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néral Regnault Saint-Jean-d'Angely. Le 35e de ligne est envoyé en reconnaissance avec deux compagnies de chasseurs à pied et une compagnie du génie. Ces troupes arrivent sous les murs de la villa où les Romains s'étaient retranchés d'une manière formidable. Quelques coups de fusil se font entendre, et bientôt après une vive fusillade, appuyée par des feux d'artillerie, s'engagea sur cette première ligne extérieure. Les tirailleurs lombards du colonel Melara s'élancent avec intrépidité sur nos soldats; ceuxci les attendent de sang-froid à la baïonnette. La lutte est acharnée; de part et d'autre elle offre un caractère sanglant et majestueux. Malgré la résistance imprévue qu'il rencontre le général Levaillant continue son mouve ment avec les 16e et 25e légers, appuyés par le 66o de ligne; il parvient à forcer une des principales entrées, et se porte vivement à l'attaque de la villa. Les Romains reculent; deux cent treize prisonniers dont dix neuf officiers, trois drapeaux et vingt mille cartouches tombent au pouvoir de nos soldats. De son côté la colonne Mollière s'ouvre un passage en faisant sauter à la mine un pan de mur d'enceinte, elle arrive à son tour pour avoir bientôt sa part de combat et de victoire.

Maîtres de la villa Panfili, les Français se jettent résolument sur le casino des Quatre-Vents, situé à cheval sur cette ligne et vis-à-vis de la porte Saint-Pancrace; l'ennemi y était retranché d'une manière formidable; Garibaldi lui-même, à la tête de quatre mille combattants, en défendait les abords. Malgré une résistance acharnée, le casino est enlevé de vive force. L'occupation de ce point important rendait inévitable celle de l'église de Saint-Pancrace. Nos troupes reçoivent l'ordre de l'enlover, elles s'en rendent maîtresses après deux heures de combat. La Villa Valentini et une grande ferme qui l'avoisine, toutes deux énergiquement défendues, tombent

également au pouvoir de nos armes; cependant l'on combat toujours, le canon gronde sans interruption; les Lombards, bien commandés et dignes par leur courage de se trouver face à face avec les Français, disputent pied à pied le terrain arrosé de sang qu'on lui enlève à la baïonnette; repoussés sur un point, ils reculent, se rallient sur un autre, et reviennent à la charge pour échouer de nouveau devant l'énergie de nos bataillons.

Il est sept heures du soir, et depuis le matin les colonnes romaines, soutenues par le feu nourri des remparts, font de prodigieux efforts pour reprendre et conserver des positions dont elles comprennent l'importance. Les murs des Quatre-Vents pris et repris jusqu'à trois fois sont percés à jour. Enfin, la victoire, si longtemps disputée, se range définitivement sous le drapeau de la France.

D'un autre côté, la brigade Sauvan, établie depuis quelques jours à Monte-Mario, avait reçu l'ordre de s'emparer du Ponte-Molle dont une arche avait été détruite. L'attaque commença au moment même où le canon de la Villa Panfili fit entendre ses premières détonnations. On s'accordait à croire, sur de nombreux rapports, que le pont était miné; cette supposition détermina le général Sauvan à faire passer à la nage sur la rive gauche du Tibre une trentaine d'hommes dont les armes, les munitions et les vêtements avaient été déposées sur un radeau construit à cet effet. Mais la rapidité du fleuve paralysant leurs efforts, les hommes qui conduisaient le radeau n'eurent que le temps de se jeter à la nage pour ne point tomber au pouvoir dés ennemis, le radeau seul, échouant sur la rive opposée devint pour lés soldats romains une facile conquête. Le général prit alors le parti de s'emparer de la portion du pont qui tient à la rive droite. A cet effet, quelques voltigeurs et des chasseurs à pied s'embusquent derrière les

accidents de terrain et parviennent, après d'assez longs efforts, à faire taire deux bouches à feu que l'ennemi avait mises en batterie de manière à enfiler le pont. Deux bataillons romains, forcés de cesser leur feu, se réfugient à la hâte dans les maisons voisines.

Alors nos travailleurs, au moyen de poutrelles et de fascines, rétablissent promptement le pont. Trois compagnies d'infanterie le traversent et se mettent sur l'autre rive on mesure de repousser l'attaque. Tels furent les résultats de cette journée glorieuse pour nos soldats, si l'on considère les obstacles qu'ils ont dû vaincre.

