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ses campaient sur les places publiques; des factionnaires gardaient les extrémités de chaque rue, des postes occupaient les maisons douteuses. La garde civique avait été dissoute et désarmée. Néanmoins, la position était toujours des plus difficiles. La ville était encombrée de malfaiteurs et de gens sans aveu; la police désorganisée était sans action; la municipalité, de source républicaine, se montrait hostile; les rouages du gouvernement étaient enrayés, les services publics manquaient de chefs et de direction. Parmi les personnages les plus éminents de la cité, les uns avaient abandonné la ville, les autres s'effaçaient devant la peur du poignard. Le gouvernement était à reconstituer en entier. En attendant, la sollicitude constante du général en chef et le zèle du gouverneur de la ville se montraient à la hauteur de la situation. Quelques gens de bien, plus vigoureusement trempés, offrirent courageusement le concours de leur intelligence au remaniement des affaires publiques.

Le lendemain de l'entrée des Français dans Rome, un homme mal vêtu, petit de taille, commun de figure, déformé par la goutte, le front couvert d'un bonnet de soie noire, recouvert lui-même d'un chapeau à larges bords, se présente à la porte du général Rostolan. On le renvoie comme un espion; il revient une seconde fois et demande à parler au gouverneur, on le repousse de nouveau, car le négligé de sa mise n'inspire aucune confiance; mais il insiste avec tant de persévérance, qu'enfin il est introduit auprès du gouverneur:

Qui êtes-vous? lui demande le général Rostolan. - « Un employé subalterne, attaché à la secrétairerie d'État de l'intérieur.

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"De quelle manière?

"En vous indiquant les moyens qui peuvent vous aider à reconstituer les ressorts de la machine gouvernementale, que les ennemis de la société ont brisés.

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"Que faut-il faire pour cela?

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Rappeler les fonctionnaires honnêtes que la République a chassés, et chasser ceux que la République a mis à leur place.

Quels sont-ils?

"Voici les noms des honnêtes gens sur le concours desquels vous pouvez compter: disant ainsi, cet homme déplia une longue liste et lut lentement quelques noms d'hommes..

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Mais, comment les trouver ces braves gens? reprit le gouverneur.

-

« J'ai découvert les retraites où ils s'étaient réfugiés. - Indiquez-les-moi.

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-

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"Je vais les chercher moi-même.

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Attendez, lui dit le général Rostolan, et il l'arrêta pour lui offrir quelques pièces d'argent: mais ce brave homme les refusa avec fierté. « Celui qui sert son pays uniquement pour de l'argent, dit-il, est un mauvais citoyen; je veux une autre récompense.

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-Celle que procure la conscience quand on a rempli un devoir. „ .

Quelques jours après, lorsque tous les hommes qu'il avait indiqués et qu'il avait amenés lui-même à travers les menaces du poignard, eurent consenti à reprendre les places que la République leur avait enlevées, le général Rostolan, lui serrant la main dans les siennes, lui demanda son nom, il répondit:

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Dans une sphère plus élevée, les ministres plénipotentiaires de la France, MM. de Corcelles et de Rayneval, rendaient des services plus importants encore. Ils prètaient au général en chef, pour la constitution d'un gouvernement régulier, le concours d'une haute intelligence et du dévouement le plus éclairé. De son côté, le prince Odescalchi, qui avait accepté la mission de composer un conseil municipal, ne négligeait rien pour en håter l'entière et prochaine réorganisation.

D'après les situations officielles, l'armée romaine, proprement dite, comptait encore un effectif de dix-neuf mille cinq cents hommes. Ces troupes venaient de combattre les Français: elles étaient donc en partie hostiles à la Francc et au gouvernement du Saint-Siége. En principe leur licenciement était indispensable; mais en présence des passions ardentes et des éléments de désordre qui régnaient encore dans les bas fonds de la demagogie romaine, cette opération présentait de graves difficultés. Le général en chef décida que ces divers corps seraient envoyés à quelques lieues de Rome, se réservant ainsi la faculté de les désarmer d'abord isolément et de les licencier ensuite. Les troupes étrangères enrôlées au service de la république romaine subirent immédiatement les conséquences de cette nécessité...

