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ciennes Énigmes qui se proposaient dans les festins. Enfin, être toujours de fête, avoir le ventre creux, et n'avoir rien qu'à sa tête, voilà autant d'explications plus claires, qui déterminent l'objet dont on a voulu parler.

Passons à la Charade: en voici une qui roule sur le mot vertu.

On trouve dans ce mot, ver et tu; ce qui motive l'explication suivante :

Un insecte rampant compose mon premier.
Moins honnête que vous, mon second est plus tendre.
Dans l'un et l'autre, on chérit mon entier.

A des traits si frappans, qui pourrait se méprendre?

On voit par cet exemple, que tous les mots ne peuvent servir à une Charade. Il faut que ce mot employé puisse se couper en deux moitiés, qui offrent chacune un sens complet, sans altération des lettres ni de l'orthographe.

Le Logogryphe le plus parfait est celui qui, outre l'indication des différens mots que sa décomposition fait rencontrer, présente une explication détaillée du mot principal. Néanmoins, on se contente souvent de le désigner par le nombre de ses pieds, c'est-à-dire de ses lettres. C'est ainsi que se trouve composé le suivant, dont le mot est drame, dans lequel on trouve rame, dame et âme.

Avec cinq pieds, ma structure est entière;
De deux muses, lecteur, je suis l'enfant bátard.
Le fou, le sage, le vieillard,

Le jeune homme, la tendre mère,
En me voyant, versent des pleurs,

Et me quittent souvent pénétrés de douleur.
Sans tête, un bras nerveux me tient à la galère.
Rends-moi mon chef, coupe mon second pié,
Je me métamorphose en dame.

Supprime-les tous deux, ô douleur ! ô pitié!
Il ne reste plus que l'âme.

FIN DE LA SECONDE PARTIE.

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DEMANDE. Qu'est-ce que la Poésie ? RÉPONSE. C'est l'art de plaire, de toucher, d'élever l'âme, de lui inspirer de grands sentimens, et de peindre les passions. On peut la comparer à la peinture; si celle-ci, par le secours des couleurs, anime et fait respirer la toile, si elle sait nous présenter tant de situations différentes; celle-là, à l'aide des expressions, forme aussi des images, des peintures que l'esprit et l'œil contemplent avec plaisir. Souvent même la poésie est plus vive et plus animée que la peinture. Elle peint ou les objets sensibles, ou les passions, ou les idées abstraites.

Elle peint les objets sensibles : c'est

ainsi que Voltaire et Crébillon nous peignent une tempête :

L'astre brillant du jour à l'instant s'obscurcit.
L'air siffle, le ciel gronde, et l'onde au loin mugit.
Les vents sont déchaînés sur les vagues émues,
La foudre étincelante éclate dans les nues,
Et le feu des éclairs, et l'abyme des flots,
Offre partout la mort aux tristes matelots.

:

HENR. ch. I**.

L'air mugit, le jour fuit, une épaisse vapeur,
Couvre d'un voile affreux les vagues en fureur.
La foudre éclairant seule, une nuit si profonde,
A sillons rédoublés ouvre le ciel et l'onde;

Et comme un tourbillon, embrassant nos vaisseaux,
Semble, en source de feu, bouillonner sur les eaux.
Les vagues quelquefois nous portent sur leurs cimes,
Nous font rouler après sous de vastes abîmes,
Où les éclairs pressés, pénétrant avec nous,

Dans des gouffres de feu, semblaient nous plonger tous.
Le pilote éffrayé, que la flamme environne,

Aux rochers qu'il fuyait, lui même l'abandonne.

ÉLECTRE. act. 2o. S. 11o.

Elle peint les passions : c'est ainsi que Colardeau nous représente l'âme d'Héloïse combattue tour-à-tour par l'amour profane et par l'amour divin:

Avant que le repos puisse entrer dans mon âme,
Avant que ma raison puisse étouffer ma flâne,
Combien faut-il encore aimer, se repentir,
Désirer, espérer, désespérer, sentir,
Embrasser, repousser, m'arracher à moi-même,
Faire tout, excepté d'oublier ce que j'aime?
O funeste ascendant! ô joug impérieux!

Quels sont donc mes devoirs, et qui suis-je en ces lieux?

Perfide! de quel nom veux-tu que l'on te nomme?
Toi l'épouse d'un Dieu, tu brûles pour un homme?
Dieu cruel! prends pitié du trouble où tu me vois;
A mes sens mutinés ose imposer tes lois.

Ta tiras du cahos le monde et la lumière :
Hé bien, il faut t'armer de ta puissance entière.
Il ne faut plus créer... Il faut plus en ce jour,
Il faut dans Héloïse anéantir l'amour.

Elle peint aussi les idées abstraites: Voltaire, pour montrer que notre bonheur dépend de nous-mêmes, s'exprime ainsi :

Le bonheur est le port où tendent les humains,
Les écueils sont fréquens, les vents sont incertains.
Le ciel, pour aborder cette rive étrangère,
Accorde à tout mortel une barque légère,
Ainsi que les dangers, les secours sont égaux.
Qu'importe, quand l'orage a soulevé les flots,
Que ta poupe soit peinte, et que ton mât déploie
Une voile de pourpre, et des cables de soie?
L'art du pilote est tout; et pour dompter les vents,
Il faut la main du sage et non les ornemens.

D. Quelle est l'origine de la Poésie? R. Elle ne fut dans sa naissance qu'une expression vive et naturelle du culte que la créature rendait au créateur. L'homme, reconnaissant les bienfaits dont il était comblé, anima le ciel, la terre et la mer, pour l'aider à payer le tribut de reconnaissance qu'il devait à son bienfaiteur : ainsi la Poésie doit son origine à la religion, C'est ainsi que s'exprime Racine à ce sujet :

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