Les troupes romaines avaient accumulé sur les points emportés par les nôtres les efforts de la résistance la plus acharnée. Elles ont prouvé ce jour-là qu'elles avaient le cœur et le courage du soldat. Leurs pertes, en comparaison de celles de l'armée française, furent considérables. Le Corps du colonel Melara fut anéanti; celui du colonel Manara réduit de la moitié. Le général Garibaldi perdit, outre l'élite de son état-major, les officiers les plus distingués de son armée: Marochetti, Daverio, Bixio, Mameli, Masina son ami et chef de sa cavalerie, Dandolo, jeune homme d'une distinction égale à sa haute naissance.... Le brave colonel Melara, grièvement blessé dès le commencement de l'action, devait bientôt suivre ses compagnons d'armes dans la tombe que leur avait creusée la révolution.

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Tandis qu'une partie des troupes romaines, après avoir perdu les lignes qu'elle était chargée de défendre, rentrait dans Rome, l'autre partie campait à la villa Borghèse sous la protection des pièces placées en batterie sur le Pincio...

Le combat était terminé; quelques coups de fusils isolés

se perdaient çà et là dans le silence de la nuit, lorsque les triumvirs, cachant l'étendue de leurs pertes évaluées

seulement par eux à cent morts et cent cinquante blessés, adressèrent aux Romains cette étrange proclamation:

"Vaillants soldats, vous avez soutenu aujourd'hui le nom romain et l'honneur de l'Italie par un combat de quatorze heures. Vous, tout nouveaux dans l'art de la guerre, vous avez effacé la valeur aguerrie des vieux soldats.

"Tout surpris que vous avez été par la trahison et la violation infâme d'une promesse sacrée et signée, vous n'en avez pas moins repris pouce à pouce tout le terrain, qu'un ennemi foulant aux pieds les lois de la guerre, avait conquis sur vous pour un moment. Vous avez repoussé et mis en déroute les milices qui passaient aux yeux de l'Europe pour les plus valeureuses. Vous êtes allés au-devant de la mort comme l'on va à une fête, à un triomphe.

« Que pouvons-nous faire qui soit à la hauteur de votre valeur? sinon d'invoquer la puissance du TrèsHaut sur vous, de nous unir à lui pour vous bénir au nom de l'Italie, vous, les gardiens des gloires de nos ancêtres, le remercier de ce qu'il nous a donné de voir dans cette journée les grandes et les merveilleuses choses quí sont en vous?

« Romains, disons-le, cette journée a été une journée de héros, une des plus belles de l'histoire. Nous vous avions dit: Soyez grands; et vos actes nous ont répondu: Nous le sommes! "

Le reproche adressé au général en chef d'avoir attaqué la ville avant l'expiration du terme convenu, est dénué de fondement. Le général n'a commencé son mouvement sur la villa Panfili qu'après en avoir donné l'avis aux avant-postes romains; il n'a fait tirer sur la place que dans la journée du mardi. Dans celle du 3, il n'a répondu par un seul coup de canon au feu des remparts qui cependant vomissaient la mitraille sur ses colonnes.

Quoi qu'il en soit, de nombreuses actions d'éclat signalèrent cette journée. Un nommé Brasier, soldat à la cinquième compagnie du deuxième bataillon du 66e de ligne, se trouve cerné dans une masure au moment où les Romains venaient de reprendre la villa Panfili. « Rendezvous, lui crie-t-on. " -« Pas si bête! » répond-il; et, l'une après l'autre, il brûle une dixaine de cartouches. Sa giberne vidée, il s'assied sur une pierre, tire sa pipe, son briquet et se met en devoir de l'allumer. Dans ce moment, les Romains se précipitent sur lui, le terrassent. "Crie: Vive la République romaine! et tu est sauvé, " lui dit-on. "Vive la France! » s'écrie-t-il. Les ennemis allaient le massacrer, lorsqu'un officier le sauva, disant: «Ne le tuez pas! c'est un brave. »« Nous sommes tous comme cela dans mon pays, " répliqua Brasier.

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Un clairon sonant le pas de charge tombe grièvement blessé; un tambour le remplace et subit le même sort; un second tambour se présente; au même instant une balle brise la peau de sa caisse, il retourne la caisse et continue de battre. Vingt pas plus loin, il reçoit une balle dans le bras droit; il change sa caisse de place et bat de la main gauche: ce tambour a reçu la croix d'honneur.

Fidèles aux glorieuses traditions de leur histoire, les Français, commençant une guerre exceptionnelle, désiraient moins s'emparer de Rome que de la délivrer des éléments révolutionnaires qui la tenaient dans un état de pression déplorable; ils voulaient vaincre d'abord par la force des armes et rendre ensuite par la générosité de la force, la ville intacte à son légitime souverain. Le problème, alors qu'ils voulaient éviter les rigueurs de la dévastation et du carnage, devenait d'une solution plus difficile. Il exigeait, de la part du commandant en chef, circonspection et sagacité dans les desseins, promptitude et

BALLEYDIEN. II.

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