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la proclamation suivante, datée le 10 février, de SainteMarie-Majeure:

"Romains!

Le pontife qui, depuis près de deux années, a reçu de vous tant de marques d'amour et de fidélité, n'est sourd ni à vos craintes, ni à vos voeux. Nous ne cessons de méditer par quel moyen nous pouvons, sans manquer à nos devoirs envers l'Église, étendre et perfectionner les institutions que nous vous avons données sans y être contraint par aucune force, mais inspiré uniquement par notre ardent désir de rendre nos peuples heureux et par l'estime que nous faisons de leurs nobles qualités.

« Nous avions déjà pensé à l'organisation de la milice avant que la voix publique la réclamât, et nous avons cherché à vous procurer du dehors le concours d'officiers dont l'expérience militaire pût venir en aide au bon vouloir de ceux qui servent le gouvernement pontifical d'une manière si honorable. Déjà, pour élargir la sphère à ceux qui, par l'expérience et l'intelligence des affaires, peuvent concourir aux améliorations, déjà nous avions pensé donner une plus grande part à l'élément laïque dans notre conseil des ministres. Si l'accord des princes de qui l'Italie a reçu les réformes, est une garantie de ces bienfaits accueillis avec tant de joie et de reconnaissance, nous y contribuons de notre part en conservant, en resserrant avec eux les rapports de la plus sincère amitié et bienveillance.

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« Rien, ô Romains et sujets du Saint-Siége, rien de ce qui peut contribuer à la tranquillité et à l'honneur de l'État, ne sera négligé par votre Père et votre souverain, qui vous donné et qui est prêt à vous donner encore tant de preuves de sa sollicitude paternelle s'il réussit à obtenir du ciel que Dieu répande dans les cœurs italiens

l'esprit de paix et de sagesse. Dans le cas contraire, il résistera, avec l'aide des mêmes institutions qu'il a données, à tout mouvement désordonné, à toutes les demandes contraires à ses devoirs ainsi qu'à votre bonheur.

<< Romains! écoutez la voix rassurante de votre Père, et fermez l'oreille à ces cris sortis de bouches inconnues, et qui tendent à agiter les peuples de l'Italie par la crainte d'une guerre étrangère. Les gens qui poussent ces cris vous trompent; ils veulent vous porter, par la terreur, à chercher le salut dans le désordre, ils désirent confondre par le tumulte les conseils de ceux qui gouvernent, et par cette confusion, donner un véritable prétexte à une guerre qui, privée de ces conditions, serait impossible contre nous. A quel péril, je vous le demande, l'Italie peut-elle être exposée tant qu'un lien de gratitude et de confiance, pur de tout alliage de violence, unira la force des peuples à la sagesse des princes, à la sainteté du droit?

- Nous surtout, chef de la très-sainte Église catholique, croyez-vous que si nous étions injustement attaqué, nous ne verrions pas accourir à notre défense une foule innombrable d'enfants qui viendraient protéger la maison paternelle, le centre de l'unité catholique? Quel magnifique don que celui dont parmi tant d'autres le ciel a comblé notre pays! trois millions de nos sujets possèdent, parmi les peuples de toutes les nations et de toutes les langues de la terre, deux cents millions de frères. En des temps bien différents, lors de l'écroulement de l'Empire romain, l'unité catholique fut l'ancre de salut qui préserva de la ruine Rome et l'Italie elle-même; elle sera notre plus sûre garantie tant que, dans son centre, résidera le siége apostolique.

« A cette fin, ô grand Dieu! bénissez l'Italie, conservezlui le plus précieux de tous les dons, la foi! Bénissez-la

de cette bénédiction que le front courbé sur la térre, votre vicaire implore avec humilité. Bénissez-la de cette bénédiction qu'implorent pour elle les saints auxquels elle a donné la vie, la reine des saints qui la protége, les apôtres dont elle conserve les reliques, et votre Fils fait homme qui a voulu que cette Rome fût la résidence de son représentant sur la terre. »

