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lemment au front des Français, en même temps, des cris injurieux pour nos armes se font entendre. A ces cris le général Oudinot, suivi de quelques officiers, pousse son cheval contre ceux qui les profèrent; les groupes se dispersent, Cernuschi disparaît, la place se vide, les démagogues se précipitent dans un café voisin; le général Levaillant (Charles) et deux officiers d'état-major les poursuivent, à cheval, dans leur retraite; quelques coups de plat de sabre font justice de leur imprudente provocation; ils demandent grâce, et ce commencement d'émeute est comprimé sans effusion de sang. Dès lors, la marche du cortége se poursuit, sans autre incident, jusque sur la place des Saints-Apôtres, où le duc de Reggio descendit de cheval pour prendre possession de l'hôtel de l'ambassade de France, transformé momentanément en quartier général. Le premier soin du commandant en chef fat d'adresser aux Romains cette proclamation:

"Habitants de Rome! l'armée envoyée par la république française sur votre territoire a pour mission de rétablir l'ordre réclamé par le vœu des populations. Une minorité factieuse ou égarée nous a contraints de donner l'assaut à vos remparts. Nous sommes maîtres de la place; nous accomplirons notre mission. Au milieu des témoignages de sympathie qui nous ont accueillis, là surtout où les sentiments du vrai peuple romain n'étaient pas contestables, quelques clameurs hostiles se sont fait entendre et nous ont forcés à une répression immédiate. Que les gens de bien et les vrais amis de la liberté re prennent confiance; que les ennemis de l'ordre et de la société sachent que si des manifestations oppressives, provoquées par une faction étrangère, se renouvelaient, elles seraient rigoureusement panies. Pour donner à la sécurité publique des garanties positives, j'arrête les dispositions suivantes :

Provisoirement, tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains de l'autorité militaire; elle fera immédiatement appel au concours de l'autorité municipale. L'assemblée, le gouvernement dont le règne violent et oppressif a commencé par l'ingratitude et a fini par un appel impie à la guerre contre une nation amie des populations romaines, cessent d'exister. Les clubs et les associations politiques sont fermés. Toute publication par la voix de la presse, toute affiche non autorisée par le pouvoir militaire, sont provisoirement interdites. Les délits contre les personnes et les propriétés sont justiciables des tribunaux militaires. Le général de division Rostolan est nommé gouverneur de Rome. Le général de brigade Sauvan est nommé1 commandant de la place. Le colonel Sol est nommé major de place.

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La nomination du général Rostolan, appelé au gouvernement de Rome, était un témoignage de haute et juste estime accordé par le commandant en chef au plus ancien des généraux de division, à un brave officier qui avait rendu d'éminents services pendant toutes les opérations du siége.

Sur ces entrefaites, Garibaldi, à la tête de quatre à cinq mille aventuriers environ, courait rapidement du côté des Abruzzes où, disait-on, il s'était ménagé des intelligences. La nuit précédente il avait réuni, à Saint-Jean de Latran, des soldats de toutes armes formant un effectif d'environ dix mille hommes. Au moment de se mettre en marche, il leur avait adressé ces paroles:

Soldats, la fortune qui nous trahit aujourd'hui nous sourira demain; montrons-nous forts et bravons ses ca

prices. En attendant, voici ce que j'offre à ceux d'entre Vous qui veulent me suivre: De la faim, de la soif, du froid et du soleil. Point de munitions, mais des alertes continuelles; point de poudre, mais des combats à la baïonnette, des marches forcées de jour et de nuit, la vie du soldat, enfin: qui aime la gloire me suive! » La moitié seulement le suivit.

Dans la crainte qu'il ne se jetât dans les montagnes d'Albano et qu'il ne cherchât à y organiser une guerre de partisans, le général en chef donna l'ordre à la première division de l'armée, commandée par le général Regnault de Saint-Jean-d'Angely, de le poursuivre. Cette division se mit en route le jour même en se dirigeant sur Albano; mais Garibaldi, après avoir traversé cette ville, s'était précipitamment rabattu sur Tivoli pour s'engager dans les Marches. La brigade Mollière prit aussitôt ses cantonnements à Albano, Frascati et Tivoli, de manière à protéger ces diverses contrées contre de nouvelles invasions.

