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"Notre première sollicitude sera d'imposer à tous le respect de la religion et de la morale, base et fondement de toute communauté sociale; d'assurer pour tous indistinctement le cours plein et régulier de la justice; de rétablir dans son assiette l'administration de la chose publique, et de réparer tous les ravages qu'ont exercés des révolutionnaires sans pudeur et sans nom.

"Pour obtenir ces résultats si importants, nous nous aiderons des conseils de personnes distinguées par leur intelligence, par leur zèle non moins que par la confiance générale qu'elles inspirent et qui contribue si puissamment à la bonne issue des affaires.

«L'ordre régulier des choses exige qu'à la tête des divers ministères soient placés des hommes intègres et versés dans la partie à laquelle ils devront consacrer tous leurs soins et tous leurs efforts; c'est pourquoi nous nonmerons au plus tôt ceux qui présideront aux affaires intérieures et de police, aux affaires de la justice, des finances et de la guerre, ainsi qu'aux travaux publics et au commerce. Les affaires extérieures demeurant aux mains de Son Éminentissime cardinal, pro-secrétaire-d'État, qui durant son absence aura, à Rome, un substitut pour les affaires ordinaires.

«Puisse dans tous les rangs et dans toutes les conditions la confiance renaître selon nos désirs, pendant que le Saint Père, animé des sentiments de la plus véritable bonté, s'occupe de pourvoir à tout par des améliorations, par des institutions qui soient compatibles avec sa dignité, avec le pouvoir si élevé de souverain pontife, avec la nature même de cet État, dont la conservation importe à tout le monde catholique, et avec les besoins réels de ses bien-aimés sujets. Rome, de notre résidence du palais du Quirinal, le 1er août 1849.

"G. cardinal DELLA-GENGA, Sarmattei. -L. cardi

nal VANNICELLI, Casoni. L. cardinal ALTIERI. »

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En même temps, le général Oudinot adressait une circulaire aux commissaires généraux de l'intérieur des finances, de grâce et justice et des travaux publics. Après les avoir remerciés du concours efficace qu'ils lui avaient prêté dès les premiers jours de son entrée dans Rome, il leur annonçait que, par suite de l'arrivée d'une commission gouvernementale, il remettait aux trois cardinaux délégués par le souverain Pontife, les pouvoirs que les événements de la guerre avaient provisoirement concentrés dans ses mains.

Le lendemain même de leur arrivée, les trois cardinaux, munis des pleins pouvoirs du souverain Pontife, se mirent à l'œuvre. La situation était difficile, toutes les lois, toutes les institutions avaient disparu dans la tourmente révolutionnairé. L'interrègne républicain avait tout bouleversé, plus rien n'était debout, tout se trouvait donc à refaire. Les délégués pontificaux abordèrent résolument la question et publièrent, dès le 2 août, plusieurs édits importants.

Afin de pourvoir momentanément au cours régulier de la justice civile, criminelle et administrative, ils annulaient toutes les lois et toutes les dispositions rendues depuis la fatale journée du 16 novembre 1848. En conséquence, ils brisaient les tribunaux de source républicaine et rétablissaient ceux qui existaient avant le départ de Pie IX. Ainsi, ils rappelaient dans l'exercice de leurs charges primitives tous les fonctionnaires renvoyés pour ne pas avoir adhéré au gouvernement illégitime. En outre, ils instituaient un conseil de censure pour faire une enquête sur la conduite et les qualités de tous les employés des États romains.

La nullité des lois et des actes du pouvoir républicain devait nécessairement emporter celle du papier-monnaie que ce pouvoir avait créé. Cependant, pour concilier les

intérêts d'un grand nombre de familles que l'exécution de ce décret aurait ruinées, avec la situation critique du trésor, la commission arrêta les mesures suivantes:

"Art. 1er. Demeurent confirmés et par conséquent con tinueront à avoir cours forcé tous les bons du trésor, jusqu'à la série-lettre O inclusivement, dont Sa Sainteté avait autorisé l'émission.

« Art. 2. Sout ensuite reconnus et garantis tous les autres bons successivement émis par les soi-disant gouvernements provisoire et républicain, dans la proportion de 63 0/0 de leur valeur nominale.

"Afin d'éviter les difficultés qui pourraient se présenter dans le calcul de la valeur reconnue à ces bons et des fractions qui en dérivent, cette valeur est fixée par un tarif ci-annexé.

