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en instruire par message, ou par lettre ou par l'entremise de toute personne dans le cas de leur en donner avis, le plus promptement possible.

« Je m'appliquerai de toutes mes forces et en tout, à maintenir, garder et défendre la papauté, les droits de saint Pierre et tout ce qui appartient à la sainte Église romaine. Autant que cela dépendra de mes forces, j'exécuterai tout ce qu'ils commanderont à notre corporation ou à moi pour le bien d'Églises quelconques ou celui des

pauvres.

Pour les souverains pontifes et le Saint-Siége, je conserverai une incessante vénération et je m'acquitterai fidèlement de tout ce qu'il sied et appartient de faire à un avocat consistorial. J'aurai égard, en tout ou partie, à tous les décrets qui sont émanés ou qui émaneront de notre corporation ou collége.

« Je promets et je jure d'observer sans fraude et sans équivoque toutes ces promesses. Ainsi, Dieu me soit en aide et ses saints Évangiles. >>

Jamais serment plus solennel ne fut plus ouvertement et plus perfidement violé! Armellini avait reçu de la Providence tout ce que peut ambitionner sur la terre l'homme de bien pour marcher d'un pas sûr dans la voie de l'honneur et de la vertu. Uni par les liens sacrés du mariage à une femme remarquable par son éminente piété autant que par toutes les qualités du cœur, il avait reçu de ses entrailles bénies cinq enfants destinés à faire l'orgueil et la joie de sa vie: il fit le désespoir de la leur. D'une énergie égale à la force de sa volonté, madame Armellini posait nuit et jour devant son mari comme une divinité vengeresse; elle le poursuivait, jusque dans son sommeil, de la menace de la colère de Dieu. « Avocat consistorial, lui disait-elle sans cesse, qu'avez-vous fait de votre serment? »

Quelque temps après le départ du Saint Père, Armellini donnait à dîner aux principaux chefs de la révolution; sa femme s'était retirée dans le fond de son appartement pour ne point souiller ses regards, avait-elle dit, de la vue des Sterbini, Mamiani, Galetti et autres. Ceuxci demandaient la cause de son absence, lorsque tout à coup la porte s'ouvrit et livra passage à madame Armellini qui, pâle, l'œil en feu, le geste menaçant et la main armée d'un rouleau de papier, s'écria: « Vous êtes tous des maudits! craignez les châtiments de Dieu, ô vous qui, au mépris de vos serments, ne pouvant le tuer, avez chassé son ministre. Redoutez la colère divine; Pie IX, du fond de son exil, en appelle à Dieu contre vous; écoutez ses arrêts; » et, déroulant lentement la feuille qu'elle tenait à la main, elle lut, d'une voix ferme, rendant chaque expression, marquant chaque nuance, le décret du Saint Père contenant la menaee de l'excommunication.

Cette lecture fut un coup de foudre pour les convives. Madame Armellini, après un instant de silence, reprit : « Avez-vous compris, messieurs? le bras vengeur auquel nul ne saurait échapper est suspendu sur vos têtes, prêt à frapper; mais il en est temps encore, la voix de Dieu, par celle de son vicaire, n'a point encore fulminé contre vous la sentence terrible. Au nom de votre bonheur. en ce monde et de votre salut dans l'autre, jetez-vous audevant de sa miséricorde; la coupe des iniquités se remplit dans vos mains: brisez-la avant qu'elle ne déborde." Disant ainsi, cette femme, exaltée par une sainte indignation, s'approchant de son mari, jeta devant lui, sur la table, le décret du Saint Père, puis elle se retira.

Le second acte de la révolution romaine touchait à sa fin. Deux mois et demi à peine s'étaient écoulés depuis l'assassinat du ministre Rossi, et voilà que la lar

geur de sa tombe seule séparait la monarchie constitutionnelle de la république. Les premiers entre les plus impatients, le prince de Canino et Garibaldi, proposèrent de franchir cette faible distance. Leur motion, repoussée par la majorité qui voulait procéder régulièrement, fut ajournée. Le lendemain, 7 février, après la vérification des pouvoirs, l'avocat Galetti, ayant été nommé président, déclara sur une interpellation de Canino, que l'Assemblée était réunie et qu'elle devait se considérer comme unique souveraine et maîtresse de régler les destinées du pays. Mais alors, le président fut brusquement interrompu par un des émules de Bonaparte: « Cette déclaration n'est pas suffisante, s'écria le député Audino; nous voulons un vote: je demande que l'Assemblée déclare elle-même reconnaître en soi la plénitude des pouvoirs souverains. » L'Assemblée, après avoir voté dans ce sens, s'ajourna au lendemain pour délibérer sur la forme gouvernementale des États romains.

