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ment de la dîme, institution empruntée par Moïse à Melchisedech', qui encore ne prélevait la dîme que sur le butin; institution empruntée à la Synagogue et par laquelle l'Église assimilait ses curés à des fermiers qui soignent les brebis pour les tondre. La présence de ces pasteurs-là ne réjouit guère le troupeau. Soyons francs, cher abbé, la dîìme ne doit pas être moins odieuse au peuple que les droits féodaux. C'est aussi une exaction fondée sur une usurpation. C'est un tribut établi par les prêtres sur la crédulité, comme les droits seigneuriaux sur la faiblesse, par les conquérants. Tout cela n'est plus dans l'esprit du siècle.

Quand je veux que les curés renoncent à tout casuel, c'est, bien entendu, parcequ'ils seront maintenus par le gouvernement dans un état également éloigné de l'opulence et de l'indigence, comme cela convient à tout professeur public de morale. Cela posé, frère, il est impossible de ne pas trouver le bonheur dans l'état de curé et de n'y pas faire celui des autres. Un bon curé est véritablement l'homme heureux, le beatus vir du Psalmiste; c'est un bon vivant, jucundus homo; qui compatit aux faiblesses des hommes, qui miseretur; leur prête de l'argent au lieu de leur en extorquer, et commodat; et ne dit rien dans ses sermons qui blesse le jugement, et disponet sermones suos in judicio. Ps. III, v. 5. Tel était Rabelais, curé de Meudon.

1 Genèse, ch. xiv.

Tel est le curé de l'Ile Adam, tel est le curé de SaintLeu, tel est le curé d'un village qui se trouve entre Malines et Louvain. Vrai sage, il cultive sa paroisse et son jardin, soigne ses ouailles et ses roses, et réunit le bonheur du Vieillard de Virgile à celui du Ministre de Wakefield aussi a-t-il trouvé le paradis sur terre en attendant mieux. C'est ce que je vous souhaite, frère, per omnia secula seculorum. Amen.

:

J.-F. BONIFOUX.

APPLAUDIR, APPLAUDISSEMENTS.

Applaudir, témoigner son plaisir, sa joie, son admiration en battant des mains.

Ce mot, dérivé du latin plaudere, est, comme son radical, une onomatopée, un mot où l'on retrouve l'imitation du bruit dont il est le nom. Formez vos mains en voûte, frappez-les l'une contre l'autre avec une certaine force, et vous en obtiendrez un son assez semblable à celui du monosyllabe plau, qui se trouve dans le plaudere des Latins, et dans l'applaudissement des Français : voilà ce que c'est qu'applaudir.

Tenant au contraire vos mains étendues, frappez-vous de l'extrémité de l'une dans la paume de l'autre, et vous produisez un son éclatant; c'est ce qu'on appelle claquer: autre onomatopée, dont le monosyllabe cla est le ra

dical, et qui n'a pas d'analogue en latin; ce qui prouve qu'il n'y a pas de riche auquel il ne manque quelque chose.

Si les Romains, en fait de claques, ne possédaient pas le mot, du moins connaissaient-ils la chose. Aucun peuple n'a porté aussi loin qu'eux l'industrie des applaudissements. Ils les divisaient en trois classes, si l'on en croit Suétone : les bombi, dont le bruit imitait le bourdonnement des abeilles; les imbrices, qui retentissaient comme la pluie tombant sur les tuiles; et les testæ, dont le son éclatait comme celui d'une cruche qui se casse.

Les bombi répondent-ils à nos applaudissements graves? les imbrices et les testæ, applaudissements plus sonores, étaient-ils autre chose que des claques? C'est ce que nous laissons à décider aux érudits, en reconnaissant seulement que chez nous autres modernes aussi, les applaudissements ressemblent quelquefois à un bruit produit par des cruches.

Les comiques romains ne se faisaient pas scrupule de solliciter les applaudissements du public. Plaute et Térence observent rigoureusement cette coutume à la fin de leurs pièces. Nos auteurs de vaudevilles sont les seuls qui l'aient conservée : mais ce que les autres réclamaient à titre de dette, ils le demandent à titre de charité; et c'est faire preuve de discernement. Cet usage semble avoir été ignoré des Grecs.

Dans la Vie de Néron.

Les comédiens romains étaient fort avides d'applaudissements; c'est, au fait, le premier salaire de l'acteur. Aussi Néron n'en fut-il pas moins ambitieux qu'Ésopus n'en était friand. Mais ce que celui-ci obtenait, Néron l'arrachait. Si l'on en croit l'histoire, le tribun Burrhus, qui formait son cœur, et le philosophe Sénèque, qui formait son esprit, se sont mêlés plus d'une fois aux soldats qui,

De moments en moments,

Ont arraché pour lui des applaudissements.

RACINE.

La soif des applaudissements n'a jamais été plus insatiable qu'à l'époque où nous sommes; jamais non plus elle n'a été si industrieuse : que de soins, que de peines ne prend-on pas ailleurs même qu'au théâtre pour faire manifester ainsi par les autres ce que l'on pense de soimême! On n'y emploie pas seulement quelques soldats, mais une armée tout entière.

Applaudir, par extension, se dit pour approuver:

Le gros Bonneau d'un gros rire applaudit

A son bon roi qui montre de l'esprit.

VOLTAIRE.

Plaudere avait aussi cette signification chez les Latins:

Populus me sibilat: at mihi plaudo

Ipsi domi, simul ac nummos contemplor in arca.

HOR., lib. v, sat. I.

La canaille me siffle, et moi je m'applaudis,

Dès que je puis loin d'elle, au fond de ma retraite,
Contempler mes écus rangés dans ma cassette.

Phocion, étonné un jour de s'entendre applaudir par les Athéniens, qui, d'ordinaire, ne lui accordaient pas cette faveur, «Ne m'est-il pas échappé quelque sottise? » dit-il à ses amis.

Il ne faut pas conclure, de ce que nous avons dit, que claquer soit toujours synonyme d'applaudir. On n'estime pas tout ce qu'on claque.

ACTEUR.

Acteur, dans le sens général, personnage en action; acteur, dans le sens relatif, homme qui joue dans une pièce de théâtre. Cette dénomination s'applique également à l'homme qui joue la tragédie et à celui qui joue la comédie; à l'homme qui déclame et à celui qui chante. La nature n'est pas moins avare de grands acteurs que de grands poëtes. On n'est pas grand acteur sans réunir au plus haut degré les qualités les plus rares du cœur et de l'esprit, sans posséder la sensibilité la plus profonde et l'intelligence la plus étendue. Pour exprimer par le geste et par la voix les passions humaines, il faut, ce me semble, autant de génie que pour les exprimer par le discours. L'art de l'acteur est aussi ancien que l'art dramatique. Les premiers drames furent composés par les

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