L'effet de cette proclamation fut immense! Le peuple, dont les instincts ne se trompent jamais quand ils ne sont point égarés par le mensonge et l'astuce des hommes pervers, le vrai peuple, versa des larmes: les conjurés seuls, insensibles devant les supplications du pontife, résolurent d'en atténuer les conséquences favorables. Ils représentèrent la péroraison de cette adresse aux Romains comme le lien qui rattachait Pie IX à la ligue des sociétés secrètes engagées contre la puissance de l'autorité. Le pontife avait dit: Grand Dieu, bénissez l'Italie! ils persuadèrent au peuple que, dans le cœur et sur les lèvres du souverain, l'Italie était le synonyme de la révolution. Le mal allait en augmentant; l'audace des uns, grandissant en proportion de la faiblesse des autres, précédait le jour où, devant l'action des partis, la résistance deviendrait impossible. D'un coup d'œil inquiet, le pape avait mesuré les difficultés de la position; alors sentant trembler sur son front et dans ses mains la couronne et le sceptre de sa puissance temporelle, il voulut tenter un suprême effort. Il convoqua au Quirinal les quatorze chefs de bataillon de la garde civique. C'était le 11 février, à quatre heures du soir; comme le ciel voilé de nuages, le front du pontife était sombre; un air de souffrance remplaçait, sur ses lèvres légèrement pâlies, son sourire habituel; ses yeux fatigués indiquaient qu'il avait longtemps prié avec ses larmes; sa voix seule avait conservé l'énergie qui convient à la puissance du droit, à l'autorité du malheur.

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Je vous ai appelés auprès de moi, messieurs, leur dit le souverain, pour vous demander si je peux compter sur votre concours et sur votre fidélité?» « Sur nous! oui, très-saint Père, répondirent les chefs de corps. -Pour vous demander encore, reprit le pape, si je dois compter sur le concours et la fidélité de la garde civique? » Les chefs de corps s'inclinèrent pour toute réponse. Je le prévoyais!» dit le Saint Père en levant les yeux au ciel comme pour offrir à Dieu le sacrifice de son représentant sur la terre. Puis, après un moment de silence solennel, il reprit avec calme et sans trahir aucune émotion:

Messieurs,

<< La circonstance est tellement impérieuse, les choses fatales se pressent et se succèdent avec tant de rapidité, que je dois en appeler à la loyauté de ma garde civique. A ce corps, je confie ma personne, le sacré collége, la vie et la fortune de tous les citoyens, le maintien de l'ordre et de la tranquillité publique. C'est la plus grande preuve de confiance que puisse donner un souverain à ses sujets. J'ai chargé une commission de réunir toutes les disposi tions que j'ai ordonnées pour harmoniser les réformes nécessaires et les approprier aux besoins des temps.

J'augmenterai le nombre des membres de la consulte d'État, je donnerai plus d'importance et plus d'étendue à leurs attributions. Ce que j'ai accordé sera maintenu. Un plus grand bien encore eût été fait, si ceux dont j'implorai le concours n'avaient voulu me l'imposer par des conditions. Des conditions! messieurs, je n'en accepterai jamais de personne! entendez-vous bien! Non, il ne sera jamais dit que le pape ait consenti à des choses contraires aux lois de l'Église, aux principes de la religion. Si jamais, ce qu'à Dieu ne plaise, on voulait faire violence à

ma volonté, me forcer dans mes droits; si jamais je me voyais abandonné des hommes que j'ai tant aimés et pour lesquels j'ai tout fait! je me jetterais dans les bras de la Providence qui, elle, ne me faillirait point.

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"Que les bons citoyens donc se gardent des malintentionnés qui, sous de vains prétextes, désirent bouleverser l'ordre public, et parvenir, par des ruines, à la possession des biens d'autrui. La Constitution n'est pas un nom nouveau pour notre pays. Les États qui la possèdent aujourd'hui l'ont copiée sur notre histoire. Nous avons eu la Chambre des députés dans le collége des avocats consistoriaux; nous avons eu la Chambre des pairs dans le sacré collége, à l'époque même de notre prédécesseur Sixte-Quint. Sur-ce, messieurs, allez, et que le ciel avec vous me soit en aide. »

Dans la soirée du même jour, une manifestation plus nombreuse encore que toutes celles qui avaient eu lieu jusqu'alors, rassembla plus de quarante mille hommes sur la place du Quirinal. Au moment où le pape acclamé parut au balcon pour bénir le peuple, une voix, une seule voix, celle d'un nommé Andreis, fit entendre ce cri: Plus de prêtres au gouvernement! Alors d'un signe de sa main droite, le souverain pontife, imposant silence, s'écria d'un ton ferme et pénétrant:

« Avant que la bénédiction du ciel descende sur vous, sur les États romains, et, je le répète, sur toute l'Italie, je vous recommande l'union, la concorde, et je désire que vos demandes ne soient point contraires à la sainteté du Saint-Siége. Certains cris, qui ne partent pas du sein de mon peuple, sont proférés par un petit nombre de gens inconnus. Je ne puis, je ne dois, je ne veux les entendre: Non posso, non debbo, non voglio. Ainsi done, à la condition expresse que vous serez fidèles au pontife et à l'Église.... A ces mots, le peuple répondit par ce seul

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