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reconnue nécessaire, le général en chef résolut de se por

ter en avant.

En attendant, le lieutenant Féraud repartit de nouveau avec la double mission d'établir l'avantgarde du bataillon de chasseurs à Palo et de signifier au triumvirat romain que l'armée française était en marche sur Rome pour y entrer avec les dispositions les plus bienveillantes.

Le retour du capitaine Fabart, revenu dans la soirée du même jour, ne fit que confirmer le général Oudinot dans sa résolution de marcher sur la capitale des États romains.

"Mon général, lui dit cet officier, j'ai vu de près les chefs de parti; malgré leur forfanterie je suis convaincu que l'intervention française sera acceptée avec reconnaissance dans les États pontificaux si une énergique démonstration a lieu immédiatement contre le foyer de la démocratie italienne. L'apparition des nos troupes sous les murs de Rome est done urgente. »

Cette affirmation coïncidait parfaitement avec les avis de la diplomatie. Les ministres de la France à Rome et à Gaëte avaient des raisons pour croire que la plupart des soldats romains ne voudraient pas mesurer leurs épées à celles des soldats français; et ils pressaient le général Oudinot de hâter son mouvement. En avant, général, lui écrivait le duc d'Harcourt à la date du 26, il est important que vous hâtiez votre marche sur Rome; votre arrivée subite et inattendue a étonné et terrifié; c'est une situation dont il faut profiter. Si vous laissez aux mauvais sujets de Rome le temps de se remettre de leur premier effroi, ils prépareront des moyens de résistance, et feront verser du sang, ce qu'on désirerait éviter.

"A Gaëte on voudrait que nous fussions des agents passifs et non des médiateurs. Nous ne pouvons éviter

cette mauvaise et mesquine position qu'en allant sans retard à Rome. Malgré la rodomontade romaine vous ne trouverez pas de résistance dans cette ville: la majorité sera pour vous dès que vous lui ferez appel.

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A la même date le comte de Rayneval écrivait au général dans un sens identique.

Des appréciations semblables prenaient leur source dans de puissantes considérations. La majorité de la garde civique, malgré les éléments anarchiques qui s'étaient introduits dans ses rangs, était sympathique à la France, regardée à cette heure plutôt comme un moyen de salut que comme un instrument d'oppression.

Avant de donner ses derniers ordres pour le départ, le général en chef, prenant Civita-Vecchia pour la base de ses opérations et reconnaissant la nécessité d'occuper fortement cette place, en nomma le colonel Blanchard gouverneur, et plaça sous ses ordres six compagnies du centre du 36 régiment de ligne, une section du génie et un détachement de personnel d'artillerie. Ensuite, il publia une nouvelle proclamation et ses mesures prises, la colonne expéditionnaire se mit en route le 28 avril à six heures du matin. Elle formait une division aux ordres du général Regnault d'Angely et marchait dans l'ordre suivant:

1

BRIGADE MOLLIÈRE.

Cinquante chasseurs du 1er régiment, formant l'unique détachement de cavalerie dont se composait alors le corps expéditionnaire;

Le 20 de ligne;

Le 33 de ligne;

La 13 batterie du 3° régiment d'artillerie;
La 3 compagnie du 2 régiment du génie.

1 Voyez les documents bistoriques, n. 6.

2

BRIGADE LEVAILLANT (Charles).

Dix compagnies du 66° de ligne;
Douzième batterie du 3° régiment d'artillerie;
Une compagnie du génie.

La veille, ainsi que nous l'avons dit, le premier bataillon de chasseurs à pied avait pris position à Palo. Le 29 avril, le corps expéditionnaire venait d'établir son bivouac à Castel di Guido, situé à seize kilomètres de Rome, lorsque le commandant en chef, voulant connaître le plus tôt possible les dispositions des troupes romaines, donna ordre au capitaine Oudinot, son officier d'ordonnance, d'aller jusqu'à leurs avant-postes avec une escorte de chasseurs à cheval. Le capitaine poussa jusqu'à douze kilomètres de la ville. Un poste avancé lui barrant la route, il s'arrête pour entrer en pourparlers; ses paroles sont accueillies par une décharge qui démonte un de nos cavaliers. Le poste romain se replie rapidement après avoir tiré. Fidèle aux instructions qu'il avait reçues, le capitaine Oudinot revint immédiatement rendre compte de sa mission. Le commandant en chef était entouré de son état-major. « Eh bien? que veulent les Romains? demanda-t-il à son officier d'ordonnance, « la guerre, répondit le capitaine Oudinot, ils m'ont reçu à coups de fusils. S'ils veulent la guerre, répliqua le gégéral, ils l'auront, mais nous devons tout faire pour l'éviter. » Cependant ce fait isolé ne détruit pas toute espérance de conciliation; le duc de Reggio savait par divers rapports que les Romains feraient un simulacre de résistance pour sauvegarder l'honneur des armes. Le lendemain, à 3 heures du matin, les troupes se remettent en route dans le même ordre que la veille, si ce