A peine le duc de Reggio avait-il arrêté ces dispositions que plusieurs chefs de corps, notamment ceux du régiment des carabiniers, des deux régiments de dragons et des trois premiers régiments dé ligne vinrent protester de leur dévouement au souverain Pontife. Le sentiment d'honneur qui rattache le soldat au drapeau, là veille d'un combat, avait seul paralysé, dirent-ils, celui de leur fidélité au souverain légitime.

Le général jugeant qu'il était opportun et en même temps politique d'accueillir favorablement cette déclara

tion exigea qu'elle fût renouvelée, écrite et signée par tout le corps d'officiers.

Les chefs de ces divers corps et ceux d'une batterie suisse lui apportèrent le jour même leur adhésion au gouvernement pontifical.

Cependant les officiers généraux, étant restés en dehors de cette adhésion, il devenait important de donner de l'unité au commandement ainsi qu'à l'administration. En conséquence le général en chef décida par un décret du 6 juillet que les troupes romaines scraient sous les ordres immédiats du général Levaillant (Jean).

Cet officier général devait être assisté dans cette mission par les lieutenant-colonels Pontèves de l'infanterie, Boyer de la cavalerie et Devaux de l'artillerie. Le sousintendant Pagès devait apporter son concours à l'administration des services administratifs. En même temps le général Thiry reçut l'ordre de faire l'inventaire du matériel des arsenaux romains; et le capitaine Castelnau, récemment nommé chef de bataillon d'état-major, fut nommé directeur provisoire de l'administration de la guerre et de la marine en remplacement du secrétaire. général Thorre. Un excellent officier supérieur, le lieutenant-colonel Chappuis, nominé préfet de police, donna presque aussitôt sa démission et fut remplacé par le lieutenant-colonel Le Rousseau.

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› Dans cet intervalle, le général romain Roselli, refusant de se soumettre aux ordres du vainqueur et se disposant à quitter la ville pour marcher, avec du canon, contre les troupes autrichiennes, abusait de son autorité sur les régiments qui n'avaient point adhéré à la restauration du gouvernement pontifical, pour les maintenir vis-à-vis de l'armée française dans une attitude d'hostilité per

manente.

BALLEYDIER. II.

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Le duc de Reggio brisa cette persistance coupable par la lettre énergique qui suit:

" Général,

Plusieurs régiments romains ont déclaré verbalement et par écrit qu'ils se soumettaient entièrement aux ordres que le général français donnerait en toute circonstance. Cette déclaration leur assure notre bienveillance protectrice.

"Les autres corps de l'armée romaine conservent visà-vis de nous une attitude que nous devons considérer comme hostile. Plusieurs de leurs soldats se sont portés contre les nôtres à des actes indignes qui réclameraient une vengeance immédiate. Cette situation est intolérable, il faut en finir.

"Je vous ai déclaré qu'à midi la place de Rome devait être entièrement abandonnée par les troupes qui ne nous ont pas offert leur concours absolu; je vous ai dit que, dans aucun cas, nous ne permettrions la sortie de Rome d'une seule pièce d'artillerie; je vous ai envoyé une proclamation qui vous fait assez connaître les volontés du gouvernement français. Il faut y obéir sans délai, il faut que les corps recrutés dans les contrées étrangères aux Etats romains quittent immédiatement la ville de Rome, et soient aussitôt licenciés.

"Dans les graves circonstances où nous nous trouvons, il faut des actions et non des paroles; cette lettre sera donc probablement la dernière que vous recevrez de moi. Si vous aviez la pensée d'opposer la moindre résistance aux ordres qui y sont contenus, ce serait la guerre, et une guerre terrible, dont la responsabilité devrait entièrement retomber sur vous. "

Après cet acte de vigueur, un des premiers soins du commandant en chef fut de faire constater par une com

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