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l'artillerie ennemie; ce brave et téméraire officier tombe aussitôt frappé de cinq coups de mitraille; quatre chevaux de la section d'artillerie sont renversés, mortellement atteints. On se trouvait à demi portée de pistolet de l'ennemi; une partie de la brigade Levaillant dut s'établir et se retrancher dans les maisons voisines; l'autre partie se vit forcée de s'abriter derrière un talus sous le canon même de la place. Pendant ce temps, la brigade Mollière combattait vaillamment à la porte Cavalleggieri.

Sur ce point, les colonels Marulaz et Bouat des 20o et 35° de ligne, s'élancent avec une centaine d'hommes sur la porte Pertusa; emportés par leur bouillant courage, ils arrivent à cheval jusqu'au pied même du rempart, ils profitent d'un pli de terrain pour s'y embusquer, mais le nombre des Romains et plus encore les travaux accumulés pour la défense de la place, ne leur permettent pas de poursuivre avec succès cette audacieuse entreprise.

Tandis que les jeunes soldats de la France exposés à un ouragan de fer reçoivent ainsi bravement le baptême du feu, le chef de bataillon Picard manœuvrant à l'extrême droite avec deux cents cinquante hommes du 20o de ligne, s'emparait d'une position avancée pour faciliter une diversion opérée, sur la gauche, par le général Levaillant. Ce mouvement réussit d'abord, mais plus tard le feu ayant cessé sur toute la ligne, les Romains sortirent en foule par la porte Saint-Panerace, agitant des mouchoirs blancs et criant: La paix est faite, vive la paix! Ennemis ce matin, nous sommes frères ce soir, vive la France! vivent les Français! » Alors le commandant Picard ne doutant pas que le mouvement opéré sur la porte Angelica, n'eût ouvert l'entrée de Rome au général en chef, se décide à sé rendre lui-même en ville pour prendre ses ordres; mais ne voulant rien livrer à l'im

prévu il recommande à ses hommes de conserver leur position. Les Romains profitent de son absence et de leur nombre pour entourer, presser et entraîner dans la ville ce petit détachement, qu'ils désarment en déclarant qu'i était prisonnier de guerre.

Au prix d'efforts inouïs et d'incroyables prodiges de valeur, le commandant en chef reconnaît qu'une plus lorgue persistance serait inutile en dehors du mouvement réactionnaire, comprimé par les bandes de Garibaldi et des Lombards, entrés dans la ville contrairement à la stipulation écrite de Civita-Vecchia.

En conséquence, il donne le signal de la retraite et l'ordre de faire évacuer les blessés sur Maglianella. Mais de même que pas un soldat romain n'avait attendu les Français marchant sur Rome, pas un seul n'osa les suivre dans leur mouvement de concentration.

Toutes les troupes de la colonne se réunirent immédiatement sur ce point, à l'exception du général Levaillant, Charles, qui dut attendre, avec quelques compagnies l'obscurité de la nuit pour dégager et emmener à bras les deux pièces de canon abandonnées sur le chemin de la porte Angelica. De son côté, le commandant en chef les y rejoignit à deux heures du matin avec l'extrême arrière-garde; arrivé le premier sur le champ de bataille il ne le quitta que le dernier. Alors, tandis que les soldats se reposaient de leurs fatigues, il expédia au ministre de la guerre une dépêche télégraphique, lui annonçant le résultat de la journée du 30 avril et lui disant que Rome, ayant fermé ses portes à l'armée expéditionnaire, devait être désormais l'objet d'une attaque régulière et non d'une simple reconnaissance. Il ne put lui adresser un rapport détaillé que le 4 mai, car tous les bâtiments qu'on avait mis à sa disposition s'étaient rendus en France pour y chercher de nouvelles troupes.

Pour réparation, l'honneur de la France exigeait une victoire, le général la promit à ses soldats, et nous verrons comment il tint parole. Ainsi que nous l'avons dit, un grand nombre de nos jeunes soldats, le 30 avril, voyait le feu pour la première fois. Ils supportèrent admirablement cette épreuve. Combattant à découvert un ennemi dix fois plus nombreux et caché derrière de fortes murailles, ils n'ont pas faibli un seul instant et ils ont dignement soutenu le renom de la valeur française. Le danger grandit leur courage, l'obstacle rehaussa leur énergie.

