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se détachant aussitôt de la flotte, avait reçu l'ordre de débarquer le commandant d'état major, Espivent de la Villeboisnet, aide de camp du général en chef; le capitaine Durand de Villers, aide de' camp du général Regnault de Saint-Jean-d'Angely; et M. Latour d'Auvergne, secrétaire de légation. Ces officiers avaient mission de faire connaître au gouverneur de la ville, les intentions de la France et de lui remettre la lettre suivante:

« Monsieur le gouverneur,

« Le gouvernement de la République française désirant, dans sa sincère bienveillance pour les populations romaines, mettre un terme à la situation dans laquelle elles gémissent depuis plusieurs mois, et faciliter l'établissement d'un ordre de choses également éloigné de l'anarchie de ces derniers temps et des abus invétérés qui, avant l'avènement de Pie IX, désolèrent les États de l'Église, a résolu d'envoyer à cet effet à Civita-Veechia, un corps de troupes dont il m'a confié le commandement.

"Je vous prie de vouloir bien donner les ordres nécessaires pour que les troupes en mettant pied à terre au moment même de leur arrivée, ainsi que cela m'a été. prescrit, soient reçues et installées comme il convient à des alliés appelés dans votre pays par des intentions si amicales.

« Le général en chef, représentant du peuple,

"OUDINOT DE REGGIO. »

Le gouverneur de la ville, J. Manucci, était sans ordres; n'osant prendre sur lui la responsabilité de l'initiative, il déclara aux délégués français que son devoir lui imposait l'obligation d'instruire son gouvernement de la situation des choses, mais qu'en attendant la rẻ

ponse, il s'empresserait de mettre à la disposition de la flotte tout ce qui lui serait nécessaire. Le général en chef répliqua qu'il ne pouvait attendre. Sur ces entrefaites, le conseil municipal de Civita-Vecchia et la Chambre de commerce, d'accord avec les officiers supérieurs de la ville, redoutant les conséquences d'un retard imposé, décrétèrent en conseil que, non-seulement le débarquement immédiat aurait lieu mais qu'ils protestaient d'avance contre quiconque s'y opposerait.

Le 25, à six heures du matin, un canot du Panama, portant à son bord le capitaine Durand de Villers, transmit aussitôt au général en chef la résolution adoptée par les autorités de Civita- Vecchia; elle était sur tous les points conforme aux instructions du chef. A onze heures, l'escadre mouillait à portée de canon du port, le front des soldats était rayonnant. Dès que le vaisseau amiral eut jeté l'ancre, les autorités de la ville se rendirent à bord et le débarquement des troupes commença. La mer se couvrit d'embarcations. Avant le soir toutes les troupes étaient débarquées.

Le général en chef ayant pris terre le premier, au milieu de chaudes acclamations et aux cris de vive la France! adressa la proclamation suivante à ses troupes:

"Soldats!

«Le drapeau français flotte sur les forts de CivitaVecchia. Nous pouvions opérer un débarquement de vive force; toutes les mesures étaient prises pour en assurer le succès. Nous avons dû nous inspirer de la pensée de notre gouvernement qui, associé aux idées généreuses de Pie IX, veut éviter, autant que possible, l'effusion du sang.

"Les autorités de Civita-Vecchia, cédant aux vœux des habitants, vous ont ouvert les portes de la place à la première sommation.

"Cet accueil, vous le sentirez, ajoute à nos devoirs, il aggraverait toute infraction à la discipline: il nous commande, non-seulement de respecter les populations, mais encore d'entretenir avec elles des rapports bienveillants.

"La flotte va vous amener, sous peu de jours, un renfort considérable. Soldats de l'armée de terre, je suis votre interprète en remerciant nos frères d'armes de la marine. C'est à leur puissant concours que nous aimons à reporter le succès de notre première opération.

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Le général commandant en chef, "OUDINOT DE REGGIO.