«Art. 3. Le gouvernement pourvoira, le plus tôt possible, au retrait des bons, à leur réduction et à leur échange contre d'autres de forme régulière avec les précautions propres à inspirer toute confiance et dans le public et dans le commerce, ou en leur substituant des valeurs métalliques tout autant que les circonstances permettront de le faire sans de trop grands sacrifices.

«Art. 4. Le papier-monnaie émis par des provinces ou par des communes pourront continuer leur cours dans les localités respectives, sous leur garantie particulière, mais sans que le gouvernement prenne à cet égard aucune responsabilité. Sa surveillance se portera sur ce point seulement en ce qui touche l'indemnité publique."

A cette époque, le papier émis à Rome formait une valeur nominale de 6,800,000 piastres, dont 2,300,000 piastres d'émission pontificale que le gouvernement reconnaissait et garantissait. Ainsi la réduction décrétée portait uniquement sur 600,000 piastres émises par le

gouvernement provisoire, 3,700,000 piastres d'émission républicaine.

Ces mesures si opportunes en elles-mêmes soulevèrent des tempêtes contre l'esprit qui les avait inspirées. Les ennemis de la papauté, profitant de cette occasion. pour remuer le levain révolutionnaire, reprochèrent à la commission gouvernementale un état de choses existant avant qu'elle eût pris avec les rênes de l'État le funeste héritage de la République. En effet, les bons républicains perdaient à l'escompte les deux tiers de leur valeur effective.

Le papier-monnaie, l'un des plus grands fléaux des commotions politiques, n'est jamais enlevé de la circulation sans passer par des réductions inévitables; souvent même il est entièrement annulé. En France, 45 milliards et 500 millions de livres furent émis de 1792 à 1796. Cette somme énorme, après avoir subi diverses opérations, après avoir été réduite à 800 millions de mandats, fut, on le sait, entièrement abolie. En 1810, l'Autriche avait en circulation des billets de banque pour la somme de un milliard 60 millions de florins. Ces billets furent réduits à 20 0/0 par patentes du 20 février 1811. En 1798, le Piémont avait en circulation 67 millions de livres de bons de crédit et 41 millions de monnaie d'alliage. Le gouvernement provisoire établi par les Français diminua de deux tiers la valeur du papier-monnaie et d'un tiers celle de la monnaie d'alliage par un décret du 19 décembre de la même année.

A Rome même, en 1798, il y avait en circulation des cédules pour la somme d'environ 14 millions d'écus. A la mi-février, époque de la promulgation de la République, ces cédules perdaient au change de la monnaie 67 pour cent. Les généraux Berthier, Dallemagne et Macdonald, qui eurent successivement le pouvoir, promulgué

rent diverses lois pour les accréditer, les diminuer, les changer en assignats; enfin, le général Dufresne, par décret du 26 mars 1799, proclama que les assignats qui alors circulaient à 20 pour cent de leur valeur nominale, cesseraient le 4 mai d'avoir cours de monnaie, et que les cédules seraient annulées pour toujours.

Ainsi, les dispositions décrétées par la nouvelle commission gouvernementale, n'étaient pas seulement autorisées par les nécessités de la situation financière, elles étaient encore justifiées par des actes et des antécédents d'une nature identique.

Dans ce temps, Mazzini qui avait repris son titre de triumvir un instant déposé sur l'autel de la patrie, Mazzini qui se considérait toujours comme revêtu de la puissance souveraine et de toute autorité sur Rome, fulmina contre les Français cette excommunication en forme d'adresse.

"Aux Romains!

- Vos frères de la Lombardie, cette terre dont les fils ont donné en 1848 le signal de l'insurrection et de la victoire, en s'abstenant des cigarres autrichiens, vous crient: Italiens rejetez les produits de la France! Que ces paroles, citoyens Romains, qui ont trouvé tant d'échos dans les autres portions du sol italien, retentissent puissamment à vos oreilles et pénètrent vos esprits d'une patriotique unanimité. Qu'elles soient un témoignage solennel, qu'entre les envahisseurs et les opprimés tout lien moral économique et régulier est désormais rompu jusqu'au jour de la résurrection et de la liberté commune. Repoussez donc inexorablement les produits manufacturiers, les vins, les livres; en un mot tout ce qui vient de France. Rompez tout rapport commercial avec ce pays et lorsque ses fils vous offriront les objets de leur trafic, montrez

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