Parmi les braves qui déployèrent le plus de courage et de sang-froid, le sous-intendant Dutheil se distingua autant par l'intrépidité avec laquelle il établit ses ambulances sous le feu de l'ennemi, que par les soins intelligents qu'il fit donner aux blessés. Plusieurs prêtres furent admirables de dévouement, entre autres monseigneur Luquet, évêque d'Hezebon, l'abbé du Casquer et l'abbé de Mérode.

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CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME.

Cruautés des Romains envers les prisonniers français. Une escadre espagnole arrive devant Terracine. - Entrée en campagne des troupes napolitaines. — Des renforts arrivent de France à l'armée expéditionnaire. Mission courageuse de M. Mangin. Travaux de

fense.

Assassinat de trois paysans.

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Renvoi des prisonniers français. Chevaleresques représailles.
Effet produit en France par l'affaire du 50 avril. - Noble lettre du
prince Louis-Napoléon. Départ de M. de Lesseps pour Rome.
Opérations militaires et diplomatiques. Fatale convention.
Hymne révolutionnaire. Mouvement des
Victoire et mystification.

profite aux Romains.

armées catholiques.

Pamphlet.

Elle

Le premier soin du général en chef, après avoir visité l'ambulance, fut de faire constater par l'appel des corps le nombre des absents. Cinq cents hommes manquaient à l'appel; dans ce nombre figurent les deux cent cinquante soldats du 20 de ligne que la trahison retenait momentanément captifs. A leur entrée dans Rome, les démonstrations sympathiques s'étaient changées en cris de haine et en des vociférations de mort contre les victimes de cet indigne guet-à-pens. Pour quelques-uns de nos soldats l'effet suivit de près la menace: l'un d'eux, frappé de trois coups de feu, fut dépouillé de ses souliers, de son shako, de sa tunique, et dans cet état, marquant sa

route avec du sang, forcé de parcourir à pied une assez grande distance pour arriver à l'ambulance où il mourut ; un autre, au mépris des lois qui protégent les prisonniers de guerre, fut blessé mortellement dans le Corso; un troisième, enfin, reçut, dans les rues de Rome, un coup de feu qui lui traversa les deux cuisses: pendant plus de huit heures on le laissa sans pansement à l'ambulance. La cruauté se faisait l'auxiliaire et le complice de la trahison. D'un autre côté, le commandant Picard, suivi d'une populace irritée, était conduit à l'hôtel de la Minerve, qu'on lui donna pour prison. « Je proteste, s'écriait ce brave officier, contre l'acte déloyal qui me retient en vos mains. Ce n'est pas ainsi qu'on fait la guerre; je ne suis point votre prisonnier: tuez-moi, ou rendez-moi la liberté. » Vaine protestation; le peuple n'y répondit que par l'insulte. A son tour, l'outrage se faisait le complice et l'auxiliaire de la cruauté.

Cet état de choses ne pouvait durer. Les chefs de la république romaine, craignant d'une part des représailles envers leurs soldats prisonniers, d'un autre côté, la démocratie française avec laquelle leur correspondance était très-active, leur envoyant des instructions secrètes, leurs dispositions hostiles se changèrent aussitôt en témoignages d'une bienveillance calculée pour les soldats français.

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« Vous n'avez rien à craindre, dit Mazzini à l'un des officiers prisonniers; vous pouvez compter sur tous les égards qui vous sont dûs; nos amis de Paris désirent qu'une confraternité commune s'établisse entre nous, - Je suis au-dessus de la crainte, répliqua l'officier fran→ çais; j'ai rempli, mon devoir. »

Alors, les soldats se trouvèrent exposés à de nombreuses séductions, à de pressantes promesses tendant à leur arracher un signe de protestation contre l'esprit de l'ex

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