Civita-Vecchia, le 25 avril 1849. »

Le débarquement était à peine terminé, qu'un millier de volontaires lombards transportés au secours de Rome par deux bâtiments sardes, se mirent en mesure de prendre terre, mais le commandant en chef s'y opposa provisoirement. Une heure après, le lieutenant-colonel du génie Leblanc, le capitaine du génie Boissonet, et M. Feraud, lieutenant d'état-major, étaient partis pour Rome avec la mission de faire connaître au gouvernement républicain l'entrée des troupes françaises sur le territoire romain et le but de l'expédition. Le chef de bataillon Espivent de la Villeboisnet s'était rembarqué pour Gaëte avec une lettre du général en chef pour le Saint Père et des dépêches pour MM. d'Harcourt et de Rayneval, ministres plénipotentiaires près le souverain Pontife. Les trois premiers officiers se croisèrent avec l'ordre du triumvirat de s'opposer par la force au débarquement, et avec Rusconi, ministre des affaires étrangères, accompagné du député Pescantini, se rendant à Civita-Vecchia pour juger par eux-mêmes de la situation. Ils avaient trouvé la place occupée par les soldats de la France, les troupes répu

blicaines désarmées, et dix mille fusils expédiés par l'Angleterre, saisis. Admis en la présence du commandant en chef, celui-ci répondit à leurs questions sur ses projets ultérieurs qu'avant de prendre une résolution définitive, il attendrait les rapports des officiers envoyés simultanément à Rome et à Gaëte. Déjà le général venait de se soumettre à l'accomplissement d'un devoir en adressant aux populations une proclamation qui était l'œuvre du cabinet. La voici :

"Habitants des États romains,

"En présence des événements qui agitent l'Italie, la République française a résolu d'envoyer un corps d'armée sur votre territoire, non pour y défendre le gouvernement actuel qu'elle n'a point reconnu, mais afin de détourner de votre patrie de grands malheurs.

"La France n'entend pas s'attribuer le droit de régler des intérêts qui sont, avant tout, ceux des populations romaines et qui dans ce qu'ils ont de plus général, s'étendent à l'Europe entière et à tout l'univers chrétien. Elle a cru seulement, que par sa position, elle était particulièrement appelée à intervenir, pour faciliter l'établissement d'un régime également éloigné des abus à jamais détruits par la générosité de l'illustre Pie IX, et de l'anarchie de ces derniers temps. »

Ce langage équivoque ne satisfit personne, on devait s'y attendre; il plaçait deux partis extrêmes dont l'un opprimait l'autre, dans les mystères de l'inconnu. Quoi qu'il en soit, il était le complément textuel d'une série d'instruetions données par le cabinet. Le ministère concédait d'ailleurs, au commandant en chef, le droit de ne pas s'arrêter à la résistance que par hasard il pourrait rencontrer de la part d'un gouvernement non reconnu de l'Europe.

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Le 26 à midi, Montecchi, ministre des travaux publics, se présenta au général Oudinot. Il venait réclamer au nom du gouvernement romain, le débarquement des volontaires lombards à Porto d'Anzio, et la restitution des armes saisies à leur entrée dans le port. En présence des obstacles qui s'opposaient au retour des Lombards, dans leur pays occupé par les Autrichiens, le général avait accueilli favorablement la première demande, sous la condition expresse que ces soldats ne seraient pas débarqués dans les États pontificaux, avant le 4 mai; il refusa la seconde. Montecchi repartit immédiatement pour Rome, avec le capitaine d'artillerie Fabart, aide de camp du général en chef. Ce dernier avait pour mission spéciale de seconder le colonel Leblanc et de faire connaître immédiatement à Civita-Vecchia le véritable état des choses. Sur ces entrefaites, le lieutenant d'état-major Féraud avait rapporté des dépêches importantes. Il était onze heures du soir; les officiers que le général avait envoyés à Rome pour y étudier l'esprit public, lui rendaient compte de leurs observations basées sur l'appréciation des personnes graves avec lesquelles ils s'étaient mis en relation. Il résultait clairement de leur rapport, que le tableau que nous avons fait de la situation de Rome n'était point assombri. Il était évident qu'une poignée de révolutionnaires déterminés tenaient en échec les bons citoyens, et ralliaient à leur cause, les masses flottantes qui se groupent autour des pouvoirs naissants. Ces hommes presque tous étrangers, dominaient par la menace et la violence; cependant, il ne paraissait pas douteux, d'après les indices recueillis sur les lieux mêmes, qu'une démonstration armée sous les murs de Rome, ne fit éclater un mouvement réactionnaire, et n'ouvrit les portes de la ville aux troupes expéditionnaires. Dès lors, une reconnaissance sérieuse et immédiate étant

BALLEYDIER. II.

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