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les ordres qu'il venait de recevoir du gouvernement français :

Messieurs,

« Je reçois à trois heures de l'après-midi la lettre par laquelle vous témoignez le regret que j'aie refusé de m'associer à la convention que M. de Lesseps, ministre plénipotentiaire, a cru devoir arrêter avec vous, sous la date du 31 mai, à huit heures du soir.

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« L'événement a justifié ma détermination par deux dépêches émanées du ministre de la guerre et de celui des affaires étrangères, sous la date des 28 et 29 mai. Le gouvernement français m'a déclaré ce qui suit: « La "voie des négociations est épuisée. La mission de M. de Lesseps est terminée. » Aussitôt la réception de ces depêches, je me suis empressé de faire connaître leur contenu à M. de Gérando, chancelier de l'ambassade. Le chef d'état-major de l'armée expéditionnaire a chargé cet agent diplomatique de donner officiellement communication au gouvernement romain d'une décision qui rappelle. M. de Lesseps et qui me replace dans la plénitude des pouvoirs d'un commandant en chef.

M. de Lesseps s'est chargé de vous remettre, hier soir, à dix heures, la note dont copie est ci-jointe.

« J'y déclarais, vous le voyez, messieurs, que dans le cas où, après vingt-quatre heures, l'ultimatum du 29 mai ne serait point accepté, l'armée française reprendrait sa liberté d'action.

"N'ayant pas reçu de réponse à cinq heures du soir, j'écrivais le même jour à M. de Lesseps:

"N'oubliez pas de dénoncer immédiatement la fin de l'armistice, si vous n'obtenez sans retard une solution entièrement conforme à la déclaration du 29 de ce

"Aujourd'hui, aussitôt après la réception des dépêches télégraphiques ci-dessus mentionnées, j'ai fait prévenir les avant-postes romains que la trève consentie verbalement par M. de Lesseps était expirée et que la suspension des hostilités cessait complètement.

"A trois heures et demie, le premier juin mil huit cent quarante-neuf, je charge M. le chancelier de l'ambassade d'avoir l'honneur de vous faire cette nouvelle notification.

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« Le général en chef,
"OUDINOT DE REGGIO. »

En même temps, fort de la dépêche qu'il vient de recevoir, le commandant en chef écrit ainsi au général de l'armée romaine:

"Général,

Les ordres de mon gouvernement sont positifs. Ils me prescrivent d'entrer dans Rome le plus tôt possible. J'ai dénoncé aux autorités romaines l'armistice verbal que, sur les instances de M. de Lesseps, j'avais consenti à accorder momentanément. J'ai fait prévenir par écrit vos avant-postes que l'une et l'autre armée avaient le droit de recommencer les hostilités. Seulement, pour donner le temps à ceux de nos nationaux qui voudraient quitter Rome et sur la demande de M. le chancelier de l'ambassade de France la possibilité de le faire avec facilité, je diffère l'attaque de la place jusqu'à lundi.

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En réponse à la lettre du commandant en chef de l'armée française, le général Roselli fit une demande d'armistice de quinze jours sous le prétexte de s'opposer à la marche des Autrichiens sur Rome. Le duc de Reggio refusa, disant que les troupes autrichiennes ne dépasse raient pas les lignes qu'elles occupaient. Ensuite il char

gea M. de Gérando, chancelier de l'ambassade de France, de prévenir les personnes qui désiraient abandonner læ ville, qu'un refuge assuré leur serait ouvert au monastère de Saint-Paul.

En attendant, la plus grande activité règne au camp de l'armée française. Du haut de leurs remparts, les Romains peuvent suivre les divers mouvements de nos troupes. Une compagnie de chasseurs à pied vient renforcer les bataillons établis au Ponte-Mario, tandis que, pour donner le change à l'ennemi et intercepter les convois de diverses natures qui approvisionnent la ville, la cavalerie pousse de fréquentes reconnaissances sur la rive du fleuve.

Sur ces entrefaites, les triumvirs annonçaient ainsi aux Romains la reprise des hostilités :

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"Non-seulement le général Oudinot a refusé son adhésion à la convention faite entre nous et l'envoyé extraordinaire de la France, mais il nous a dénoncé la rupture de l'armistice et déclaré son armée libre de nous attaquer.