Quelques jours après, le général Morris, faisant partie de la même division, reçut l'ordre de couvrir Civita-Veechia avec trois escadrons de cavalerie et un bataillon du 50 de ligne. Le 4, il occupait Civita-Castellana et poussait ensuite ses avant-postes jusqu'à Orvieto et Viterbe.

L'entrée des Français à Rome, applaudie par tous les gens de bien, devint l'occasion de plusieurs assassinats. Deux ou trois prêtres, dont un Français, furent poignardés en plein jour pour avoir indiqué à nos soldats la direction des rues qu'ils devaient suivre. Les soldats euxmêmes étaient insultés chaque fois qu'ils passaient isolés devant les principaux centres de la démagogie. Cet état de choses exigeait une répression immédiate. En conséquence, plusieurs établissements publics, le café des Beaux

Arts entre autres, furent fermés et les habitants reçurent l'ordre de consigner dans les vingt-quatre heures, entre les mains de l'autorité militaire, toutes les armes qui se trouvaient encore en leur possession. Cette opération produisit, malgré les difficultés qu'aurait présenté le contrôle, environ trente-cinq mille armes de toute espèce.

En même temps, le général Rostolan débutait, dans ses nouvelles fonctions, par cette énergique proclamation:

Habitants de Rome,

"Le général commandant en chef! l'armée française m'a nommé gouverneur de votre cité. J'accepte ce poste avec l'intention précise de seconder énergiquement avec tous les moyens concentrés dans mes mains les mesures déjà prises par le général en chef, afin d'assurer votre tranquillité, et de protéger vos personnes ainsi que vos propriétés.

"Je prends les dispositions suivantes :

1. Tout attroupement sur la voie publique est interdit, et sera immédiatement dissous par la force;

2. La retraite aura lieu à neuf heures. La circulation dans la ville cessera à neuf heures et demie. A cette heure tous les lieux de réunion seront fermés.

3. Les cercles politiques qui n'ont pas été fermés, malgré la proclamation du général en chef, le seront par la force, et les propriétaires et les chefs des lieux où existent ces réunions seront poursuivis avec rigueur.

«.4. Toute violence, toute insulte, contre nos soldats, ou contre les personnes qui ont avec eux quelque rapport amical; tout empêchement apporté à l'approvisionnement seront immédiatement punis d'une manière exemplaire.

5. Les fonctionnaires publics et les médecins pourront circuler librement dans la ville; ils devront cependant être munis d'un laissez-passer signé par l'autorité

militaire; et ils se feront accompagner de poste en poste jusqu'aux endroits où ils devront se rendre.

Habitants de Rome, vous voulez l'ordre, je saurai vous en garantir. Ceux qui songeraient à prolonger votre oppression trouveraient en moi une sévérité inflexible.

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Ce même jour, à neuf heures du soir, le général gouverneur commanda en personne une patrouille de deux mille hommes. Parti de l'ambassade de France, il se dirigea lentement par le Corso vers la place du Peuple. Au moment où la queue de la colonne avait dépassé la rue de la Croce, un groupe de vingt jeunes gens firent entendre des sifflets; mais, au même instant, un détachement de dragons débouchant par la rue voisine les chargea avec une vigueur telle qu'ils se dispersèrent dans toutes les directions. Alors le général divisa sa colonne en trois sections, la première s'engagea dans la rue Ripetta; la seconde, prit la rue Babuino, et la troisième continua son mouvement dans la rue du Corso. La cavalerie attachée à cette section principale suivait l'infanterie à une distance de cinquante mètres. Cette patrouille s'arrêtait de distance en distance et, chaque fois, les derniers pelotons de cavaliers faisant face en arrière, étaient prêts à faire feu.

Intimidés par cet appareil militaire, les révolutionnaires qui encombraient encore la ville suspendirent leurs démonstrations hostiles; mais ils s'en vengèrent en publiant, le lendemain, contre leurs vainqueurs, un pamphlet charivaristique, dont l'esprit ainsi que la langue indiquaient clairement une origine française '.

D'autres mesures, également répressives, avaient été prises. L'état de siége était déclaré; les troupes françai1 Voyez les documents historiques, n. 9.

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