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n'est que le bataillon des chasseurs à pied marchait en tête appuyé par les compagnies des voltigeurs du 20o de ligne. La chaleur était excessive; dans le but d'épargner aux hommes un surcroît de fatigue, on fit déposer les sacs à Maglianella, sous la garde d'une section du 33o de ligne: ils ne conservèrent que leurs couvertures et leurs sacs de campement roulés en sautoir et contenant le biscuit et les munitions de guerre.

La route que suivaient les troupes se bifurque à douze cents mètres de l'enceinte bastionnée de la ville. La route de droite conduit à la porte Saint-Pancrace, celle de gauche aboutit à la porte Cavalleggieri; la colonne s'engagea dans celle-ci après en avoir fait occuper les hauteurs. Aucun ennemi ne s'était montré depuis la reconnaissance faite par le capitaine Oudinot, tous s'étaient abrités derrière les remparts.

Dans ce moment un coup de canon se fait entendre. Un officier, qui connaissait les usages de Rome, s'écrie en regardant sa montre: « Ce n'est rien, c'est le canon qui sonne l'heure de midi; » au même instant, un second coup retentit et un boulet fait une trouée sanglante dans les rangs pressés de la colonne. La guerre était commencée! Le commandant en chef donne aussitôt ses ordres; alors, tandis que les chasseurs à pied et les voltigeurs de ligne se dispersent en tirailleurs, profitant de chaque accident du terrain pour s'abriter contre le feu de l'artillerie qui tonne sans intervalle, le chef d'escadron d'artillerie, Bourdeaux, place une section de deux pièces sur une terrasse située à une distance de neuf cents mètres et en regard du bastion d'où partaient les * coups qui enfilaient la route; une seconde section de deux autres pièces se glissant au galop à travers les projectiles sous les voûtes d'un aqueduc, se porte sur la droite de la route et prend position à trois cents mètres

du bastion. Placées ainsi, les quatre pièces dirigent un feu très-vif sur tout ce qui se présente sur les remparts, et cherchent à démonter les pièces ennemies admirablement servies par des artilleurs suisses. Pendant ce temps, les 20 et 33 de ligne s'élancent résolûment en avant à travers une grêle de balles pour s'embusquer dans les vignes qui garnissent le coteau. De leur côté, les Romains, au nombre de quatre à cinq mille combattants, font une sortie sous les ordres de Garibaldi et se glissent dans la villa Panfili sous la protection des arbres qui protégent leur mouvement. Cette sortie a pour but de tourner les positions des Français et de prendre la colonne en queue pendant que le feu de la place la mitraillait en tête. Une compagnie de chasseurs à pied s'embusquant dans un ravin imprime bientôt un mouvement de retraite à l'ennemi, qui se réfugie dans plusieurs maisons voisines et inhabitées. Quelques compagnies du 20 de ligne, lancées dans cette direction, les en débusquent après leur avoir fait éprouver des pertes sensibles. Le feu s'était engagé de part et d'autre avec un grand acharnement; de part et d'autre aussi le sang coulait en abondance. Dans la deuxième section, le lieutenant Pachon et quelques hommes tombent mortellement frappés; plusieurs cavaliers sont démontés. Alors le capitaine Fabart s'écrie: Mon général, j'ai reconnu avant-hier un chemin qui conduit, sans être exposé au feu des remparts, à la porte 'Angelica, où doit se produire énergiquement la démonstration préparée en notre faveur. » Il n'y avait pas un instant à perdre; le général Oudinot, confiant dans une déclaration si positive, prescrit avec calme au général Levaillant (Charles), de se porter sur cette direction avec deux pièces et une partie de la brigade. Le capitaine Fabart, abusé par ses souvenirs, entraîne la colonne dans un chemin qui est aussitôt foudroyé par

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