"Quoi qu'il arrive, les Romains feront leur devoir et nous le nôtre. Déjà Dieu et le peuple nous ont donné la victoire dans une première lutte avec l'homme qui nous menace. Dieu et le peuple nous la donneront encore. »

Rome est située à cheval sur le Tibre, qui la sépare en deux parties inégales du nord au sud. La partie orientale la plus considérable est protégée par l'enceinte aurélienne; elle renferme quelques collines peu élevées. La partie occidentale qui comprend la cité Léonienne, ainsi que le Transtévère, est moins étendue, mais l'enceinte bastionnée, construite en 1643 sous Urbain VIII, la rend plus importante au point de vue militaire. Cette

fortification embrasse, sur les trois cinquièmes de son étendue totale, la crête du mont Janicule, à trois cent vingt-deux pieds au-dessus du niveau de la mer, et cent quarante-neuf au-dessus de celui du Capitole. Le développement général de l'enceinte mesure seize milles italiens. A l'est, Rome n'est dominée extérieurement par aucune élévation; mais à l'ouest, un système de collines enchaînées les unes aux autres serpente dans un rayon de quinze milles environ sur la rive droite du Tibre. Ce sont les coteaux de Santa-Passera, le Vatican, le Janicule, le Monte-Verde et le Monte-Mario. Cette dernière colline domine, à la partie nord-ouest, le fort Saint-Ange, le Ponte-Molle et les deux routes qui, sur la rive droite et sur la rive gauche du fleuve, conduisent l'une à la porte Angelica, l'autre à la porte du Peuple. En dehors de l'enceinte d'Urbain VIII, en regard de la porte SaintPancrace, et à une distance de quatre cent quatre-vingtdix mètres, s'élève sur un plateau la villa Corsini, connue sous le nom de Casino des quatre vents. Le général Oudinot jeta les yeux sur la position importante qu'elle occupe, pour en faire le pivot de ses opérations.

L'art militaire enseigne qu'une place doit être attaquée par le front le plus saillant: cette partie étant moins bien flanquée que les autres, présente à l'action des assiégeants une moindre concentration de feux. C'est en raison de ce principe que le général Oudinot, d'accord avec les généraux Vaillant et Thiry, résolut de se rendre maître du Janicule, afin de pouvoir diriger les batteries de brêche sur le front le plus saillant des remparts. L'armée française occupait les hauteurs qui, sur la rive droite du Tibre, dominent la partie ouest de Rome. Elle s'étendait du nord au sud jusqu'à la plaine située sur la rive gauche de ce fleuve, du Monte-Mario à la basilique de SaintPaul. Dans cet ordre demi-circulaire, ayant son front d'o

pérations opposé au point objectif et ses lignes d'attaque dirigées concentriquement, elle se trouvait disposée de la manière suivante: le centre, la réservé et les accessoires à Monte-Verde; la droite à Saint-Paul, et la gauche à Monte-Mario. Le grand parc d'artillerie campait à Santa-Passera, celui du génie à la villa Santucci d'abord et ensuite à Merluzetta. Le gros de l'armée, les ambulances, les dépôts et les fours occupaient la villa Santucci. La position élevée de ce point choisi pour recevoir le quartier général, permettait au commandant en chef de communiquer rapidement avec les deux ailes de l'armée, et de diriger ses opérations. Les troupes françaises formaient alors un effectif d'environ vingt-trois mille hommes. Les troupes romaines, supérieurement pourvues de munitions et d'une nombreuse artillerie, pouvaient mettre en ligne environ vingt-huit mille combattans résolus et parfaitement armés. L'on doit joindre à ce nombre cinq ou six mille gardes civiques sur le concours desquels la défense d'ailleurs ne pouvait guère compter. Cette armée occupait l'intérieur de la ville que les républicains avaient munie de parapets, de barricades, de batteries et de divers travaux de tranchées, surtout sur les points qui se prétaient le plus à l'attaque, tels que les portes du Peuple et de Saint-Pancrace.

Dans la soirée du 2 juin le général Oudinot donne ses derniers ordres pour reprendre les hostilités, et quoique les autorités romaines n'aient point accordé à nos nationaux la possibilité de quitter la ville, il prend les mesures nécessaires pour que la place proprement dite soit à l'abri de toute atteinte. Le 3 juin à la pointe du jour deux colonnes, commandées l'une par le général de brigade Mollière, l'autre par le général de brigade Levaillant (Jean), se portent par des points différents sur la villa Panfili. Ces deux brigades sont commandées par le gé

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