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On touchait alors aux derniers jours de 1847. Une lutte héroïque, mais inégale, venait d'ensanglanter les cantons catholiques de la Suisse. La brutalité de la force l'emportant sur la raison du droit, ressuscitait les mauvais jours des Zwingle et des Münzer: l'épée du radicalisme protestant, aidée par la trahison, avait frappé au cœur la juste cause du Sonderbund. James Fazy triomphait à Genève. Ochsenbein, général des corps francs, remplaçait, à Berne, Neuhauss, chef du parti modéré. Le sang catholique fumait sur les bords de la Reuss, lorsque Mazzini, quittant Londres, arriva subitement à Berne. Il y fut bientôt suivi par Heinsein, l'audacieux pamphlétaire de l'Allemagne méridionale. Le premier soin de ces deux chefs fut d'appeler à eux plusieurs délégués des associations révolutionnaires de la France, de l'Allemagne et de

l'Italie; le second fut de se constituer en congrès. Tandis que ces ennemis de l'ordre social, mettant à profit la victoire des corps francs, se concertaient sur les moyens les plus propres à étendre l'influence radicale en Europe, la nouvelle de la prise de Lucerne et de la capitulation des cantons primitifs arriva comme un coup de foudre à Rome. Les catholiques sincères en furent consternés, les sociétés secrètes entonnèrent un chant de triomphe qui devait retentir douloureusement au cœur du chef suprême du catholicisme. L'opinion de la bourgeoisie, depuis longtemps égarée par l'ignorance complète des faits et des principes les plus élémentaires du droit et de la justice, accueillit avec transport le triomphe que la tyrannie protestante venait de remporter sur l'indépendance catholique. Les meneurs attendaient, la tourbe était prête; à un signal donné, une colonne d'individus qui, pour la plupart, ne connaissaient pas le premier mot de la question suisse, se précipitent dans la rue du Corso, ils rallient sur leur chemin un grand nombre d'ouvriers étrangers, un plus grand nombre encore d'oisifs et de curieux, avec l'attirail habituel des mises en scène révolutionnaires, la colonne s'avance en poussant les cris ordinaires de la démagogie, les torches s'allument; quelques maisons, ignorant les motifs de la manifestation, illuminent; les drapeaux des Rionis flottent au vent; les cris de: Vive Pie IX! se mêlent à ceux de: Vive la Diète! Monstrueuse alliance! D'autres cris plus explicites encore se croisent et s'entremêlent; le cortége arrive ainsi sous les fenêtres de la légation suisse. Là, les vociférations redoublent; aux cris de: Vive la confédération! vive Gioberti! vive la Suisse! se mêlent ceux de: A bas les jésuites! et cette scène se prolonge fort avant dans la soirée, sans qu'une voix s'élève contre ces démonstrations attentatoires à la liberté autant qu'au catholicisme.

Le gouvernement ne pouvait rester indifférent au scandale donné au monde catholique par les factieux; peutêtre aurait-il pu le prévenir; il le blåma sévèrement en déclarant, par la voix du journal officiel, qu'il s'occupait à prendre toutes les mesures qui se trouvaient en son pouvoir pour empêcher le retour de semblables désordres. Dans cet intervalle, son Éminence le cardinal Altieri, l'un des membres les plus distingués du sacré collége, par ses qualités de cœur et d'esprit autant que par l'illustration de sa naissance, avait ouvert, en sa qualité de président, le conseil municipal créée par le motu proprio du 4 octobre précédent.

Son discours d'ouverture est un document historique que nous devons reproduire ici:

« Messieurs,

"Par la puissance merveilleuse de sa parole, l'ange tutélaire de Rome, l'immortel Pie IX, vient de rendre au Capitole sa vie et sa splendeur. Quelques mois lui ont suffi pour préparer, ordonner et terminer une œuvre à laquelle ceux de ses prédécesseurs qui y mirent la main consacrèrent leur vie toute entière. Les difficultés que devait rencontrer sa pensée créatrice, étaient grandes, nombreuses, presque insurmontables; mais quand il s'agit du bien du peuple qui lui est si cher, il n'est pas d'obstacle que Pie IX ne sache vaincre. Il ne se demande pas si l'œuvre est difficile; il en méconnait l'utilité et il n'hésite plus.

