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INTRODUCTION.

La perfection n'est pas de ce monde. La société se composant d'éléments humains essentiellement faibles, et naturellement portés à la déviation, il est évident que l'édifice social doit parfois avoir besoin de rectification.

L'élément monarchique, fondé par le christianisme sur l'autorité qui découle de la loi divine et fortifié depuis des siècles par l'influence du catholicisme, tendait, il y a soixante ans, à s'écarter de son point de départ; il déviait à sa base; de sages et d'utiles réformes devenaient donc nécessaires; qui pourrait le nier?

Malheureusement, depuis la paix de Munster et le traité de Westphalie, fatal au point de vue catholique, la voix des papes, ces puissants réformateurs du moyen âge, n'avait plus qu'un faible écho dans

le conseil des princes de la terre. L'erreur, sanctionnée du lutheranisme, marchant au niveau de la vraie foi, avait singulièrement affaibli l'influence politique de la papauté.

Les hommes qui se mirent alors à la tête du mouvement réformateur s'étaient franchement, ouvertement déclarés les ennemis du christianisme, qui seul a reçu de Dieu autorité pour enseigner le monde. La philosophie, usurpant les pouvoirs du catholicisme, ouvrit la porte aux révolutions, le jour qu'elle dit aux hommes: « Vous êtes égaux! » Immense erreur! Les hommes ne sont métaphysiquement égaux que devant Dieu. Ce principe égalitaire, habilement exploité par les sociétés secrètes, créa dès lors le niveau fatal qui menace aujourd'hui la société, et qui tend au chaos pour reconstruire un nouveau monde impossible.

Depuis soixante ans, les sociétés secrètes ont tellement bouleversé l'Europe qu'elles l'ont réduite à la terrible alternative du fameux: To be or not to bé, être ou ne pas être.

La situation critique dans laquelle se trouve aujourd'hui l'Europe, est-elle la conséquence immédiate et naturelle de l'action destructive des sociétés secrètes?

Cette proposition est résolue par l'affirmative. Prouvons-le donc en jetant un coup d'œil rétrospectif sur la marche mystérieuse de ces sociétés, et sur les moyens qu'elles ont pris pour arriver à l'exécution de leurs projets sur l'Italie. Nous rencontrerons à chaque instant les traces flagrantes de la con

spiration qui a servi de préface à la république romaine, qui n'est elle-même que l'appendice de la république française. Remontons le cours de quelques années.

Nous avons sous les yeux une brochure sans nom d'auteur, qui, sous la forme d'un appel à l'Italie, contient les lignes suivantes. L'anonyme, après avoir fait un éloge pompeux de la religion et cité comme argument cette parole du Christ: Mon royaume n'est pas de ce monde,» s'écrie:

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Italiens! Dieu a créé tous les hommes égaux. Apprenez que ce qu'on appelle le libéralisme a pour but de vous remettre en possession de vos droits inaliénables. Il y a des hommes qui veillent pour vous, et pour qui la régénération de l'Italie est le stimulant de leur ame. Ils se hâtent de faire luire le jour où elle devra s'accomplir. Dans ce jour fatal, rappelez-vous que la valeur l'emporte sur la force et que l'audace se rend maîtresse du sort. Maintenant que les événements graves approchent, que la catastrophe va éclater, il faut que chaque Italien ait un cœur qui sente, un visage qui dissimule, une main qui agisse.

« Honneur à la confédération italienne!... Oh! je le vois... Voyez comme il est terrible, et comme il resplendit d'une lumière sanglante, ce jour gros de la colère de Dieu et de la vengeance des peuples. Terrible catastrophe, le parjure aura sa récompense aussi bien que la tyrannie. Dieu écrit sur les trônes renversés: ce n'est pas en vain qu'on enfreint les lois de la vérité, de la justice et de la religion.

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Point de doute. Les trônes signalés ainsi à la vengeance des peuples devaient être ceux de Pie IX. de Ferdinand II, de Léopold de Toscane, de Charles Albert, ceux enfin des princes régnant sur les autres États de l'Italie. Plusieurs de ces trônes se sont effectivement écroulés; mais le brast de Dieu, secondé par celui des hommes, les a relevés bientôt, après s'être tourné contre les démolisseurs.

Un autre petit volume paraît à Lugano le 25 octobre 1833. Nous y trouvons à toutes les pages les mêmes intentions, les mêmes idées; chaque ligne est une menace, chaque mot un cri de vengeance; l'encre est du sang et le signet un poignard.

Dans les premiers jours de juin 1846, Ricciardi, littérateur de mérite, mais athée par calcul, d'accord avec cet axiome politique: « les écrivains sont les pionniers des révolutions; » Ricciardi prend la plume et recommande à ses compatriotes, l'union, la réunion en un seul faisceau de toutes les opinions diverses. Vous n'avez rien à attendre des princes, leur dit-il; puis il ajoute, que lors même que les princes voudraient faire le bien, leurs peuples devraient exiger avant toute chose l'indépendance de l'Italie. Il est plus explicite encore; écoutez-le: « Pour acquérir cette indépendance, il faut la révolution et la guerre; il faut mettre de côté toutes considérations dérivant du progrès des lumières, du progrès de la civilisation, du progrès de l'industrie, de l'accroissement des richesses et de la prospérité publique »> (chap. V).

Dans son chapitre VI, l'écrivain, après avoir fait le procès de tous les princes italiens, attaque la papauté corps à corps; il efface l'histoire d'un trait de plume; il déchire les pages empreintes de cette lutte immense qui a laissé derrière elle les noms impérissables des Guelfes et des Ghibelins; enfin, il ment à la conscience des peuples en rendant les papes responsables de tous les maux que l'Italie a soufferts depuis Constantin.

Dans le chapitre VII, alliant le cynisme du mensonge à l'effronterie de l'ignorance, il prétend que l'alliance entre Rome et Vienne, entre les empereurs et les souverains pontifes, a été, de tous temps, le plus grand obstacle à la régénération de l'Italie.

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Dans le chapitre XI, l'écrivain, initié aux mystères de la secte, compare l'Autriche à la statue de Nabuchodonosor, composée de métaux divers et reposant sur des pieds d'argile. Il devient prophète, et prévoit, dans un avenir rapproché, de terribles commotions, qu'il appelle de tous ses vœux, mais qui ne répondront point à ses espérances.

Le chapitre XII dévoile le secret des hommes dont Mazzini est le grand-prêtre. Ricciardi appelle à son aide l'autorité du scepticisme fait homme; il recommande aux révolutionnaires d'épargner à Grégoire XVI la médecine violente recommandée jadis par Machiavel (page 84). « Je crois, dit-il, je crois que notre cause sainte serait tachée par l'assassinat d'un vieillard, outre qu'il ne suffirait pas d'étouffer le pape, car il faudrait assassiner jusqu'au dernier cardinal, jusqu'au dernier prêtre, jusqu'au dernier religieux de tout l'u

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