeté les yeux

sur Rome, pour en faire la base de leurs opérations démagogiques, et la dépouiller plus sûrement ensuite, des priviléges qui en ont fait la reine du monde. Partout, l'œuvre de la dissolution politique et sociale procédait et se poursuivait de la même manière. Imprudents copistes des tragédiens du 24 février, les meneurs arrivés momentanément au terme de leurs ambitieuses espérances et désireux de se garder l'avenir, corrompaient les sources morales du pays en envoyant dans les provinces des empoisonneurs décorés du titre de commissaires extraordinaires et munis de pleins pouvoirs pour destituer, remplacer les fonctionnaires probes, les municipalités consciencieuses, tous ceux enfin qui prêtaient un cœur honnête au maniement des affaires publiques.

De leur côté, les clubs jaloux de la suprématie souveraine, expédiaient des agents secrets pour propager leurs doctrines et activer le mouvement trop lent au gré de leurs désirs; toutes les idées du droit et de la justice étaient bouleversées; toutes les notions du bien et du mal étaient confondues; chaque jour les peuples de l'Italie, traînés à la remorque des révolutionnaires, faisaient un pas de plus vers leur perte. Dans ces circonstances fatales et sous ces tristes auspices, s'ouvrit l'Assemblée constituante romaine.

FIN DU TOME PREMIER.

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