"Par une coïncidence qu'on ne peut s'empêcher de regarder comme providentielle, le même jour que l'immortel Pie IX signait le décret reconstituant d'un sénat romain, il reconstituait le patriarchat latin de Jérusalem, de sorte qu'au même instant la même main restituait leur antique gloire à la première des villes de l'Orient,

au berceau du christianisme, et à la cité qui a toujours été et qui sera toujours la première entre les capitales du monde.

« Ce fut un jour heureux pour moi, messieurs, que celui où Sa Sainteté me confia le poste si honorable de président de la commission chargée de lui présenter les bases sur lesquelles le nouvel édifice du Capitole devait être assis. Il m'a donné l'occasion d'être témoin de l'intelligence et du zèle que déployèrent les membres de cette commission à qui l'on est redevable de la promptitude et de la perfection du travail que nous avons dé posé aux pieds du Saint Père et que Sa Sainteté a accepté avec tant de bienveillanee. Aujourd'hui je m'estime plus heureux encore, puisque je suis appelé à présider, sous les auspices des paroles encourageantes de notre souverain adoré et ceux de la joie universelle, cette imposante assemblée, le premier conseil de la métropole sainte. Ces quelques paroles du saint pontife ont servi à vous faire comprendre l'importance de la charge dont vous êtes revêtus et les obligations qu'elle vous impose.

« Ce serait abuser de votre indulgence et consumer un temps précieux que d'y en ajouter d'autres pour vous engager à remplir dignement vos devoirs. Je me permettrai seulement de vous rappeler que chacun de vous doit considérer comme ayant une très-grande portée l'acte par lequel vous allez inaugurer vos fonctions. Vous devez donner à Rome un premier magistrat digne de son estime et de sa confiance, capable de protéger et de faire fleurir de plus en plus ses intérêts légitimes, et digne en même temps de la confiance du souverain.

«En vous assurant de la constance et du zèle que j'apporterai sans cesse à vous prêter aide et appui, je réclamerai de vous, messieurs, en retour, du calme dans les discussions, une prudence éclairée dans vos déci

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sions, afin que la modération d'une part, et la sagesse. de l'autre, servent d'exemple, concourent à la gloire de notre patrie commune, et soient la récompense de notre souverain, le restaurateur de la représentation romaine. »

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La nomination d'un sénat était l'acte qui devait inaugurer l'entrée en fonctions des membres de la municipalité. Leurs voix se portèrent sur le prince Corsini, respec

table par son nom, son âge et son immense fortune, dont il compte faire un noble usage. ¡.;

Sur ces entrefaites, le pape, représentant des idées d'ordre, de justice, de vrai progrès, en un mot, bouclier de la civilisation chrétienne, publiait un nouveau motu proprio relatif à la constitution du ministère et du conseil des ministres.

Après l'institution de la consulte d'État et de la municipalité romaine, il fallait, pour que tous les rouages du gouvernement correspondissent à un centre unique, ainsi que le souverain le dit lui-même, il fallait réformer les divers règlements devenus inutiles par suite de ces deux décrets, il fallait mettre le conseil des ministres lui-même en rapport avec les nouvelles institutions. Par ce troisième édit, complément des deux précédents, le pape voulant donner à chaque ministère une sphère d'action qui lui fût propre, lui imposa avec l'indépendance une responsabilité qui, en descendant des fonctionnaires les plus élevés jusqu'aux employés les plus subalternes, donnait au gouvernement la garantie générale à laquelle doivent être soumis tous ceux qui concourent à l'administration de la chose publique. Par ce système, le gouvernement présentait, dans son ensemble et dans ses détails, l'application d'une théorie politique, uniforme et rationnelle.

Au conseil de ses ministres, le pape adjoignit un corps d'auditeurs composé d'hommes habiles et expérimentés

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