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dinal Bevilaqua fit élever à ce grand poëte n'est pas, beaucoup près, si simple et si concise. Il est vrai que, sur la modeste pierre qui le recouvrit pendant qu'il attendait un mausolée, on ne lisait que ces mots, gravés les moines de Saint-Onuphre :

par

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Torquati Tassi
Ossa

Hic jacent;
Hoc ne nescius

Esses, hospes,
Fratres hujus eccl.

P. P.

M. DC. I.

<< Passant, ici reposent les os de Torquato Tasso; les frères qui desservent cette église ont posé cette pierre pour t'en instruire. >>

Si cette épitaphe contient celle de Masséna, c'est comme un bloc équarri par le manoeuvre contient une statue parfaite, jusqu'à ce qu'un artiste vienne l'en dégager.

On lit à Rome, sur le tombeau que la marquise de Santa-Cruz fit sculpter pour sa fille, par Canova, et dans lequel elle-même est déposée:

Mater infelicissima filiæ et sibi.

«La plus infortunée des mères à sa fille et à elle-même. » Rien de plus touchant.

L'épitaphe n'est pas toujours grave; témoin celle qui

était inscrite dans l'église de Saint-Côme sur la tombe de François Trouillac, que la nature avait gratifié d'une corne au front:

Dans ce petit endroit, à part,
Gist un très singulier cornard,
Car il l'était sans avoir femme.

Passants, priez Dieu pour son âme.

L'épitaphe prend quelquefois le caractère de l'épi

gramme:

Ci-git Piron qui ne fut rien,

Pas même académicien.

Autre exemple:

Ci-gît ma femme. Ah! qu'elle est bien,

Pour son repos et pour le mien !

Quelquefois aussi elle prend le caractère de la facétie. Montmaur avait moins de jugement que de mémoire; on pour lui ces vers :

fit

Sous cette casaque noire

Repose bien doucement

Montmaur, d'heureuse mémoire,

Attendant le jugement.

Il n'est pas certain, à la vérité, que ces épitaphes aient été inscrites ailleurs que sur le papier.

L'épitaphe a pris quelquefois encore le caractère du

madrigal. Dans un jardin pittoresque, sur un cénotaphe gothique placé au milieu des fleurs, on lisait :

Ci-gît amour qui bien aimer fesait;

Li faux amants l'ont jeté hors de vie.
Amour vivant n'est plus que tricherie;

Pour franc amour priez Dieu, s'il vous plaît.

Les tombeaux qui ornent les jardins ne sont pas toujours vides; ils contiennent souvent les cendres d'un chien ou d'un chat, ou de tel autre favori de la maison, auquel le poëte de la société a fait une épitaphe. Voici celle que portait une urne où un pauvre moineau était

inhumé sous des roses:

L'oiseau sous ces fleurs enterré
N'enchantait pas par son ramage,
N'étonnait pas par son plumage;
Mais il aimait; il fut pleuré.

Les cendres de l'auteur de l'Émile et de l'Héloïse ont reposé long-temps dans le monument que leur avait consacré, au milieu du lac d'Ermenonville, le noble propriétaire de cette belle retraite. Rien ne s'accorde mieux avec la nature du site et le caractère du défunt, que cette épitaphe faite par Ducis :

Entre ces peupliers paisibles,

Repose Jean-Jacques Rousseau.

Approchez, cœurs droits et sensibles,

Votre ami dort sous ce tombeau.

Quelques hommes, y compris Virgile, se sont plu à composer eux-mêmes leur épitaphe. Celle que s'est faite le comte Alfieri commence par ces mots : « Hic quiescit tandem! Ici repose enfin ! » Le trait est beau, mais il n'est neuf. Rassasié d'honneurs et de plaisirs, un homme qui avait passé sa vie dans les cours, un seigneur suédois, le comte de Tessin, gouverneur de Gustave III, avait ordonné de mettre sur son tombeau : Tandem felix! «Heureux enfin !»

pas

De tous les hommes qui ont fait leur épitaphe, celui qui s'est le mieux connu et s'est fait le mieux connaître, c'est l'auteur de celle-ci :

Jean s'en alla comme il était venu,
Mangeant le fonds avec le revenu.
Croyant trésor chose peu nécessaire ;
Quant à son temps, bien sut le dispenser;
Deux parts en fit, dont il soûlait passer
L'une à dormir et l'autre à ne rien faire.
LA FONTAINE.

C'est faire l'éloge d'une épitaphe que la citer après celle-ci. Celle qui suit ne nous semble pas indigne de

cet honneur:

Nu j'étais quand on m'a pondu,
Et nu je suis sous cette pierre;
Ainsi, mes amis, sur la terre
Je n'ai ni gagné, ni perdu.

RÉVOLUTION DRAMATIQUE.

La révolution littéraire prêchée par l'auteur du Genie du christianisme, et consolidée par ses Martyrs, est définitivement consommée. De l'épopée elle s'est étendue au drame, et de la chaire au théâtre. L'on n'y veut plus que des sujets tirés de la Bible ou de la Légende : là aussi, hors de l'église point de salut.

Tout bien considéré, on a raison d'avoir tourné à salut une si damnable invention. Que dis-je? grâce à cette révolution, voilà le théâtre rendu à sa destination première, qui fut toute pieuse, comme on sait. Pour peu qu'on sache en tirer parti, la tragédie tiendra lieu de sermon; les ignorants y feront un cours de théologie, sans être obligés de suivre la faculté, et les petits garçons n'auront pas besoin d'aller à l'école pour apprendre leur catéchisme.

Et qu'on ne me dise pas que c'est profaner les choses sacrées. Je dis, moi, que c'est sanctifier les choses profanes. Quel avantage pour la société! Que nous apprenaient, en effet, les prétendus chefs-d'œuvre de cet ampoulé de Corneille, de cet efféminé de Racine, de ce damné de Voltaire? A aimer la patrie, la gloire et les dames. Cela peut-il se comparer à la doctrine dont sont imbues des tragédies nouvelles, tragédies toutes saintes, tragédies conçues et écrites pour l'amour de Dieu? Pé

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