Images de page
PDF
ePub

même qu'ils font usage de la musique et de la danse '. Toute danse qui fait partie d'une liturgie s'appelle

danse sacrée.

De la danse sacrée dérive la danse profane, danse qui se pratique dans les jours d'allégresse publique ou d'allégresse domestique. Celle-là se divise en honnête et en déshonnête, danses qui ne rappellent pas également toutes deux la dignité de leur commune origine.

La danse honnête n'a pas besoin d'être définie. Cet exercice, auquel de jeunes filles et de jeunes garçons se livrent, en présence de leurs parents, est une imitation des jeux décrits par Horace, des jeux que les Grâces décentes formaient avec les nymphes et les pasteurs, sous les yeux même de Diane. Mais les satyres se mêlaient quelquefois à ces danses quand Diane n'y regardait pas; et, de gracieuses qu'elles étaient, elles devenaient alors voluptueuses, licencieuses, lascives même.

Les anciens, qui aimaient à se modeler sur leurs dieux, les imitèrent jusque dans leurs écarts.

Saltantes satyros imitabitur Alphesibous ".

(VIRG., égl. v.)

De cette imitation est née la danse déshonnête, la

1 En ordonnant aux femmes de tenir les yeux baissés, de ne point agiter leurs pieds, de peur de laisser apercevoir leurs jambes, Mahomet interdit par cela même la danse, qu'il ne compte pas d'ailleurs parmi les plaisirs promis aux musulmans dans son paradis. (Voyez, dans le Coran, le chapitre intitulé la lumière. )

→ Alphésibée imitera la danse des satyres.

danse lascive, danse proscrite par la morale non moins que par la religion.

:

Chez les chrétiens aussi, la danse religieuse a dégénéré en danse licencieuse. De honteuses voluptés ont corrompu promptement l'innocence des danses qui accompagnaient les agapes il n'est donc pas étonnant que, dès le quatrième siècle, les conciles, les papes, les évêques, aient fermé l'église à ces choeurs avec lesquels le scandale y pouvait rentrer. Un prince, dont la morale était moins sévère que celle des saints pères, Tibère, révolté de ces obscénités, avait chassé de Rome les danseurs et les maîtres de danse.

Rien de mieux que de réprimer ces abus de l'art; mais étendre l'interdiction jusqu'à l'art lui-même, est-ce un acte de saine raison?

La danse est sans doute un art dont l'usage ne saurait être admis partout, et dans lequel même il ne convient pas à tout le monde d'exceller. Hors du théâtre c'est un ridicule que de s'y montrer trop habile. Quelle perte de temps ne suppose pas l'acquisition d'un talent si futile quand il est porté à la perfection! Salluste reprochait à Sempronia de chanter et de danser mieux qu'il ne convenait à une honnête femme, psallere et saltare elegantius quam necesse est proba. Tous les bons esprits seront de son avis.

Mais les bons esprits ne sauraient être de l'avis de ces rigoristes qui prétendent interdire la danse décente à des réunions purement profanes. C'est montrer, ce me sem→

ble, plus de zèle que de jugement. Ce qui est indécent dans le lieu saint ne saurait-il être décent en d'autres lieux? Ces zélateurs ne savent - ils donc pas que la danse à laquelle les paysans se livrent le dimanche sur la place publique n'est qu'une continuation d'un usage consacré par l'Église elle-même ? Les chrétiens de l'un et de l'autre sexe, qui avaient été chercher dans le désert un refuge contre la persécution, se rassemblaient dans les hameaux les fêtes et les dimanches, et dansaient pieusement en chantant les prières du jour, dit le P. Hélyot, dans son Histoire des ordres monastiques..

Ce fait, raconté par un moine picpus, prouve, dirat-on, qu'autrefois la danse a été permise aux moines par les abbés; mais non pas qu'aujourd'hui les curés doivent la permettre à leurs paroissiens.

Si l'opinion d'un archevêque est de poids dans une pareille question, opposons à ces ennemis de la danse l'autorité d'un archevêque.

L'homme le plus sincèrement et le plus raisonnablement religieux qui ait peut-être existé, Fénelon, répondit à un curé qui se vantait d'avoir aboli la danse dans sa paroisse : « Ne dansons pas, monsieur le curé; mais permettons à ces pauvres gens de danser. Pourquoi les empécher un moment d'oublier qu'ils sont malheureux ?»

A cette considération concluante pour la charité, on pourrait en joindre une autre non moins concluante pour la morale. L'office divin fini, de quelle manière les paysans emploieront-ils le dimanche, si, dans ce

jour où il leur est défendu de travailler, il ne leur est pas permis de danser? N'iront-ils pas chercher dans les cabarets et dans les bois des plaisirs un peu moins innocents que ceux qu'ils auraient pris sous les yeux du public 1?

1

Se montrer maussade et tracassier, c'est agir contre l'esprit de la religion, c'est méconnaître les principes posés par le Christ lui-même. Mon joug est doux, a-t-il dit, Jugum meum est suave, et mon fardeau est léger, et onus meum leve 2.

Les danses sacrées les plus célèbres dans l'antiquité étaient, chez les Égyptiens, les danses astronomiques, imitation des mouvements des astres, que les anciens appelaient un bal mesuré.

Chez les Grecs, la danse memphitique, instituée à Athènes par Minerve; la danse lacédémonienne, inventée à Sparte par Lycurgue; la danse des Lapythes, la danse de Bacchus, la danse des funérailles; et, chez les Romains, la danse des Saliens, la danse pyrrhique, la danse de l'archimime, qui toutes se rattachaient à des solennités, étaient des danses sacrées.

Dans cette énumération sont comprises des évolutions exécutées en mesure, au son des instruments. Par cela même qu'elles étaient formées de pas assujettis à un mode précis, ces évolutions n'appartiennent-elles

' Voyez dans le second volume, p. 449, Les danses ont cessé. Evang. sec. Matth., c. x1, V 30.

ou des prêtres de Mars, parcequ'il dirigeait la danse dans les fêtes instituées en l'honneur de cette divinité.

Quoiqu'elles aient été enfin bannies du sanctuaire, où elles introduisirent plus d'une fois la profanation, ces danses pieuses se sont perpétuées jusque dans le dix-septième siècle. Le jésuite Ménestrier, nom précieux pour un chorégraphe, le jésuite Ménestrier, dis-je, attestait en 1682, dans son Traité des ballets, avoir vu le jour de Pâques, dans plusieurs églises, les chanoines danser en rond avec les enfants de chœur, en chantant l'Alleluia.

Disons par parenthèse que c'étaient de grands chorégraphes que les PP. jésuites; pas de bonne fête pour eux sans ballet. C'est par un ballet qu'ils égayaient tous les ans, dans leurs colléges, la distribution des prix; c'est par un ballet qu'on les vit célébrer à Aix l'installation d'un archevêque ; c'est par un ballet qu'ils démontrèrent à Paris l'excellence de la morale chrétienne comparativement à celle du paganisme, excellence qu'ils faisaient ressortir du rapprochement des faits les plus scandaleux de la mythologie, et des mystères les plus saints de notre religion, représentés par leurs élèves avec la plus scrupuleuse exactitude, sur le même théâtre, dans le ballet de la Vérité.

Pendant la messe mosarabe, rétablie à Tolède par le cardinal Ximenès, on dansait avec autant de ferveur que de décence dans la nef et dans le choeur.

En Espagne, en Portugal, et en Portugal, et en d'autres pays catholiques, la danse faisait naguère et fait peut-être encore

« PrécédentContinuer »