Ce jour-là, la séance s'ouvrit à midi; tous les ministres étaient présents, et cent quarante-quatre représentants répondirent à l'appel nominal. Alors, montant à la tribune, Armellini déclara que la commission gouvernementale remettait ses pouvoirs à l'Assemblée constituante, seule souveraine et apte à pourvoir aux besoins de l'État. Dans ce moment une lutte violente s'engagea entre les ministres démissionnaires et le prince de Canino qui, après avoir dit qu'ils avaient bien mérité de la patrie, que leurs noms passeraient à la postérité la plus reculée, leur reprocha de n'avoir point rempli leur devoir sur trois points, à savoir: l'argent, les armes et l'épuration des départements. Le ministre des travaux publics, Sterbini, s'élançant aussitôt à la tribune, s'écria que chaque ministre était prêt à répondre de ce qu'il avait fait personnellement: que si M. Bonaparte avait pris

note de cette déclaration il aurait remis à un autre moment des critiques intempestives. Si nous avons fait quelque bien, ajouta le ministre de l'intérieur, Armellini, la louange en revient au peuple. Si nous avons fait mal, nous sommes prêts à en répondre. » Après cet incident, qui n'eut d'autres suites que de faire applaudir vigoureusement les ministres démissionnaires, ceux-ci se virent confirmés de nouveau par la majorité de l'Assemblée dans les fonctions qu'ils venaient de résilier.

Dès lors, la séance prenant un caractère plus grave, Mamiani déclara, avec plus d'éloquence que de logique, que la domination temporelle des papes avait toujours été le fléau de l'Italie, que Rome n'avait pu avoir que le gouvernement des papes ou de Rienzi. Traçant ensuite le tableau analytique de la situation actuelle de l'Europe, il démontra, avec beaucoup de clarté, qu'il serait difficile de maintenir à Rome la forme républicaine. En conséquence, il opinait pour que la question fût renvoyée à la décision de la constituante italienne. Combattu sur ce terrain par plusieurs orateurs, et surtout par une vigoureuse argumentation du député Agostini, Mamiani n'en persista pas moins dans son opinion. Après une suspension de la séance qui fut reprise à huit heures, Audinó proposa que l'on déclarât, séance tenante, la déchéance du pape dans ses pouvoirs temporels, mais qu'on laissât à la constituante italienne le soin de statuer sur la forme de gouvernement. L'Assemblée adopta, à la presque unanimité, le décret proclamant la déchéance du souverain Pontife et l'adoption de la forme démocratique pure sous le nom de République romaine. Les applaudissements des tribunes publiques éclatèrent au moment où monseigneur Muzzarelli, sous-doyen de la S. Rote et comblé des faveurs de Pie IX, déposa son vote contre la papauté. Le président Galetti partagea ces honteux honneurs lors

qu'il eut le triste courage de prononcer lui-même, avec la déchéance de son bienfaiteur, le texte de ce décret sacrilége.

"Art. 1er. La papauté est déchue de fait et de droit du gouvernement des États romains.

"Art. 2. Le pontife romain aura toutes les garanties nécessaires d'indépendance dans l'exercice de son pouvoir spirituel.

« Art. 3. La forme du gouvernement de l'État romain sera la démocratie pure et prendra le nom glorieux de République romaine.

"Art. 4. La République romaine entretiendra avec les autres parties de l'Italie les relations qu'exige la nationalité commune.

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« Le président, JOSEPH GALETTI.
"Les secrétaires, GIOVANNI PENNACCHI,
ARIODANTE FABRETTI, ANTONIO ZaИ-
BIANCHI, QUIRICO FILOPANTI, BARilli,

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Antonio Tranquilli, député d'Ascoli, figure au petit nombre de ceux de ses collègues qui, fidèles à leur mandat, s'opposèrent à la proclamation de la forme républicaine; mais hué et sifflé par les députés de la majorité il ne put prononcer un discours remarquable que, sur l'invitation pressante de ses amis il crut devoir livrer à l'impression. On en fit circuler un grand nombre d'exemplaires. Menacé du poignard, l'ultima ratio des démagogues italiens, le courageux député mourut trois jours après dans la force de l'âge et la vigueur de la santé. Le poison aurait-il remplacé le poignard?

La proclamation de la république fut accueillie avec stupeur par la masse de la population romaine. Un grand

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